Paume

Site de « Recherche-Création sur l'épaisseur de l'écriture »

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non-responsive

Chutes

Note #

  • voir hagen 2005, pias 2002, siegert 2003 et zielinski 2006 pour critique kittler : daniels 2002

avant propos de l’intro #

pour dynamique collective

tu ne peux comprendre une chose que si tu l’as pensé

es chercheurs et les chercheuses en humanités numériques doivent savoir coder, dans le sens où il est nécessaire de décomposer les outils que nous utilisons comme l’explique Quinn Dombrowski (Citation: Dombrowski, 2022) Dombrowski, Q. (2022). Does Coding Matter for Doing Digital Humanities?. Dans The Bloomsbury handbook of the digital humanities. (pp. 137–145). Bloomsbury Academic. (partie 5.5.3 de la thèse d’Antoine)

Once I met a young professor of German literature, who addressed me during a lunch break at a conference. He told me, “Mr. Kittler, you are wrong. You always tell us that in order to understand the computer age one has to be able to program one’s own computer. This is silly,” he said, “Computers are like cars. You don’t have to understand the internal mechanics of a car in order to drive it. Look at me,” he said, “I am a professor of German literature without ever having writtenKhayyat / An Interview with Friedrich Kittler"15a poem.” And I told him that if this was the case, he was no scholar of German literature. text humility 14

Un jour, j’ai rencontré un jeune professeur de littérature allemande qui s’est approché de moi pendant la pause déjeuner d’une conférence. Il m’a dit : “Monsieur Kittler, vous vous trompez. Vous nous dites toujours que pour comprendre notre monde informatique, il faut être capable de programmer soi-même son ordinateur.C’est absurde”, a-t-il ajouté, “Les ordinateurs sont comme les voitures. Il n’est pas nécessaire de comprendre la mécanique interne d’une voiture pour la conduire. Regardez-moi, disait-il, je suis professeur de littérature allemande sans avoir jamais écrit un poème. Et je lui ai dit que si c’était le cas, il n’était pas un spécialiste de la littérature allemande.

Malgré le caractère technocrate de cette définition, le projet de Kittler est assurément tourné vers l’horizon et la cause littéraire. Développant une posture épistémologique, la réflexion du chercheur vise à réorienter – ou même détourner – le projet postructuraliste. Comme la défense pour l’ouverture des perspectives humanistes aux mobiliers de l’usine (Flusser), Kittler souhaite ouvrir l’analyse littéraire focalisée sur l’étude des structures du langages et de ses dynamiques intertextuelles aux entrailles de la machines pour en saisir les systèmes techniques et surtout leur implication sur notre conception du texte. Si il cite maintes fois l’article de Foucault « Qu’est ce qu’un auteur ? », c’est pour dépasser la conception du sujet ouverte par cette approche comme « fonction variable et complexe du discours » pour la poser comme composition média-technique du discours.

La réflexion de Kittler en ce sens ne condamne pas toutes possibilités de collaboration avec la machine. L’outil a une influence certaines sur son utilisateur (alors peut-être plus utilisé que utilisant), mais au-delà de la dystopique soumission aux logiciels, il demeure des « mécanismes de pouvoir/savoir qui définissent notre réalité quotidienne » (p. 82) que Kittler a justement cherché à exposer.

L’architecture des microprocesseurs est désormais réalisée par des logiciels fonctionnant eux-mêmes sur la base matérielle des architectures d’ordinateurs antérieurs.


Le média n’est pas non plus une nouvelle Eve qu’il s’agirait de renommer pour posséder.


Enfin Latour est incontournable en ce qui concerne la notion d’agentivité qu’il traduit directement par l’expression d’origine spinoziste «puissance d’agir», trouvant le premier terme horrible, mais aussi «pour détacher agency de l’intentionnalité et de la subjectivité humaine» (2015: 67)

ISSN : 2561-5807, Anthropen, Université Laval, 2020. Ceci est un texte en libre accès diffusé sous la licence CC-BY-NC-ND, https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ Citer cette entrée : Laplante, Julie (2021-02-02), Agentivité. Anthropen. http://doi.org/10.47854/NJFW6857 ces derniers et possiblement aussi de Spinoza lorsqu’il maintient un agent quelconque – peut-être un quasi-agent à l’instar des notions de quasi-sujet ou de quasi-objet qu’il emprunte à Michel Serres (1980) – pouvant posséder de la puissance d’agir. Latour s’en remet encore une fois à Serres qui avait noté un déplacement de l’ancienne forme d’agentivité des pouvoirs établis – «et pourtant la Terre se meut» – à une nouvelle forme de «et pourtant la Terre s’émeut» (1990: 86). Dans l’un et l’autre cas, Latour pose le problème dans le fait que l’on doit d’abord (dés)animer la Terre, pour alors devoir redistribuer les puissances d’agir; les chercheurs les plus intéressants à ses yeux étant ceux qui «se contentent simplement de ne pas lui retirer les puissances d’agir qu’elle possède» (2015: 95). C’est en cela qu’il diffère de Spinoza (1677) pour qui puissance d’agir est déjà force d’exister dans sa tendance actuelle relationnelle, et non question de possession; dans l’Éthique, il formule une distinction entre affectio, la façon dont les corps se mélangent et laissent des traces d’eux-mêmes les uns dans les autres, et affectus (passions ou affects) de corps qui augmentent (joie) ou diminuent (tristesse), bénéficient ou réduisent sa puissance d’agir (2002) [1677]: 82). Deleuze et Guattari précisent que, «aux rapports qui composent un individu, qui le décomposent ou le modifient, correspondent des intensités qui l’affectent, augmentant ou diminuant sa puissance d’agir, venant des parties extérieures ou de ses propres parties» (1980: 314). Ainsi, «[s]ur le plan de consistance, un corps se définit seulement par une longitude et une latitude: c’est-à-dire l’ensemble des éléments matériels qui lui appartiennent sous tels rapports de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteur (longitude); l’ensemble des affects intensifs dont il est capable, sous tel pouvoir ou degré de puissance (latitude)» (ibid.: 318). Cela revient à dire qu’il n’y a ni agent ni agentivité fixe. Latour note plutôt que vivre à l’ère de l’anthropocène implique que tous les agents partagent la même destinée de changement de forme, mais que la tâche politique cruciale est de distribuer cette agentivité aussi loin et de manière aussi différenciée que possible jusqu’à ce que les concepts de sujet et d’objet n’aient plus d’intérêt (2014: 17). C’est là qu’il conserve un certain privilège de distribution de l’agency à l’humain. Dans un positionnement quasi animé similaire à celui de Latour, on peut aussi inclure Jane Bennett (2010) et son «agentivité de l’agencement» qui voit dans le travail de Deleuze et Guattari (1980) une connexion entre l’agentivité humaine et certaines formes d’agentivité non humaine, mais qui affirme tout de même une sorte d’agentivité humaine intentionnelle distincte. Elle évoque le rôle actif des matérialités non humaines dans la vie publique en tant que vaste capacité pas-tout-à-fait humaine, une chose-pouvoir, ou actante, à laquelle elle dit tenter de donner une voix (Bennett 2010: 3). Ce faisant elle se fait porte-parole d’une vitalité intrinsèque au non-humain, conservant ainsi ce privilège humain de donner une voix à la matière. Strathern (1988, 1991) avait pour sa part déjà proposé une solution à ces résidus d’agentivité alloués de manière asymétrique par l’humain, en proposant une agentivité qui se distribue elle- même et qui n’a peut-être pas besoin de porte-parole non plus. En procurant une illustre démonstration au moyen des spores fongiques, laquelle dérange nos idées préconçues à la fois sur l’individu et sur la structure, Tsing (2014) propose aussi une compréhension de l’agentivité en termes de constants entrelacements plus ou moins effectifs et affectifs qui émergent selon leurs tendances.


dés-idéaliser et dés-esthétiser pour Kittler les pratiques poétiques pour les ramener à une concrétude matérielle.

les lettres ne sont pas innocentes.

l’appareil emprunté au contexte technique devient avec les théoriciens de l’idéologie comme Baudry un élément dépouillé de sa concrétude.


vampirisme de Kittler, reconnaissable qu’à l’aune de l’ère technique

[L]es canines de Dracula laissent les mêmes traces que la perforatrice sur du papier-ruban : deux morsures au cou, toujours au même endroit, avec un espacement invariable, aussi prévisible que la frappe de la machine. (Alloa p. 19 à partir de Kittler « Le Testament de Dracula, in 1900 mode d’emploir, 2010)


Cette « étrange chose » (Claude Lévi-Strauss, 1998, p. 352) qu’est l’écriture consiste à « transférer, faire passer la parole orale ou intérieure à la fixité des signes graphiques » (p. 11). Mais il y a plus : l’écriture est « un ensemble de signes dont la valeur peut être identifiée à juste titre par une autre personne que celle qui les traça. Il y a écriture quand, le scripteur absent, une autre personne peut lire et connaître le contenu du texte » (p. 75).

Comme le montre Herrenschmidt, l’écriture rend le langage visible mais par ses différentes manifestations instaure un rapport divers entre les choses du monde et celles du langages, à savoir le contexte.

« l’écriture s’est lentement introduite dans le contexte et l’a entamé, pointant la distance qui sépare les choses du langage des choses du monde » (p. 16).

Parmi les écritures montrées dans le cadre de cette thèse, elles n’auront pas toutes vocation à une lecture directement humaine, mais elles font toutes une incarnation d’un lien entre le monde et une perspective de recherche et création sur ce dernier.

[…] écrire. L’origine n’est plus ce qui se raconte, mais l’activité multiforme et murmurante de produire du texte et de produire la société comme texte. Le « progrès » est de type scripturaire. (certeau, 198-99)

On ne parlera pas tant du texte, « fragments ou matériaux linguisitiques [qui] sont traités (usinés, pourrait-on dire) dans cet espace [la page blanche] selon des méthodes explicitables et de manière à produire un ordre. Une suite d’opérations articulées (gestuelles et mentales) – littéralement c’est cela, écrire – trace sur la page les trajectoires qui dessinnent des mots, des phrases, finalement un système. Autrement dit, sur la page blanche, une pratique itinérante, progressive et régulée – une marche – compose l’artefact d’un autre « monde », non plus reçu mais fabriqué. Le modèle d’une raison productrice s’écrit sur le non-lieu du papier. SOus des formes multiples, ce texte bâti sur un espace propre est l’utopie fondamentale et généralisée de l’Occident moderne » (certeau, 199-200)

Dans son explication de l’écriture, comme une « pratique mythique “moderne”, De Certeau reprend une sortes de généalogie très concrète de la production littéraire : page blanche puis texte puis en vue de la [réalité] changer.

En somme l’écriture, ou « jeu scripturaire » (certeau 200), renvoit à la réalité qui s’est distingué pour la changer, la faire évoluer, la modifier.

menacant de voler le primat à l’humain (platon 2012, au IVe )parce que d’origine divine // nuée

La nuée n’est pas une célébration de l’origine divine de l’écriture

« dans sa dimension la plus technique, la moins conceptuelle, [elle] affirm[ait] l’universalité des humains en matière de culture écrite » (Traces de Jack Goody et al. 2012) Si pour Flusser la fabrique est ce qui fait la dignité de l’humain, pour Goody, l’écriture est ce qu’il y a de plus humain dans l’humain.

[L]a question de l’inscription posée dans le contexte numérique conduit à différencier plusieurs couches d’écriture (Cotte, 2011). D’abord, du point de vue du codage binaire propre du texte : on considère alors la couche de programmation (ou paquets de données numériques) qui stabilisent les différentes formes d’affichage du texte en tant que forme lisible, c’est le « niveau profond ». Ensuite, du point de vue de sa production/édition, le texte est supporté par un architexte logiciel qui le place dans un lieu déjà inscrit et sémiotique, un « niveau de surface ». Enfin, le troisième niveau est celui du texte, que Sylvie Leleu-Merviel désigne comme « niveau abstrait », ou plus précisément, comme une représentation abstraite du document (Leleu-Merviel, 2004). (Bonnacorsi 2012, 28)

on pourrait affirmer que chaque couche d’écriture est un texte.

On a parlé beaucoup beaucoup de couches, strates dans l’écriture numérique, mais l’écriture a toujours était épaisse.

La troisième révolution graphique a commencé entre 1936 et 1948 avec les débuts de l’écriture informatique, puis en 1969 avec l’écriture réticulaire. L’écriture informatique débute par les travaux d’Alan Turing ; elle ne s’intéresse d’abord qu’aux nombres et aux calculs pour passer au traitement, avec les mêmes machines (on est loin de la machine à écrire du type Remington), de toutes sortes de langues, graphiques, dessins, sons… « L’ordinateur est une machine électronique à programmes enregistrés, qui fonctionne de façon séquentielle, en une succession d’états physiques, selon le passage ou l’absence du courant électrique. » (p. 393.) L’ordinateur traduit les données en nombres ; les nombres eux-mêmes sont traduits en base 2, grâce au passage ou à l’absence de courant électrique, ce qui constitue les bits (binary digits). Comme le rappelle l’auteur avec humour, tout utilisateur d’un ordinateur avec un simple traitement de texte travaille avec un bureau du chiffre : nous sommes tous dans la lignée des héros de John Le Carré.

Ces ombres, réunies en une même silhouette, loin de contenir l’angoisse d’un littéraire dans ses propres rouages dans tous les manteaux qu’elle peut revêtir, accompagneront notre étude avec l’enthousiasme d’assister à un apocalyptique moment de l’écriture. Pour décrypter ce qu’elles impliquent, en quoi elles se nouent autour de nos certitudes pour en faire sentir encore davantage la limites de modèles révélant leurs propres inaptitudes, faiblesses et manques, je propose ici une image qui, si elle a ses propres manquements, a le mérite d’enceindre une enquête de l’écriture comme un paysage, s’étendant bien au-delà de tout cadre pouvant être institué par les mots.


Les images auront toujours l’envers tranchant de mener l’esprit à vagabonder dans des analogies qui trahissent la matière, le réel. Le propre de l’image est justement celui-ci, avouer un désir irrépréssible de sortie, hors d’un contexte présent mais également hors d’une condition, plus proche des nuées.

De la dangeorisité des images, il sera également question dans le cours de cette réflexion. De leur utilité pour mettre en formes multiples des notions sinon difficilement explicables ou se révélant sèches sous la dent de l’esprit.

La nuée #

Terme déjà inscrit dans le corps littéraire, la nuée peut bien sûr évoquer la comédie grecque d’Aristophane (V^e^ siècle av. J.-C.), critique virulente de la figure socratique et de son autorité philosophique.

La création d’Aristophane est déjà intéressante parce qu’elle évoque une réalité de l’écriture, son impact dans le monde réel, soit les perturbations concrètes de l’écriture. Aux dires de Platon comme de d’autres auteurs contemporains, Les Nuées sont en partie responsable du procès et de l’exécution de Socrate1

[analyse]

[déploiement]

La nuée nous permet d’annoncer une enquête de l’écriture comme matière en tentant d’éviter les vertiges de l’essentialisation qui la mènerait à rebours à regresser vers un concept abstrait.

S’il faut toujours se méfier des images, ou des expériences de pensées, par la propension qu’elles ont d’appeler les détournements et les syllogismes, je tiens à établir la perspective matérialiste dans l’utilisation du terme.

[reformulation]

Si la nuée (de nubes en latin, soit le pluriel de nube ou nuage) peut rapidemment être apparenté à un élément lointain, principalement aérien, et vaporeux, donc proche d’une immatérielle présence, pour les besoins de l’étude ici, la nuée sera déterminé comme une formation matérielle. Cette étymologie implique déjà une pluralité constituante qui permettra de garder en tête que si l’on parle de nuée au singulier, elle émane d’un collectif, d’un ensemble. Qu’elle soit formation nébuleuse, conspiration, multitude, la nuée écartera ici l’un de ses sens secondaires, celui d’une abstraction de choses vagues et chimérique, pour convoquer une réalité concrète.

La nuée est ce qui nous surplombe, et c’est justement la dimension quelque peu inquiétante ou hostile qu’il m’intéresse ici de retranscrire dans notre rapport à l’écriture. Elle est ce qui peut nous traverser avec brutalité comme les oiseaux d’Hitchcock ou les sauterelles de Philippot2 ou fascination 3.

La restitution du mouvement à la nuée souhaite se faire par l’entriprise technique de recherche et création. C’est dans l’outil que tient la paume que se fige l’épaisseur de l’écriture qui souhaite tout de même faire état d’une réalité qui ne semble pas pouvoir se saisir autrement que par une certaine violence de l’écrasement.

Cependant, avec l’espoir de palier cet écueil de l’aune, la version html proposera de reconfigurer les différentes parties pour composer un propose arrangement de la carte de l’écriture, et, potentiellement, générer une version imprimable de cette lecture choisie défiant une linéarité déterminée d’avance.

L’écriture souhaite s’épaissir de multiples strates autant techniques que métaphoriques, oscillant entre plusieurs langages, principes techniques mais également entre plusieurs imaginaires, qui n’en sont pas moins imaginaires :

Ces imaginaires se retrouveront indexés tout comme les notions et concepts selon un principe de sémantisation de l’écriture qui permettra de renouer avec un principe de constellation de la nuée. Noeud de vipère rendu lointain dans la verticalité, la nuée est une formation dont l’étrangeté n’empêche pas une cartographie.

Dans mes approches de la littérature numérique comme phénomène culturel, je me suis moi-même étonnée de remarquer que je citais davantage de texte pré-numériques que de textes nativement numériques.

Le problème des images #

Bien entendu, j’entends crier les paniques matérialistes, les images et structures analogiques ont elles-même leurs diverses dérives, ne solutionnant pas une question en la résumant mais charriant de nouvelles problématiques.

L’abstraction débattue elle se love dans les images et sans aucun doute dans la nuée, dont le second sens est celui de cet espace, flou, fluide, où naissent les idées. Il serait bien orgueilleux de clamer renverser et raser du territoire de la nuée l’épine de l’abstraction pour la remettre sous terre, en terre, la ramener à sa propre matérialité. Elle demeurera toujours l’épée de Damoclès que l’on tient soit même au bout d’une corde.

voir flusser

Les images et imaginaires ont ceci de problématiques qu’elles appartiennent aux valeurs récursives de nos esprits : à titre d’exemple de topos, Kittler cite notamment les sirènes « where the same issue is taken up again and again at regular intervals but with different connotations and results » (Armitage 2006, p. 203). Les sirènes passent des nymphes grecques séductrices, aux monstres du haut christianisme jusqu’au moyen-âge et jusqu’au sirènes du XIX e siècle qui en donne une traduction technique et sonore, un dispositif à son strident.

Dans cette exemple la sirène est autant un ensemble culturel qu’une technologisation de ce même imaginaire. une chose comme un dispositif qui crie alerte.

la nuée autant un esepace inateignable pour l’humain qu’un mouvement d’ailes

l’épaisseur autant une caractéristique de composition qu’une caractéristique mentale.


Transposé à l’écran et ses multiples visages, la question du deal avec le texte que décrit McPherson (extrait ci-dessus) s’est principalement posée via l’instance de l’image, comprise comme perception des phénomènes de représentations et de constructions du texte. Le texte dont nous héritons, au gré de la multiplicité et de la diversité de ses conceptions (approches intertextuelles, antipoétiques, se reconnaissant d’un avant-gardisme ou d’un poststructuralisme), nous permet moins de saisir ce qu’il est véritablement, son émergence et ses fonctionnements, que les motifs saillants dont se sont emparées ces théories littéraires. Courbes typographiques, poétiques des espaces blancs (Christin 2000), harmonies ou saturations des styles de mises en page, le texte numérique est un évènement régi désormais par de nouvelles caractéristiques plastiques que sont la lumière, surface et mouvement :

Anne-Marie Christin définit cet événement du texte numérique par l’évocation de plusieurs caractéristiques formelles et plastiques : la surface, la lumière, le mouvement. L’occupation de la surface fait signe vers une « profondeur » et repose sur une dynamique de montré/caché. L’attente de l’apparition/affichage peut produire autant de textes morcelés, inachevés, corrompus et détériorés, illisibles (par la machine, par l’humain). (Bonaccorsi 2012, p. 190)

La quête de l’imitation se poursuit dans un nouveau jeu de rôle entre transposition d’un principe d’écriture d’un système à un autre et effets de continuité dissimulant en réalité un changement plus profond qu’une transition de support. La structuration de la page blanche du traitement de texte, le bruit du papier que l’on tourne dans le vide des liseuses, le principe d’annotation en marge, tous ces états du textes héritiers d’un modèle imprimé (et du format livre), lorsque transposés ou remédiés à l’écran, font l’effet d’un spectacle entre disparitions et apparitions : l’écran joue au papier pour reconduire un rapport au texte et trompe pour quelques temps la lectrice. Tout en révélant ses capacités d’imitation ou de remédiation, il détourne ses propres caractéristiques plastiques. Métamorphose souple, il fait image comme écran aux potentialités, des deals du texte qui pourraient être passés hors d’une tradition institutionnelle et littéraire. Dans cette étrange transaction parcourue d’a priori et de méfiances techniques, le texte est un « air ou une impression de texte », il est une image au sens de représentation ou d’effigie dont la nature concrète échappe de plus aux littéraires bien qu’il demeure un composé d’écriture en tant que tel. Ce temps de l’écriture s’intéressera aux phénomènes d’imaginaires du texte-machine et développera un principe d’image technique du texte.

À contre courant de la perspective du texte numérique comme image d’un texte passé, l’équipe de Vectors, dans la fondation de leur revue/laboratoire, a pris le parti de ne pas traiter le texte comme une instance du domaine de l’image, soit de ne pas faire ce qu’ils nomment comme une « image du texte » en prenant en compte les éléments principalement visuels de sa composition (typographie, police, mise en page), mais de plutôt considérer le texte comme une instance du code, soit de gérer le texte depuis une perspective machine. Comme dans le labyrinthe oulipien, le texte technique est une architecture à partir de modalités (poétiques ou médiales) qui cadrent mais qui limitent (si elles ne la déterminent pas) l’écriture. Or, dans ces deux approches demeure l’éternelle division de strates textuelles : machine, poétique, image et imaginaire. Si les résultats finaux de Vectors comme nombreuses des créations oulipiennes s’avèrent des produits hautement visuels et semblent pouvoir être compris comme des compositions graphiques, mon intérêt vis-à-vis de leur projet s’attache davantage ici à la distinction faite entre le régime de l’image et celui du code. Ne serait-ce pas là la résurgence d’une distinction bien plus vertigineuse ? Soit la « rhétorique de l’immatérialité qui oppose forme et matière, ou contenu et contenant, en présupposant qu’il y ait d’un côté quelque chose de pur, immatériel, noble et précieux et de l’autre son incarnation, impure, matérielle, imparfaite, vile et sans importance » (Vitali-Rosati, Éloge du dysfonctionnement). Cette opposition résonne avec les antinomies fond et forme, réalisation manuelle et conceptualisation, technique et image. Au cœur de ces déclinaisons se cristalise un système de valeur récurrent : le hiatus sens/matière est en parallèle du féminin/masculin selon un système qui valorise l’un (l’homme qui pense et dicte le savoir) et dévalorise l’autre (la secrétaire qui transcrit le savoir) [Vitali-Rosati & al., Pensée et collectif dans la matérialité de nos écritures (article à venir) ; @mellet_manifeste_2021]. Ou serait-ce là l’entrée d’un nouveau personnage dans ce jeu de pouvoir : le fond, la forme et la technique ? Ne peux-t-on joindre les deux/trois dans la réalisation d’un texte ? Soit par exemple considérer une image du texte qui serait une image technique et plus largement penser le texte comme un écosystème dont les strates dialogues constamment comme artificiellement. La distinction entre dimension du visible et réalité technique, et l’engagement pour au profit d’une réalité technique du texte en réaction à une approche vernaculaire de l’écran qu’est l’image du texte, est problématique parce qu’elle ne résout pas la question du texte numérique comme fantôme d’un texte passé et le laisse même à son errance.

Le fait littéraire #

  • lien avec invention littéraire de médias : où les discours sur litt numérique sont un héritage de questions plus anciennes que posent les litt pré-num

recherche-création

https://www.youtube.com/watch?v=Ygne72-4zyo

[ajouter Autopsie Turcotte]

Plan d’une non-linéarité #

Il y a dans cet extrait certainement cristalisés l’ensemble des éléments qui vont établir les différentes lentilles de nos focales sur l’écriture.

Chaque entrée dans la nuée peut être choisie. Pour des raisons de compréhension, de visibilité dans la masse d’une facette, chaque entrée début avec un déboulonnage de la notion qui correspond à une dissection de la notion même.

importance d’une perception non linéaire

tout comme il est primordial pour ma pensée de se situer dans un hors-temps, qui renie pas l’importance des contextes historiques mais s’en nourrit pour établir de multiples concordances et continuités entre des phénomènes qui se retranscrivent au travers de pratiques culturelles, il est important de proposer une perspective non-linéaire de cette thèse.

ce que Kittler appelle une “recursive” et qui peut autant faire référence au topoi

Refusant pour le seul cas le bel imaginaire de la ligne d’Ingold et son défilement aux travers des temps, voyez davantage cette thèse comme une main, dont la paume peut tenir ensemble tous les doigts comme les éléments d’une même architecture épistémologique. agencez les doigts comme il vous semble, le pouce au-dessus de l’index ou le majeur au de tous, c’est un éclatement que l’on a en main qui seul permet dans ce qui reste une image structurelle de combattre l’écrasement causé par la mise à plat d’une écriture qui aimerait idéalement penser son épaisseur.

post-humain #

L’analyse des pratiques de l’écriture mène comme un cours d’eau à une approche post-humaniste de la littérature que nous définirons pour l’heure ainsi :

By “posthumanist” I mean to signal the crucial recognition that nonhumans play an important role in natural/cultural practices, including everyday social practices, scientific practices, and practices that do not include humans. But also, beyond this, my use of “posthumanism” marks a refusal to take the distinction between “human” and “nonhuman” for granted, and to found analyses on this presumably fixed and inherent set of categories. Any such hardwiring precludes a genealogical investigation into the practices through which “humans” and “nonhumans” are delineated and differentially constituted. A posthumanist performative account worth its salt must also avoid cementing the nature-culture dichotomy into its foundations, thereby enabling a genealogical analysis of how these crucial distinctions are materially and discursively produced. (2007, 32)


démence de mots qui s’oublient les uns des autres

générateurs de démence

L’hypothèse de recherche et création n’est donc en soi pas révolutionnaire puisque ça a déjà été dit et loin de prétendre à clôre l’enquête, cet écrit souhaite simplement y participer dans le lieu de la littérature. Lier les pensées des médias à cette question de matières d’écritures et faire dialoguer dans une approche conceptuelle de la littérature les réalités des processus d’écriture avec les problématiques d’abstraction et d’essentialisation du texte, là est (peut-être) une originalité de ce qui s’écrit.

écriture automatique et essouflement

La façon dont les écrivains ont vécu le chemin de fer, cette extraordinaire économie du travail musculaire, est indéniablement importante, du point de vue de l’histoire de la littérature. (introduction de la thèse d’habilitation de Kittler, qui donnera le livre discourse network, préface tapuscrite de la thèse Aufschreibensysteme 1800-1900, université de Fribourg, préface non reprise dans l’édition du livre mais citée dans documentes publiées dans le numéro spécial de la Zeitschrift für Medienwissenschaft 6/1, 2012, p. 117)

les discours constituent les effets collatéraux des médias techniques d’inscription, archivage, mise en circulation.

c’est le standard digital qui opère la réduction de l’infini ; ce qu’un sujet enregistre dans tout ce qui l’entoure dépend non pas de discours sociétaux qui le conditionnent, mais d’un principe de raréfaction établi par les appareils eux-mêmes. La vérité est un effet produit par quelques lignes de code. (Alloa, p. 13) à partir de Kittler. « Spiele des Wahren und des Falschen. Zum zehnten Todestag des französischne Philosophen Michel Foucault. » Short Cuts, 2002, p. 36-37

idée que l’influence est palpable.

Prémisses de l’âge des machines. — La presse, la machine, le chemin de fer, le télégraphe sont des prémisses dont personne n’a encore osé tirer la conclusion qui viendra dans mille ans. (voyageyr et son ombre 278)

Horace (-65, -8) auteur du renommé « verba volant, scripta manent » (« les paroles s’envolent, les écrits restent »).

[…] on trouvera un certain contentement visuel et philologique à démontrer que la littérature de la machine `aécrire débuta en 1882 avec un poème de Friedrich Nietzsche, qui aurait pu aussi bien s’intituler À propos de la machine à écrire et de sa relation à l’écriture… (GFT 342 en référence à la monographie de Holmes À propos de la machine à écrire et de sa relation au crime dans Doyle The complete Sherlock Holmes p. 199)

Le seuil de l’écriture #

[@kittler_discourse_1990]

[ajout]

idée de l’abstraction de l’écriture

Cette introduction adresse quelques questions autour de l’écriture qui, comme toutes bonnes névroses, corrodent les certitudes littéraires : à l’image d’une thérapie, la thèse a moins vocation à résoudre ces interrogations qu’à les déployer pour saisir une épaisseur de l’écriture : moins sujet d’étude que réel support d’une mise à l’étude de nos propres considérations, représentations et convictions sur ce qui constitue la mâne d’une littérature hors de la tradition orale.

En 1860, cinq ans avant la boule à écrire mécanique de Malling Hansen, qui fut la première machine à écrire pouvant être produite en série, les Lettres d’amour mal employées de Keller affirmaient encore l’illusion de la poésie elle-même : l’amour n’a que l’impossible alternative de « parler avec l’encre noire » ou « de laisser parler le sang rouge » (Keller, Dis Missbrauchten Liebesbriefe, p. 376 dans Die Leute von Seldwyla 1961). (Alloa, p. 55)

En 1882 enfin, l’imprimerie de Copenhague C. Ferslew associa la sphère écrivante et les femmes comme médium destiné à remédier à la difficulté consistant en ce que ses « compositrices-typographes consacraient beaucoup plus de temps à déchiffrer les textes manuscrits qu’à composer effectivement le texte » (Stümpel, p. 8) (GFT, p. 334-5)


au centre du memex, était l’angoisse d’organiser qui doit être commune à tous les projets en HN :

A revolution must be wrought in the ways in which we make, store, and consult the record of accomplishment. […] It is not just a problem for the librairis, althought that is important. Rather, the problem is how creative men think, and what can be done to help them think. It is a problem of how the great mass of materials shall be handled so that the individual can draw from it what he needs – instantly, correctly, and with utter freedom. (bush, 147)


comme Drucker, Pretucci, MOsiron qui ont exploré la dynamique visuelle de l’écriture dans différents contextes, des manifestations épigraphiques sur les monuments, jusqu’aux instances typographiques sur le papier (Drucker, The Visible Word, 4; Petrucci, Public Lettering; and Morison, Politics and Script. In general, see Gutjahr and Benton, Illuminating Letters)

Questions #

  • où est-ce que je parle de l’hypertexte ?

Partie Fabrique #

  • à la fin de l’origine politique de la fabrique, ajouter une partie sur la normativité de Word imposée par l’université ?
  • dans la fabrique de la littérature : ajouter une partie sur l’atelier et la chambre à soi ?
  • reprendre la structure de la cuisine pour la fabrique de ma fabrique ?

De humani corporis fabrica libri septem (À propos de la fabrique du corps humain en sept livresn 1) est un traité d’anatomie humaine que l’on doit au médecin et anatomiste brabançon Andreas Vesalius (André Vésale). Il a été rédigé de 1539 à 1542, publié à Bâle en 1543, par Johannes Oporinus et réédité en 1555.

l a été traduit en anglais et en français par le même mot « structure », mais qui ne rend pas compte de la richesse du terme latin. Selon Jackie Pigeaud, Vésale utilise le terme fabrica au sens de Cicéron, dans De natura deorum (livre II). Dans la configuration (figuris) des êtres vivants, Cicéron admire la fabrica des parties et des membres : « Tout ce qui est renfermé dans l’intérieur du corps, est né et placé de telle sorte que rien de cela ne soit en trop ; il n’est rien qui ne soit nécessaire à la vie »6.

Vésale aurait choisi le latin fabrica de Cicéron qui rend parfaitement compte du grec kataskeuè de Galien, désignant à la fois une fabrication et son résultat. Le corps humain est le résultat d’une fabrication, celle de la Nature qui agit avec une volonté et des intentions. Pour Vésale, le corps humain est l’œuvre d’un sage artisan habile et talentueux. Cet artisan peut s’appeler Deus, Creator ou Natura6.


  • le tricot est une affaire de dame = détricotage d’une vision dualiste de la pensée/culture occidentale

« Tout art met en jeu un type particulier d’exposition. » (p. 64) Ruffel parle plus particulièrement de la sortie du livre : qui relève selon lui d’une politique d’exposition.


Dans le prolongement de ces analyses, Anthony Grafton répond à l’imposant travail d’Elizabeth Eisenstein pour préciser que cette révolution est plutôt une évolution lente sur différents plans (Grafton, A. (1980). The Importance of Being Printed. Journal of Interdisciplinary History, 11(2). 265. https://doi.org/10.2307/203783). Il souligne notamment le fait que certains points sont injustement amplifiés et ne donnent pas une bonne représentation de la réalité. Par exemple le fait que les lieux d’édition-impression du seizième siècle n’étaient pas des salons de discussion intellectuels, en raison du bruit qui y régnait et de leur saleté, ou encore que ces dispositifs de production n’ont pas immédiatement changé les modes d’écriture des auteurs et des autrices. La production du savoir a été profondément modifié avec l’invention technique de l’impression typographique qui introduit une mécanisation avec la typographie et permet d’entrevoir une industrialisation en cours, à laquelle le livre et l’édition ont participé. https://t.qtrnm.net/chapitre-01/#112-une-histoire-de-la-technique-depuis-le-livre


pour la question de la représentation, référence à Marx (volume 1 du capital donc un marx sur la fin) qui différencie l’abeille (la meilleure) de l’architecte (le pire) parce que l’architecte, lui se représente la maison avant de la construire. Cette réflexion est bien entendu à relativiser : « even the worst of architects has build his house in his head before he builds it in wax » donc où la production est une image dans la pensée qui doit être réalisé dans la matière « production begins with an image in the mind wich is then realized in the material » // différent du Marx jeune avait une perception différente, avec un regard phénomélogique où la production est un « I am », on produit sa vie et la production vient avant la consommation –> il s’agit de comprendre le sens de la production idée de réinsérer dans le mouvement et l’idée de la pratique vivante tout ce qui peut paraître préalable ou extérieur, définir la pratique humaine comme une écologie/économie des élements qu’elle met en rapport - écologie des pratiques humaines : faire un état de l’art de ces questions qui sont traitées et en train d’être pensées actuellement ou depuis aussi la réflexion sur les supports plus anciennes // sémiophobe (qu’est Ingold) (contraire à un sémiophile de Monsieur Philippe Descola) : désaccord qui se cristalise autour de la question « is it or is it not possible for us as living beings to perceive our environment directly ? […] or can we only related to the environment trough the mediations signs ? […]] is that relation to the environment based on presence or on interpretation ? » (Ingold, manu des idées) Ingold favor presence, car comme ça nous pouvons être disponibles aux autres êtres vivants (répondre, prendre soin, et interagir et apprendre) car « with interpretation, the world is always an absent presence, the sign is standing for something in the world so the world is always retrieting from us. » distanciation donc on ne peut jamais en faire une expérience directe (influence par la psychologie écologique de Gibson - nous montre, au-delà des faiblesse ou erreurs de sa réflexion par ailleurs, comment la perception directe du monde pouvait fonctionner)

Die Kombination von Geist und Mensch ist ohne Belang (für frankophone Ohren: impertinent) bei des Analyse eines Wissens, das alle Leute haben, ohne das noch einmal wissen zu müsser. (KITKIT 9 in humilité [je crois])

La combinaison de l’esprit et de l’homme n’est pas pertinente (impertinente !11) pour analyser un savoir que tout le monde possède sans avoir besoin de le savoir une fois de plus.

Et s’il est vrai que, peut-être n’y a-t-il rien de nouveau à dire sur l’écriture depuis les pages du Phèdre, reste néanmoins le sentiment qu’il est nécessaire de continuer à écrire. ( Citation: , (). Qu’est-ce que l’écriture numérique ?. Corela. Cognition, représentation, langage(HS-33). https://doi.org/10.4000/corela.11759 )

Partie Machine #

[Ma] machine est délicate comme un petit chien et pose de nombreux problèmes – elle est aussi source de quelque divertissement. Mais maintenant, mes amis doivent m’inventer une machine à lire : autrement, je ne serais que l’ombre de moi-même et je ne pourrais plus jamais me procurer de nourritures intellectuelles satisfaisantes. Mieux encore : j’ai besoin d’une jeune personne près de moi, assez intelligente et éduquée, pour pouvoir travailler avec moi. Je serai prêt à m’engager dans les liens d’un mariage de deux ans rien que pour cela. ( Citation: , , p. 180 (). Correspondance III : Janvier 1875 - Décembre 1879. Gallimard. )

Entre-temps, j’ai à la maison la remarquable Mme Röder-Wiederhold ; elle supporte et tolère « comme un ange » mon horrible « antidémocratisme » – je lui dicte en effet quelques heures par jour mes pensées sur les Européens d’aujourd’hui et de demain ; mais je crains que, baptisée comme elle l’est du sang de 1848, elle ne sorte un jour « de ses gonds » et quitte Sils-Maria. (Lettre de juin 1885 in ( Citation: , , p. 158 (). Correspondance III : Janvier 1875 - Décembre 1879. Gallimard. ) )

Contrairement à la numérisation, procédé qui relève de l’automatisation, de la reproduction, l’adaptation appelle une réflexion, et une modification du contenu en fonction du médium cible. Ainsi, comment présenter sur tablette Composition No. 1 de Marc Saporta, récit initialement publié en 1962 et consistant en 150 feuillets non reliés, lisible dans n’importe quel ordre ? Le livre d’artiste de Tom Phillips A Humument1 change-t-il de statut lorsqu’on le découvre sur iPad ? Enfin, le court roman de Mark Z. Danielewski, The Fifty Year Sword (2006), distribué sous diverses formes, du tirage limité à 1000 exemplaires à l’édition à large tirage, à la couverture piquetée de trous, en passant par une édition de luxe dans un coffret en bois, est-il aisément transposable au format numérique ? (Come Martin, 2021 sp)

l’inverse marche aussi, le problème n’est pas la numérisation mais le fait incontournable que tout texte est lié à un support dont les caractéristiques matérielles le contingente.

La réflexion posée par Martin, est problématique pour plusieurs points : d’abord cette matérialité de l’imprimé n’est pas opposable au numérique puisqu’elle découle d’une édition qui n’implique pas la presse, les copistes ni les scriptorium, mais bien les logiciels, les outils éditeurs de textes. Ensuite parce que ces projets ne sont en fait pas pensés pour le support écran dans la mesure où ils sont des déconstruction du papier. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas de déconstruction de l’écran possible, cela veut simplement dire que la déconstruction n’implique pas les mêmes caractéristiques plastiques à détourner.


Se faire l’intermédiaire,
Comme Bon face à la machine qui écrit automatiquement ou Don Quichotte face aux géants imaginaires, il s’agit de porter une vision du monde qui teste les limites du réel.


Laisser le sens à l’entendement, c’est également, dans une perspective post-humaniste, permettre l’idée d’une intelligence externe aux individus et même au principe d’individu en tant que tel, ce qui, pour Lévy, est déjà entre les lignes du De anima d’Aristote (III, 4) : il en résulte un principe d’intelligence collective (lévy) qui est toujours en acte, toujours en train de se faire.


voir anders, sur l’impossibilité de la perception (para sur 79 technique moderne), voir série podcast france culture


As Espen J. Aarseth observed in one of the foun- dational texts of game studies,2 information technology did not make the cybertext possible; cybertexts existed before computers and cybertextual thinking dates back several millennia

In support of this assertion, Aarseth shows how the famous Chinese book of changes, the I Ching, which dates back to the Zhou dynasty (1027-256 BC), was already a cybertext.


[ajout]

Le roman de Marc Saporta est le plus ancien de ces trois livres objets, ainsi que le plus résolument tactile. Précisons dès à présent qu’il ne sera pas question ici de l’édition française originelle de 1962, mais de sa réédition en langue anglaise en 2011 par Visual Editions, aussi bien sous forme imprimée qu’en tant qu’application utilisable sur tablettes. Sous forme imprimée, il s’agit d’une boîte contenant 150 feuillets2, lisibles dans l’ordre désiré par le lecteur. Au verso de chacun de ces feuillets figure une sorte de paysage topographique et typographique, généré par ordinateur à partir du texte du recto. Nous présentons ces versos comme paysages, car ils sont définis comme tels par l’éditeur, mais il n’est pas nécessaire d’y adhérer : ainsi un journaliste de The Independent les décrit comme « des bandes de neige télévisuelle, ou du sable en train de s’écouler » (Gibbs 2011, notre traduction). Libre au lecteur, donc, de voir dans ces images générées par une technologie numérique une représentation du monde analogue ou non.

l’écrivain Jonathan Coe déclare ainsi dans le Guardian que « la version de Composition No. 1 par Visual Editions est un bel artefact […] Le simple fait de tenir la boîte dans vos mains vous procure un frisson sensuel. À une époque où tant d’éditeurs paniquent en pensant à l’ascension des formats numériques, voilà un objet dont la beauté visuelle et tactile ne peut tout simplement pas être reproduite numériquement » (Coe 2011, notre traduction). Cet « artefact » a pourtant été porté au format numérique ; mais Coe a peut-être raison d’évoquer la sensualité de la manipulation de l’objet physique, sensualité qui passe donc par les yeux, mais aussi et peut-être avant tout par les mains.

La pensée, dès lors qu’elle est automatisée, cesse de devenir une activité essentiellement humaine.


Unoriginalité #

L’automatisme des machines littéraires, parce que la valeur poétique est déplacée de la production à la chaîne de production, pose autant la question d’une auctorialité indélimitable ou inhumaine ou hybrique que celle de l’originalité. Ce que l’on appellera écriture automatique ou automatisée n’est en fait pas l’invention des surréalistes qu’elle revient aux ingénieurs qui l’ont implémenté dans les principes de sismogramme et de phonogramme.

La question d’un évolution de l’histoire littéraire est ainsi profondément liée aux développements techniques des machines, et n’en est même peut-être qu’une annexe.


L’auteur est alors un faiseur et la machine l’assiste pour saisir ce que ses sens ne peuvent percevoir ou totalement cerner.

L’ordinateur sert de brouillon et sert à “composer” le texte. Par exemple, l’auteur crée une liste de personnages et de situations et demande à l’ordinateur de les combiner de façon progressive selon des affinités. L’auteur choisit donc de travailler sur une matière qui quantitativement le dépasse et que la machine lui permet de dominer. (Oulipo: atlas…, p300 par Fournel)

[ajout] goldsmith


Modèle poétique #

Dès le début des machines littéraires, générateurs de poèmes ou de lignes automatiques, le principe poétique est déplacé : ce n’est plus la production qui construit le fait littéraire mais bien le modèle dont la production résulte.

premier générateur de poème


lien à la matière

Un guide de 1943 à l’intention des cadres, intitulé « Vous allez engager des femmes » [You’re Going to Hire Women], affirmait : « Les femmes peuvent être formées pour faire n’importe quel travail, mais n’oubliez pas qu’une femme n’est pas un homme ; une femme est un subs- titut, comme du plastique à la place du métal. » (Bennes p. 27)


Exemple : INdex, Mundaneum, Klara von Neumann

Klara von Neumann, femme du mathématicien et physicien John von Neumann, collaboratrice ou cobaye

Jusqu’en 1945 environ, computer désignait un être humain, presque toujours une femme, qui effectuait des calculs manuels avec des calculatrices de bureau Marchant, Friden ou Monroe, et plus tard, avec des machines à cartes perforées IBM. Après cette date, le terme a été de plus en plus utilisé en référence aux machines, et les femmes que l’on appelait auparavant des computers sont devenues des « opératrices » [ope- rators]. À l’époque de cette transition, comme le note l’écrivain scientifique David Alan Grier3, les compu- ters étaient souvent appelés « les filles » [girls]. L’uni- versité de Pennsylvanie a embauché des « filles » en informatique ; le mathématicien Oswald Veblen, qui avait autrefois dirigé une équipe d’hommes informati- ciens, utilisait le terme « filles » ; George Stibitz, cher- cheur aux Bell Labs, a commencé à classer les projets de calcul en « années-filles » d’effort. Dans un article de 1944 intitulé « Carrières pour les filles », l’astro- nome L. J. Comrie déclarait que : « [les filles] peuvent devenir compétentes et rendre de bons services [en tant qu’ordinateurs scientifiques] au cours de l’année précédant leur entrée dans la vie conjugale et devenir des expertes des comptes de la maison ! » (Bennes p. 19)


voir les 6 de l’ENIAC, 6 femmes à l’origine du premier ordinateur polyvalent commandé par l’armée américaine à la fin des années 1940 pour accélérer les calculs relatifs aux armes. (ordinateur a été utilisé pour la conception des premières bombes atomiques)


En affirmant que « les premiers computers électro- niques étaient des usines d’information électronique, et que les computers féminins étaient leurs premiers ouvrier·ères », l’historien de l’informatique Nathan Ensmenger montre clairement que l’omniprésence des femmes dans les débuts de l’informatique était intentionnelle plutôt que fortuite. Au début de l’in- formatique, la conception du matériel [hardware] était considérée comme un travail d’hommes, tandis que l’exploitation des ordinateurs était considérée comme une forme moindre de travail, non qualifié, que même les femmes pouvaient faire. Ce point de vue a persisté jusque dans les années 1960, période à laquelle la pro- grammation a commencé à perçue comme un travail scientifique d’importance critique et où les scienti- fiques masculins ont entrepris d’écarter les program- meuses du domaine (Bennes p. 24)

25 Pourtant, pour faire leur travail, les opératrices de l’ENIAC devaient être familières avec son matériel. Elles devaient comprendre comment la machine fonc- tionnait pour pouvoir la faire fonctionner. Pour cette raison, elles avaient une relation très pratique avec l’ordinateur. Elles planifiaient les configurations, elles trouvaient comment faire tenir les séquences d’opé- rations mathématiques requises dans la minuscule mémoire inscriptible de l’ENIAC. Mais comme les opératrices n’écrivaient généralement pas d’articles, ne rédigeaient pas de manuels techniques et ne don- naient pas de conférences, elles n’avaient pas le même statut ni la même visibilité que les scientifiques et ingé- nieurs masculins associés à l’ENIAC. (p. 25)


Depuis plusieurs années (Bennes dit 5 ans mais c’est plus), on s’intéresse aux oubliées, et les petites mains popent un peu partout. (film hollywood sur les mathématiciennes afro-américaines de la NASA pendant la course à l’espace, aka Les figures de l’ombre 2016) ou autres

Mettre en lumière, rappeler, reconnaitre, valoriser,

Bennes identifie deux problèmes majeurs dans cette entreprise :

  • héroines : romantisation,

Ces femmes n’ont jamais été cachées. Elles étaient des collègues salariées, membres actifs de diverses équipes de projet, des employées de départements universitaires, parfois des femmes qui dirigeaient leur propre entreprise. Le fait qu’elles aient été négligées dans de nombreux récits historiques est, comme l’a dit l’historienne des technologies Mar Hicks, « un phénomène caractéristique plutôt qu’une erreur accidentelle » [a feature, not a bug], un signe du sexisme dans l’histoire comme dans l’informatique. La théoricienne de la culture visuelle Ariella Azou- lay a également souligné qu’un problème majeur des histoires alternatives est qu’elles proposent « certaines choses comme des “histoires cachées” à découvrir [qui ne sont pas] des choses ou des histoires cachées mais plutôt des secrets de polichinelle connus bien au-delà des archives et de la grammaire inventée pour main- tenir leurs utilisations de façon ordonnée » (Bennes p.15-16)

  • ne pas en faire des victimes, ne pas les utiliser en prétendant non plus leurs féminismes

Le problème ici est celui de la figure c’est pourquoi je pense qu’il est préférable de changer la perspective

// jeu imitation Turing, premiere conjoncture

Problématiques #

on a moins besoin d’outils libres que de liberté

Espoir au début du numérique de pouvoir changer un rapport de force, remodifier depuis la base des rapports d’échanges // cyborg

loupé : internet et le web sont principalement américain et les GAFAM reproduisent un principe d’invisibles doigts qui tissent nos rapports au monde

Mais : penser déjà le savoir comme collaboration, tenter de comprendre moins qui pense ? mais comment cela pense ?

// changement perspective de Turing et Kittler

Le problème de la valorisation, de la reconnaissance est que l’on laisse dans une caste d’exception un ensemble d’individu qui au-delà d’être nées femmes, ont surtout eu un travail et ont fourni des résultats comme tout autre personne, et certaine de ces femmes ont contribué à une entreprise de destruction en fournissant des données pour expérimenter diverses bombes : il ne doit y avoir donc ni glorification ni reconnaissance mais une remodélisation


pendant la Seconde Guerre mondiale, des éléments tels que les tableaux de tir de missiles balis- tiques et les analyses de tirs expérimentaux de fusées devaient être calculés manuellement, principalement par des femmes calculatrices : des calculs qui néces- sitaient un grand nombre de personnes et prenaient un temps considérable.


Le problème est donc moins celui de reformer des mythes et des romans, que de questionner un modèle à la base.

sa libido sciendi – un désir de connaître comme outil de domination sur les femmes tel que l’a bien étudié Caroline de Mulder –

// réflexion de Crystal Bennes sur la possibilité d’une histoire féministe de l’informatique moderne

// Meme posture que Sadie Plant dans son texte Zero + Ones consacré à Ada Lovelace et a un valeur importante en cyberféminisme : il ne s’agit pas de produire une historiographie féministe en laissant la méthode inchangée, en se contentant de remplacer des figures masculines par des figures féminines ou en simplement ajoutant des figures féminines.

// Comme la réflexion de McPherson : la banque des données littéraires masculine : ajout n’est pas inclusion.

Cela demande de faire table rase

Bennes choisit d’attirer l’attention sur les structures qui ont empêché et qui empêchent encore une histoire féministe de l’informatique : c’est pour développer un rapport critique sur une recherche rapide de la rédemption : on ne règle pas une tradition épistémologique en une génération

// My mother was a computer

nous sommes nous mêmes des générations qui sont aux prises avec un patriarcat, notre féminisme n’existe pas dans un monde séparé, il est dans le même écosystème.


sur le sexisme technique

pour le cas du texte de Bennes : Pour traduire ce texte, nous avons eu recours à un outil de traduction automatisée, qui nous a le plus souvent proposé des mots masculins pour les rôles et métiers exercés par des femmes, témoignant ironiquement de la prégnance des stéréotypes de genre dont traite Crystal Bennes.


ouverture sur les failles entre les petites mains #

// choix de la perspective féministe

mais il y a aussi une histoire coloniale à considérer qui est d’autant plus vive aujourd’hui, et on ne peut pas complètement les comparer ni les distinguer tout à fait.


Casilli - « Il n’y a pas d’intelligence artificielle, il n’y a que le travail du clic de quelqu’un d’autre »

Casilli étudie le travail sur les plateformes (digital platform labor) depuis 2010, ayant participé à populariser en France des notions comme digital labor, travailleurs du clic, ou encore gig economy (économie des petits boulots). vise en particulier les activités “invisibles”, non rémunérées des producteurs de données - donc disons l’ensemble majorité de la société. et il s’intéresse aussi au micro-travail : « travail de préparation, vérification et, parfois, d’imitation des intelligences artificielles qui est à la base de l’essor actuel des algorithmes. »

L’articulation entre gig economy et digital labor se fait selon lui par un principe de capitalisme dans les plateformes numériques : défini comme suit « système économique basé sur la production de profit et qui cherche à limiter la masse salariale des entreprises à travers des structures particulières : les plateformes numériques. » Donc les plateformes sont à la fois marché et entreprise, donc hybrides. Le fonctionnement algorithmique de ces espaces mangent des données et les données nécessaires sont produites à la main par les utilisateurs même de ces plateformes, soit par un travail vivant. (exemple les tags sur les photos insta = aide l’algo du moteur de recherche à reconnaître les différents objets = entraînement de l’ia)

Casilli mentionne un exemple intéressant pour la question de la secrétaire :

Prenons l’exemple de Google et son système de synthèse vocale Duplex AI, une intelligence artificielle capable de prendre un rendez-vous à la place de l’utilisateur. Duplex pouvait, soi-disant, passer des appels à un coiffeur ou un dentiste en imitant la voix de l’utilisateur. Lorsque le PDG de Google l’a présenté en 2018, c’était éblouissant. Mais on s’est vite rendu compte qu’il y avait des humains derrière, qui se faisaient passer pour une IA qui, à son tour, imitait un être humain. Le système était présenté comme de la « supervision en temps réel » de l’IA (real time supervision). Google prétendait que ces humains qui se faisaient passer par une IA en assuraient en réalité un entraînement en temps réel.

Travailleurs du clic est une catégorie très large : des personnes en arrière des plateformes jusqu’aux utilisateurs de réseaux sociaux.

Les recherches qu’il fait dans le cadre du DiPLab (commencées en 2017) se concentrent sur les premiers microtravailleurs : dans des pays d’Afrique, et d’Amérique du Suf.

C’est une économie globale, mondialisée, qui reproduit une ensemble d’inégalités et de disparités sociales héritées de grandes dynamiques telles que le colonialisme et l’impérialisme des siècles passés.

Cette catégorie a pris la continuité des vendeurs de rue et des femmes de ménage (statut de subalternes dont la réalité de l’exploitation s’est accrue avec la crise sanitaire où le nombres d’inscrits par plateformes a parfois augmenté de 30%)

L’opacité du fonctionnement des algorithmes (dans la gestion des flux de travail notamment) demeure autant opaque pour l’utilisateur final que l’ouvrier et participe à invisibiliser des présences au travail.

[…] pour avoir plus de transparence, il faut comprendre comment le modèle mathématique de la plateforme fonctionne. C’est là que les luttes sociales résonnent avec les activités de recherche scientifique et deviennent complémentaires. […] Il faut analyser leurs composantes techniques [celles des algorithmes propriétaires] autant que les logiques socio-économiques qui les déterminent. Quelles sont les forces sociales en présence dans le service. Recherche et développement de Google ou dans un laboratoire de design ? Quelles sont les logiques professionnelles, les idéologies ou les démarches administratives qui pèsent sur des décisions scientifiques ? Par-delà ses paramètres, c’est aussi ça, un algorithme. Les travailleurs ne pourront pas avoir une vision d’ensemble de son fonctionnement tant qu’il n’y aura pas une vision claire de ses éléments constitutifs, sociaux et techniques. Certains choix de conception des plateformes sont introduits pour établir une asymétrie de pouvoir entre travailleurs et management.

En cause aussi, je rajoute, un modèle de production - idée et représentation qui place le travailleur dans l’ombre de la pensée.

[…] derrière tout automate se cachent une foule de tâcherons.

les ingénieurs qui produisent le systèmes techniques, les développeurs, les professionnels reconnus du secteur technologique sont aussi appelés les « sublimes ». pour signifier une élite, dotée d’un pouvoir de prescription culturelle mais également d’un véritable pouvoir politique.

En réalité, il y a un même destin entre les différentes couches que cristalise l’objet produit.

Tant que ces deux groupes [travailleurs des plateformes et sublimes] se considéreront comme situés des deux côtés de la barricade – du côté des travailleurs du numérique et des consommateurs, ou du côté du profit et du management –, tant que ce clivage persistera, nous serons face à un problème de structuration de nos luttes.

C’est pour cela qu’il est aujourd’hui encore impossible de créer un front commun, une conscience de classe, même partielle, autour du travail des plateformes. Le clivage entre sublimes du code et tâcherons du clic commence avec la dénégation de l’existence même de ces derniers. Je me rappelle d’échanges ahurissants avec des ingénieurs il y a quelques années : lorsque je soulignais l’importance d’étudier les microtravailleurs, ils parlaient de « petits indiens » sans importance qui « passaient derrière les ingénieurs », comme une voiture-balai, une fois leur travail terminé. C’est un discours très chargé, teinté d’un mépris de classe indéniable.

cette expérience de Casilli montre qu’il y a quelque d’intrinsèque à un modèle de production et d’ailleurs il semble parvenir à la même conclusion :

Le problème de compréhension entre ces deux catégories de travailleurs du numérique est, à mon sens, entretenu par un élément exogène, à savoir le métarécit de l’automatisation complète. En philosophie, un métarécit est un cadre théorique qui explique des événements historiques par le biais d’un idéal transcendant avec pour objectif de légitimer un ordre politique. Or, celui de l’automatisation complète est le dernier de ces grands métarécits.

// rappel des accélérationnistes de gauche qui appellent « la machine qui va faire le boulot à la place des travailleurs » pour se débarasser d’un esclavage salarité

derrière l’opposition humain et non-humain et machine, il y a la peur d’un grand remplacement de l’humain par les machines, qui est un écho fort de l’univers de l’extrême droite identitaire, et une notion héritée de d’une idéologie faschiste.


« La machine à écrire n’est en réalité rien d’autre qu’une presse à imprimer en miniature » (Streichter p. 7 1919) Elle contribue à la meilleure visualisation possible des textes par la double spatialisation de l’écriture – sur le clavier d’abord, puis sur le papier blanc. Et dès que, selon la prophétie de Benjamin, des « systèmes avec des polices d’écritures variables » (par exemple la machine à écrire à boule ou l’imprimante thermique) seront disponibles, « l’exactitude des formations typographiques entrera directement dans la conception » des « livres ». « L’écriture pénètre toujours plus profondément dans la zone graphique de son imagéité nouvelle et excentrique. » (Benjamin sens unique, p. 98 et 95 traduction modifiée gft)

l’interface permet de définir comment l’humain va interagir avec la machine, un peu comme la mise en place du jeu de l’imitation : c’est à la fois une réalité physique (avec des inputs et outputs comme le clavier, la souris, etc.) et une réalité métaphorique utilisée pour conceptualiser l’organisation des données de l’ordinateur (Manovich in Chung, Fisher 2016)

avec l’arrivée d’internet, ordinateur plus seulement un outil mais une « universal media machine, which could be used not only to author, but also to store, distribute, and access all media » (Manovich 2016, p. 37)

les données culturelles sont désormais en jeu

le changement qui a lieu pour manovich est également impactant pour l’interface : il ne s’agit plus seulement de définir l’interface d’une machine mais l’interface d’une culture numérique et en fait culture actuelle.

Si en 1979, Genette proposera le terme d’« architexte » comme modèle intellectuel permettant de comprendre les conditions d’écriture, ou l’« ensemble des catégories générales… dont relève chaque texte singulier », ce modèle demeure une conception théorique, où d’ailleurs les conditions d’écriture ne sont pas considérées au rang de conditions d’existence. L’architexte a aujourd’hui évolué pour désigner dans la machine numérique comme le modèle « qui vient s’incarner dans le logiciel », des « formes écrites actives avec lesquelles on va écrire » [Jeanneret, Souchier].

Les médias informatisés sont des machines à suggérer. Ils suggèrent, dans un double sens : selon l’étymologie, cette écriture plastique mais régie par les architextes gère par en-dessous la propagation des formes à travers lesquelles les divers pratiques historiques des sociétés peuvent être saisies par l’archive, qui les collecte, les transforme, les légitime, les publicise, les refoule ; selon le sens courant du terme, la création constante de nouvelles formes écrites suggère des possibilités d’expression et de pratique, elle rend possible des interprétations, des appropriations, des reprises. (Tardy, Jeanneret, p. 214)

Davantage que des machines à suggérer comme l’énoncent Tardy et Jeanneret, les médias littéraires (informatisés ou non) sont des déterminations de l’écriture et c’est en ce sens que la question du média fera l’objet d’une réflexion dans la deuxième section du chapitre. La pensée de l’architexte numérique est cependant intéressante à cet étape de notre étude en ce qu’elle se fonde sur le principe de plastigramme plutôt que sur celui de stéréotype. Si le stéréotype (stéréos : compact, tupos : empreinte) est une association d’élément qui va reproduire de la même manière une inscription, le plastigramme (plassô : façonner, gramma : écriture) reproduit par la transformation : parce qu’il impose un modèle différent de l’écriture, il ne produit un régime différent de l’écriture.

ordinateur

De fait, contrairement à ce qu’on pense, l’ordinateur comme machine physique ne manipule pas du numérique, mais bien des configurations électriques[4]. [ De fait, ces chiffres 0 et 1 se retrouvent presque uniquement dans le langage dit « machine » lesquels seront par compilation reliés a des configurations électriques spécifiques. Ce sont ces dernières que l’ordinateur comme machine physique manipulera. Les langages de programmation de haut niveau ne contiennent que rarement ces symboles. (Meunier 2014)

Cette appellation de « numérique » pour parler d’un système manipulant des symboles est cependant problématique. En effet, ces deux symboles ne désignent pas nécessairement des nombres c’est-à-dire des entités dans l’univers numérique comme cela est habituellement le cas en mathématique. Ils désignent, dans un langage de programmation machine que des configurations électriques. Or ce que manipulera concrètement un ordinateur ne seront pas ces symboles eux-mêmes, mais les configurations électriques elles-mêmes que ces deux symboles, 0 et 1, encodent.

Par ailleurs le choix du terme numérique n’est pas sans conséquence théorique. En effet, il laisse supposer que ces symboles eux-mêmes, 0 et 1, garantissent que les fonctions qui les manipuleront possèdent la propriété d’être computable. Une telle supposition, comme nous le verrons, va à l’encontre du concept même de computation. Ce n’est pas parce qu’un intrant est représenté par des symboles par 0 et 1 que le traitement fonctionnel qui pourrait lui être appliqué serait computationnel. Une telle remarque nous mène directement à notre deuxième question : quelle est la nature de la computationnalité ?


pour machine :

(marcelle crihn)

le sens est dans l’interprétation

  • ce qui nous bloque dans l’interprétation du sens c’est la distinction que l’on fait entre les choses qui sont à l’origine du sens

  • le problème est celle de la hiérarchie, en plaçant l’humain en supérieur (qui rassure)

  • la beauté de l’interprétation est celle de savoir si il y en a ou pas

  • enjeu éthique et épistémologique

  • “blessure narcissique” : il faut rester au centre

  • 4e blessure : nous ne sommes même pas les producteurs de notre propre pensée

  • il n’y a pas de frontières entre les choses

  • comment on fait émerger la frontière : c’est la question

  • voir jennifer light, when computers were women : femmes recrutées non pas pour leurs compétences mais parce que les hommes étaients à la guerre

  • voir kathy kleiman, proving ground, the untold story of the six women who programmed the wrld’s first modern computer

problème physique avec la machine de la sphère :

la machine à écrire est depuis ma dernière carte inutisilisable ; le climat est en effet maussade et nuageux, et donc humide : le ruban coloré est systématiquement humide et collant, de telle sorte que les touches restent bloquées et l’écriture ne peut plus se voir du tout. Vraiment ! (lettre du 27 mars 1882 à Elisabeth Nietzsche, III-1, . 188)

La machine écrit pourtant, et l’écriture qui n’est « rien d’autre que la matérialité de son médium » (GFT 343)

lien entre la perforation de la peau par le vampire et l’écrit qui fonctionne par perforation

à l,image du modèle de Peter Mitterhofer, machine de en bois de 1866

Quatrième cas. Henry James, écrivain et frère du grand bienfaiteur de Münsterberg, adapta en 1907 « sur Remington » son style romanesque célèbre mais attaché au papier. Il engagea Theodora Bosanquet, fille du philosophe, qui avait auparavant travaillé dans les bureaux de Whitehall à un Rapport de la Commission royale sur l’érosion côtière et avait appris à taper à la machine à la demande de James. Après un entretien d’embauche, où il se révéla être « un Napoléon attentionné », la production de romans put débuter. La Remington accompagnée de son opératrice « déménagea dans sa chambre à coucher » et « produisit tous les textes de James – bien plus efficacement et avec moins d’interruptions que ne pouvait le faire l’écriture manuscrite ». Rapidement, un arc réflexe se forma : les phrases ne venaient plus à l’esprit de l’écrivain qu’au cliquetis de la machine. « Pendant quatorze jours, pendant lesquels la Remington fut en réparation, il dicta à une machine Oliver avec une gêne évidente, et trouva que parler à quelque chose qui ne produisait aucun bruit de réponse était une gêne presque rédhibitoire. » (Bosanquet, Henry James at Work. p. 245,248) gft p. 356

[apparté : Pas sure que le néologisme soit nécessaire –> « l’équivalent numérique de l’interprète, au sens musical ou théâtral du terme. L’interprète est précisément celui qui lit (lecteur) le texte ou la partition, et qui la joue (acteur) » (Rageul 2009, 68). C’est l’interaction qui produit le sens, une interaction dont le « lectateur » prend conscience par la main, et donc par le corps, une lecture tout aussi intime que le feuilletage d’un imprimé, qui là encore ne se fait plus seulement au rythme du regard, mais aussi à celui du toucher. ]

La différenciation technique de l’optique, de l’acoustique et de l’écriture, qui autour de 1880 fait exploser le monopole de stockage de l’écriture imprimée, rend celui que l’on appelle « être humain » fabricable. Son essence déborde sur des appareils. Les machines s’emparent des fonctions du systèmes nerveux central et non plus seulement des fonctions musculaires comme c’était le cas des machines précédentes. C’est seulement avec cette différenciation – et non pas dès la machine à vapeur ou le chemin de fer – que s’instaure une séparation claire entre la matière et l’information, entre le réel et le symbolique. (Alloa, p. 57)

0—-

Kittler interprète ainsi le test de turing :

la machine à écrire de Turing est primitive selon Kittler :

Tout ce sur quoi elle s’appuie est une bande qui constitue en même temps son programme et ses données, son input et son output. Turing a réduit l’habituelle feuille de machine à écrire à cette étroite bande. Mais les économies vont encore plus loin : sa machine n’a pas besoin des nombreux et redondants lettres, chiffres et signes du clavier d’une machine à écrire ; elle n’utilise qu’un signe et son absence, 1 et 0. La machine peut lire cette information binaire ou plus précisément (selon le vocabulaire technique de Turing) la scanner. Elle peut alors faire avancer le ruban une case vers la droite ou vers la gauche, ou pas du tout. Elle travaille en conséquence de façon aussi saccadée (c’est-à-dire discrète) que les machines à écrire, qui contrairement à l’écriture manuscrite disposent non seulement de caractères d’imprimerie mais aussi de touches de retour arrière et d’espace. […] Le modèle mathématique de 1936 n’est cependant plus une hermaphrodite entre la machine et l’outil. Comme système de feed-back il dépasse toutes les Remington. Le signe lu sur la bande, ou son absence, déterminent en effet l’étape suivante, qui est une écriture : selon ce qui est lu, la machine conserve le signe ou l’efface, ou à l’inverse laisse une case vide, ou y inscrit le signe, etc. C’est tout. Mais aucun ordinateur construit depuis ou qui pourrait l’être ne peut faire plus.

Si le régime de l’écriture est transposé dans le roulement de la discrétisation, l’écriture à l’écran n’est pas le résultat d’un encodage mais d’un désencodage : la machine s’inverse, en ce que la présence des signes reconnaissables résulte de bits interprété par la machine. Le numérique conçu comme structure logique d’information, comme ensembles d’objets culturels, n’est en somme que ça, que de l’écriture prise dans un système où elle s’interprète et se calcule sur elle-même.

Si toutes les technologies (photographie, cinéma, livre), parce qu’elles sont des architectures de l’information spécifiques à des configurations matérielles propres, affectent l’environnement culturel humain : jusqu’au cas du miméographe, qui semble pourtant anecdotique dans l’histoire des machines de publication, mais qui a été à l’origine d’un phénomène culture à part entière.

            encre au stencil
            polycopie pochoir
            décalque stéariné
            tirage limité à 200

Objet représentatif d’une révolution industrielle qui amena le développement des lieux d’enseignement et une nouvelle impulsion dans l’économie des instances d’édition (développement de maisons d’édition non-parisiennes et spécialisation disciplinaire de maisons d’édition), le Duplicateur à pochoir d’Edison (1894), appelé aussi miméo ou miméographe, est l’implémentation du principe de presse portative : sa commercialisation au début des années 1900 est à l’origine de l’émergence de plusieurs éditions alternatives, marginales et parfois dissidentes en Amérique du Nord (les communautés « miméo » et le mouvement des fanzines) mais aussi en Europe et en URSS (où elles seront également interdites par le pouvoir en place).


La définition du labyrinthe pourrait, au vu des exercices proposés désormais dans les enseignements de création littéraire, concerner la littérature en général : popularisée et ayant déjà une tradition (dans la fable, le théâtre, ou les règles des genres littéraires qui sont déjà des formes de contraintes de rédaction visant tant à éveiller la créativité qu’à lui offrir un cadre officiel ( Citation: , (). La contrainte et la règle. Poétique, 140(4). 455–465. https://doi.org/10.3917/poeti.140.0455 ) ), le principe de contrainte est un ressort et un imaginaire de l’écriture qui traduit la question posée en amont.


le tambour magnétique capable de stocker plus de 16 000 mots de 32 bits, représentant environ 16 000 nombres à dix chiffres, ce qui permettait l’exécution de calculs complexes, d’analyses statistiques détaillées ou de tâches de gestion administrative étendues.


En 1975, Braffort propose à Queneau une version des CMMP où le hasard de la machine (ou celui qu’on y projette) vaut comme méthode de création à la différence où le principe combinatoire n’est plus du fait de la lecture mais aux mains de la machine. Dans le processus, la machine fait figure de compilateur antique. Loin de poser la question de savoir si une machine peut être un bon compilateur ou est simplement un scribe débile (une démonstration de supériorité entre humain et non-humain), il s’agit de penser le principe de compilation qui se fait selon un même phénomène d’arbitraire : que ce soit par goût, culture, croyances ou caprices, l’aléatoire est toujours partie prenante d’une méthode (même si cette dernière a été établie selon des critères thématiques, stylistiques ou syntaxiques).


Paul Fournel neutralise ce chevauchement lorsqu’il limite le hasard à un instrument de sondage, un outil pour assister l’auteur ou la lectrice dans leur édition et leur parcours du texte.

L’ordinateur, lui, opère une sélection dans le corpus à partir de la longueur du nom du « lecteur » et du temps qu’il met à le dactylographier sur le terminal puis édite le sonnet qui porte la double signature de Queneau et de son lecteur (Fournel 1981, 299).


[L]es êtres humains ne sont peut-être que des machines à penser, à écrire et à parler (Nietzsche)

Dès ses premiers mots, CMMP semble nous annoncer que nous, humains, ne pourrons pas apprécier le texte machinique à sa juste valeur, soit comme une machine pourra l’apprécier. Au gré de la distinction humain et non-humain, c’est le principe de concordance qui s’expose ici selon lequel l’appréciation ne peut transgresser les natures. Distinction forte entre humain et non-humain qui fonde une destinée tragique, d’autant plus terrible qu’aujourd’hui, depuis les industrialisations et numérisations de l’écrit, ce sont physiquement des machines qui écrivent sur/sous nos doigts. Cela nous condamne donc à ne jamais tout à fait comprendre, prendre en nous, et juger à une juste valeur le travail de ces rouages divers qui s’évertuent dans l’ombres sous notre commandement inconscient, au travers de requêtes dont nous prenons la complexité pour du heureux hasard.

[Ê]tre remplacés par des machines, c’est-à-dire d’être implémentés dans le réel. ( Citation: , , p. 311 (). Gramophone, film, typewriter. les Presses du réel. )

Si cette idée peut désespérer sur notre condition humaine et toute possibilité d’humanisme de par son ton quelque peu apocalyptique, elle demeure vraie et fausse en même temps : fausse parce que la distinction humain/non-humain qui se love en creux n’est en fait pas véritablement fondée et à prendre comme une certaine ironie du sort d’une théorie adressée par l’auteur. En effet, si l’humain considère la machine dans cet angle binaire du non-humain/humain, pour se définir par principe de supériorité ou par complexe de propriété, elle ne pourra jamais apprécier les productions écrites de la machine et ce, même s’il s’agit d’une forme aussi noble que le sonnet. Vraie parce qu’il faut y percevoir une invitation à aller au-delà du texte classique, la valeur de l’écriture par la machine ne se situe pas dans le dosage de sa production, on sait et le nombre infinie de CMMP est là pour nous le rappeler, qu’une machine peut produire, plus et plus vite qu’une petite main, non, la valeur de cette littérature-machine est à voir et chercher ailleurs : justement dans le modèle dont l’incarnation est le témoignage qu’humain et non-humain ne sont pas distinguable. C’est un livre machine qui conte sans l’auteur et l’auteur lui-même ne nous parle pas sinon au travers de cette interface papier-machine. Dans cette perspective, contrairement à ce qui est retenu à son égard, CMMP est peut-être le livre le plus lisible à exister, non en termes de potentialités poétiques, mais en termes de fonctionnement dans la mesure où le livre affiche sans pudeur, sans complexité technique, son principe machinique.

En 1882 se substituèrent aux êtres humains, à leurs pensées et à la figure de l’auteur, deux sexes, le texte et un outil d’écriture aveugle. ( Citation: , , p. 334 (). Gramophone, film, typewriter. les Presses du réel. )

Partenaire, l’homme devient, en reprenant une image d’Asimov, l’organe reproducteur de la machine, comme l’abeille du monde végétal, lui permettant de se féconder et de prendre sans cesse de nouvelles formes ( Citation: , , p. 67 (). Understanding Media: The Extensions of Man. McGraw-Hill. ) .

L’imaginaire de la reproduction, dont les changements de modalités comme de position sont autant d’alertes chez les trois auteurs, n’est certes pas anodine tant elle témoigne d’une crainte bien plus profonde : perdre la mesure de son jaillissement scripturaire, c’est perdre une place dominante dans la chaîne, c’est perdre la face du père d’origine au profit d’une nouvelle entité, plus féminine, qu’est la matrice.

La désintermédiation entre humain et non-humain, présente dans la perte de la main-mise du faire (Heidegger, Flusser) autant que dans la main-basse de la secrétaire sur l’espace de production de la création littéraire, a en réalité toujours été : jusque dans la première configuration du jeu de l’imitation puisque l’interrogation est affaire de médiation technique.

In order that tones of voice may not help the interrogator the answers should be written, or better still, typewritten. The ideal arrangement is to have a teleprinter communicating between the two rooms. Alternatively the question and answers can be repeated by an intermediary. ( Citation: , (). Computing Machinery and Intelligence. Mind, LIX(236). 433–460. https://doi.org/10.1093/mind/LIX.236.433 )

L’éternel intermédiaire discret fait du principe de nature humaine une simulation par la machine. Il n’a au fond jamais été question de déterminer un marqueur de différenciation des natures mais de révéler l’illusion propre à tous humain (puisque l’interrogateur peut être « of either sex ») de se dire capable de faire la distinction et sa destiné à pouvoir être trompé éternellement (la question « Can machines think? » se transforme ainsi en « Will the interrogator decide wrongly as often when the game is played like this as he does when the game is played between a man and a woman? »).

n her comprehensive survey of the status of the body in the Western philosophic tradition, Elizabeth Grosz has shown that there is a persistent tendency to assign to women the burden of corporeality, leaving men free to imagine themselves as disembodied minds—an observation that has been familiar to feminists at least since Simone de Beauvoir. 13 Even philosophers as sympathetic to embodiment as Maurice Merleau-Ponty and Mark Johnson are often blind to issues of gender, implicitly assuming the male body as the norm. The contrast between woman as embodied female and man as transcendent mind is everywhere at work in the comparison between Mary’s care for the female monster and Victor’s astonishing failure to anticipate any of the male creature’s corporeal needs, including the fact that making him seven feet tall might make it difficult for the monster to fit into human so- ciety. Whereas the disembodied text of the eighteenth century work went along with a parallel and reinforcing notion of the author as a disembodied face, in Jackson’s text the emphasis on body and corporeality goes along with an embodied author and equally material text. “The banished body is not female, necessarily, but it is feminine,” Jackson remarks. “That is, it is amor- phous, indirect, impure, diffuse, multiple, evasive. So is what we learned to call bad writing. Good writing is direct, effective, clean as a bleached bone. Flickering Connectivities in Shelley Jackson’s Patchwork Girl Bad writing is all flesh, and dirty flesh at that. . . . Hypertext is everything that for centuries has been damned by its association with the feminine” (“Stitch Bitch,” 534). (Mother, p. 155-56)

This muttering becomes discernible in Shelley Jackson’s playful linking of her name with Mary Shelley’s. The title screen of Jackson’s work performs this distributed authorship, for it says Patchwork Girl is “by Mary/Shelley & herself,” a designation that names Mary Shelley, Shelley Jackson, and the monster all as authors. (p. 157) [In a perhaps intentional irony, the Eastgate title screen inscribes Jackson’s name as the “authorized” signature, along with the usual warnings about copyright infringement, even though the entire thrust of Jackson’s text pushes against this view of a sole author who produces an original work.]

Among Patchwork Girl’s many subversions is its attack on the “originality” of the work. “In collage, writing is stripped of the pretense of originality,” Jackson writes. “One can be surprised by what one has to say in the forced intercourse between texts or the recombinant potential in one text, by other words that mutter inside the proper names” (“Stitch Bitch,” 537).

  • “The hypertext is the banished body,” Jackson remarks. “Its compositional principle is desire” (“Stitch Bitch,” 536).

Le mur est donc bien plus poreux qu’on voudrait le croire, entamé par des principes de collaboration mais aussi des imaginaires littéraires comme cités précédemment qui, au-delà de déclarer une puissance de l’homme à s’augmenter lui-même ou a créer la femme, jouent à gratter la frontière entre humain et non-humain. comme une humanité ouverte :

Pour que l’humain soit humain, il doit être en relation avec ce qui est non-humain, avec ce qui certes est hors de lui, mais dans son prolongement, en vertu de son implication dans la vie. Cette relation avec ce qu’il n’est pas constitue l’être humain en tant qu’être vivant, de sorte que l’humain excède sa frontière dans l’effort même qui vise à l’établir. [@butler_defaire_2006, p. 25]

Explicitant les implications médiatiques de ses performances dans le cadre du projet #GraphPoem4, Tanasescu revient justement sur la distinction humain/non-humain pour proposer de la considérer « not so much as an enumeration but as a non-identifying co-incidence » (2022), une conjonture se référant au fait d’opérer comme l’un ou l’autre. Fait du discours ou de la prise en main, la distinction humain/non-humain est une imbrication qui est en réalité toujours déjà présente dans les écritures et cette perception permet d’observer les textes comme des environnements humain-machine (Candlin and Guins). Les créations qui livrent et scrutent d’un même regard leur fabrique chevauchant humain et non-humain fonctionnent comme des « evocative object » par les « things to think with » qu’ils libèrent (Sherry Turkle qtd. in Muller and Seck Langill).


La machine s’écrivant est une ruse d’images et de réalités techniques liées qui, à l’image d’Ulysse, s’adapte, soit imite le discours de l’hôte pour le mener là où il ne désirait pas aller, là où il n’est plus chez lui, hors de son humanité et en révéler l’illusion. L’écriture, si elle ne peut être le gage et le privilège d’une intelligence unique, est également une invention, ingénieuse parmi bien d’autres, qui aura permis de saisir un rapport de l’humain à ses propres miroirs que ce soit sous un aspect positif (moyen, expédient) ou négatif (ruse, artifice, machination).



Partie Matière #

Recette du Palimpseste : Medieval recipes describe how writing could be washed off in practice. According to an eleventh-century recipe from Tegernsee the parchment should be lixiviated in milk, after which it has to be sprinkled with flour and dried; in order to give it back its original glaze, the parchment must finally be polished with the aid of pumice and chalk4. Other recipes prescribe the use of a mixture of different products: unslaked lime, vitriol, and alum5; cheese, milk, unslaked lime, and juice of nettles6; lime, flour, water, and egg-shells; wine lees, vine ashes and water7. The ultimate results will have varied greatly, but in some of these recipes, the treatment to which the membranes have to be subjected, is so intrusive and so vigorous (in one recipe, for instance, the process is finalized by a second scraping) that it may be doubted whether any traces of ink s*urvived8.


La civilisation créée par les Grecs et les Romains fut la première de toutes les civilisations à petre fondée sur l’activité du lecteur ordinaire ; la première à être équipée des moyens d’une expression adéquate dans la parole inscrite ; la première à être capable de procurer une diffusion générale de la parole inscrite ; la première, en somme, à devenir lettrée dans le sens complet du terme et à nous transmettre sa littératie. (1982, p. 40)

L’adjectif lettré a été préféré comme le note l’éditeur de l’ouvrage au terme alphabétisé qui été utilisé jusqu’en 2000 du fait que la littératie, comme culture de l’écrit, est un concept qui s’applique à toutes les sociétés disposant d’une écriture.

sur les critiques de Goody, avec ce qui a été appelé « hypothèse littératienne » et son chauvinisme culturel, en insistant sur le caractère unique de l’alphabet, alors que l’auteure italienne a montré les 4-6 foyers d’apparition de l’écriture et cette même sublimation de l’alphabet se retrouve autant chez McLuhan que c’est Havelock

Pour olsen, les arguments cognitifs de la thèse littératienne de Goody et Watt (1968) doivent être compris comme métalinguistiques : « c’est-à-dire qu’ils pensent que les mots, en tant qu’entités conceptuelles distinctes pouvant être inventoriées et analysées, doivent leur existence à l’écriture » (p. 32)

Ce qu’il faut retenir de l’hypothèse littératienne et du Goody utilisable pour notre perspective, est comme le dit olsen (p. 37):

L’hypothèse littératienne consiste donc à poser qu’un système ou une tradition d’écriture n’est pas une pratique neutre.

comment un texte advient physiquement


Labour is the living fire that shapes the pattern; it is the transitoriness of thnigs, their temporality, their transformation by living time. (Carl Andre citant Marx Grundisse, “March/April Issue” [correspondence] Studion international, vol. 191, no 981 (May-June 1976) 311)

The category material has also been defined as natural or subaltern. Therefore, to act with the material and to be complicit means to investigate societal power relations. (Lange p. 14-15)


L’ordre des effets a remplacé l’ordre de la sémantique (à l’entrée du département de Bochum, où il enseigna entre 1987 et 1993, Kittler avait fait apposer l’écriteau « Zone affranchie de toute sémantique »). (Alloa p. 10)


  • c’est pas parce que je l’ai pas regardé, la part qui participe, qu’elle n’est pas importante

  • question : la frontière tu la fais fonctionner en couple : // kittler - secrétaire, auteur, machine entre les deux

mais en fait c’est pas vrai : il y a une catégorie et tout le reste

idée d’une unité contre une mutiplicité

c’est ce que tu dis c’est qu’il y a d’abord une frontière

Le fait numérique joue sans doute un rôle fondamental dans cette idée d’écriture non humaine. Il offre de multiples exemples de signes, traces et inscriptions techniques qui s’imposent comme du sens, mais qui échappent au contrôle des mécanismes de signification strictement humains. Ces écritures comportent à la fois la caractéristique de se présenter comme inscriptions de signes qui peuvent être considérés finalement comme une série de caractères ou plus précisément de lettres – simplement le résultat d’un encodage de lettres en bit : 1 lettre=8 bit, à savoir 1 byte – et la caractéristique d’être impossibles à écrire et à lire par des êtres humains. Un fichier binaire, un algorithme, une base de données sont ultimement des séries de caractères qu’un être humain peut visualiser sur un écran – ou imprimer sur une feuille de papier –, mais dont l’écriture et la lecture sont réservées aux machines.

l’écriture numérique n’est pas l’avènement de l’écriture inhumaine : « l’écriture est toujours inhumaine » (marcel écrit)

ce qui veut dire que l’assertion de Kittler n’implique pas un principe d’exclusivité : l’écriture n’est plus aux mains de l’humain mais elle a toujours été éternellement en dehors également.

L’écriture, au-delà de l’idéale abstraction que l’on a voulu en faire, est bel et bien périssable. Proust lui-même ne résistera pas à la roue du temps.

Le bien, pour un livre, c’est d’être lu. Un livre est fait de signes qui parlent d’autres signes, lesquels à leur tour parlent des choses. Sans un oeil qui le lit, un livre est porteur de signes qui ne produisent pas de concepts, et donc il est muet. (nom de la rose)


sur trace :

Anne-Marie Christin (1999) propose deux interprétations possibles de l’écriture : l’écriture comme trace ou l’écriture comme signe. La première – qu’elle associe aux noms de James Février, Ignace Jay Gelb, Leroi-Gourhan, Derrida, Carlo Ginzburg et qu’elle critique fortement – serait inspirée de la chasse (les traces laissées par les animaux) : la trace « est l’indice immanent, et d’autant plus nostalgique, d’une référence qui lui serait essentielle, mais dont elle ne pourrait que porter le deuil ». Il est évident que la notion de trace permet d’éloigner l’écriture de l’humain10 (dans son évaluation de ce texte, Liénard remarque que la notion de trace « est traitée efficacement, mais nous en discuterions peut-être plus précisément quelques éléments (comme la question de l’intentionnalité / non-intentionnalité) à partir des réflexions de Leleu-Merviel, Winkin ou encore Jeanneret et Galinon-Mélénec (dans l’Homme-trace, 2011, 2013, 2015 et 2017) qui peuvent permettre de consolider la perspective. » Galinon-Melenec (Galinon-Mélénec et Jeanneret 2011) montre notamment que la non-intentionalité de la trace n’est pas systématique et elle analyse des exemples où, au contraire, son intentionalité est manifeste – la trace des pas de l’homme sur la lune (Galinon-Mélénec et Jeanneret 2011, 16, cf. annotation)._). Comme l’affirment très bien Victor Petit et Serge Bouchardon :

    11 Petit et Bouchardon (2017). Cf annotation. Petit et Bouchardon proposent une distinction entre deux (...)

Le concept de trace, tout comme les multiples significations du mot chinois pour « écriture » (wen), témoigne d’une signification non humaine de l’écriture.11

12Il y a deux caractéristiques de la trace qui en font un concept intéressant pour appréhender l’écriture : en premier lieu, le fait qu’une trace n’est pas nécessairement produite par un être humain et en second lieu le fait qu’elle n’est jamais intentionnelle. Tout peut laisser des traces : un être humain, bien sûr, mais aussi un animal, une plante, ou encore un objet inanimé. Le sanglier laisse une trace qui peut être suivie par le chasseur, mais aussi une pierre, en tombant, peut laisser une trace. La trace finalement est la trace d’une action, ou d’un évènement. La trace, en second lieu, n’est pas volontaire, au contraire, elle est souvent quelque chose que l’on veut masquer. Louise Merzeau, en réfléchissant sur les traces numériques, souligne ce caractère inintentionnel :

    12 (Merzeau 2009). Cf. annotation

En milieu numérique, la trace est en deçà de tout cadrage méta-communicationnel. Nos actes produisent de l’information avant même qu’un message-cadre ne vienne les « intentionnaliser ».12

13La critique de Christin à cette notion se fonde justement sur la dissociation entre la trace et ce dont elle est la trace. La non-intentionalité de la trace finit par devenir une rupture nette. La trace n’est donc pas seulement la trace de personne, mais en plus elle ne renvoie à rien : ce qui la caractérise, « outre l’absence de son locuteur, [c’est] l’absence de ce qu’elle désigne » (1999, 32).

14On pourrait penser que l’écriture en tant que signe revendique avec force, en opposition à la trace, sa dimension humaine et intentionnelle. Mais ce n’est pas le cas dans la réflexion de Christin : le signe est quelque chose qui s’inscrit dans un ensemble de relations. En ce sens, et de façon presque contre-intuitive, la trace est dans un régime représentationnel, car elle parle de ce qui n’est plus là, tandis que le signe « est un événement inaugural, il participe d’une révélation » (1999, 32).

13 Lors d’une conférence disponible en ligne, le signataire de ce texte parlait de l’écriture selon Ch (...)

15Si la trace n’est pas nécessairement produite par un être humain, le signe n’est jamais produit par un être humain. Il est là, inscrit, il se laisse observer. Les signes sont les étoiles qui s’inscrivent sur le support ciel et qui s’imposent à l’observation. Ce sont les entrailles des animaux13 qui aussi imposent leur organisation, l’ensemble des relations entre plusieurs organes, tissus.

16Cette notion d’écriture comme signe est caractérisée par deux aspects fondamentaux : l’aspect matériel et l’aspect relationnel. L’écriture est toujours une inscription, donc matérielle. Et cette inscription est toujours en relation avec quelque chose d’autre.

une stigmergie entre les deux au sens de « dépendance étonnante qui lie la toile à l’araignée, où la structuration même de cette toile guide la façon dont elle se fera bâtir » (Dyens 2012, 13).

La French Theory pour Kittler n’a pas été à la hauteur de sa propre radicalité : elle a fait de l’écriture un concept encore trop métaphorique et donc métaphysique.

comment occuper les lieux de l’art en tant qu’écrivain ? Qu’est-ce que réaliser des performances d’écrivain et non de comédien ? Comment y produire des effets de littérature ? Qu’est-ce qui caractérise l’enquête littéraire, comment la parole des acteurs sociaux y est-elle recueillie puis transcrite, selon quel degré d’implication de l’auteur dans son objet, qu’est-ce que la littérature saisit en plus ou en moins de la réalité, qu’échoue-t-elle aussi à montrer ? ( Citation: , (). Une littérature contextuelle. Litterature, 160(4). 61–73. Retrieved from https://www.cairn.info/revue-litterature-2010-4-page-61.htm )

L’écriture est une inscription matérielle17. Elle est quelque chose qui se trouve materiellement quelque part. En ce sens, en effet, une lettre est de l’écriture au moment où cette lettre est inscrite. Le quelque part – le support – émerge, lui aussi, au moment de l’inscription. La feuille de papier est un support dans la mesure où il y a des lettres qui y sont inscrites. Le support n’est qu’un après-coup de l’écriture, car il n’y a pas de support vide – un support vide n’est tout simplement pas un support – et que, d’autre part, tout peut s’affirmer comme support dès qu’il y a quelque chose d’inscrit. Le ciel est un support dès que l’étoile s’y inscrit, l’intérieur d’un animal est un support dès que des entrailles s’y inscrivent, un disque magnétique est un support dès que des signaux électriques s’y inscrivent. (marcel écrit)

Erika Fülöp (2018) le souligne à propos du choix de Bon d’investir la plateforme Youtube pour « écrire » son vidéo journal. Si écrire en vidéo signifie – comme le dit Bon – « écrire plus fort »34 c’est aussi et surtout pour le réseau créé par la plateforme : « La logique de la plateforme de publication affecte donc le produit tout autant que l’outil de l’enregistrement et l’environnement numérique en général. »

sur humain - non -huamin

Regarder l’écriture en tant qu’artefact comporte sans doute des intérêts et avantages, ne serait-ce que sur un plan anthropologique ou sociologique. Mais cette écriture-artefact relève d’une interprétation du monde fondée sur un anthropocentrisme constitutif accompagné d’une série d’a priori métaphysiques : l’idée de sujet, l’idée du « je pense », l’idée de l’opposition entre symbolique et non symbolique ; ces idées permettent ensuite d’hypostasier la figure de l’être humain scripteur, producteur des signes qui font une écriture organisée en textes. (marcel écrit)

60Il n’y a pas un énonciateur et donc il n’est pas possible d’identifier plusieurs niveaux d’énonciation. L’écriture est originaire par rapport à l’énonciateur, ce qui signifie que les énonciateurs – et leur situation particulière – ne sont que des après-coups de l’écriture. L’éditorialisation essaie de prendre en compte les dynamiques scripturales desquelles il peut ensuite émerger des énonciateurs. Selon la théorie de l’énonciation éditoriale, il y aurait un auteur, un éditeur et d’autres instances qui contribueraient à la production du texte et à l’émergence de son sens. Selon la théorie de l’éditorialisation il y a des dynamiques scripturales qui font émerger des organisations spatiales desquelles émergent ensuite des éléments qu’on peut hypostasier en auteur, éditeur, support, architexte etc.

61Qui est par exemple l’énonciateur de ce texte ? Il n’y a pas de fonction d’énonciation unitaire et on ne peut pas non plus en différencier plusieurs (énonciation auctoriale, éditoriale, etc.). Le nom de l’auteur est une hypostase. Les noms cités sont d’autres hypostases. L’énonciateur est un ensemble hétérogène de dispositifs techniques – annotations, textes, liens, algorithmes de recherche, outils d’écriture, outils bibliographiques – qui font peut-être émerger des noms comme des après-coups. Le nom de l’auteur, des annotateurs, des éditeurs, ne sont que les après-coups cristallisés et hypostasiés des fonctions dynamiques de production de l’écriture et de l’organisation textuelle. (marcel écrit)

Materiality chez hayles

[F]or Hayles, information never “loses its body” (1999, 2), and even the intelligence of “cybernetic machines” has embodiment conditions; it is just that these are materially “very different” from those affecting human awareness (Hayles 2012 - How We think, 3, 17) » (Smith 62)

énonication édit 1998 : Quelle qu’en soit l’histoire, la situation ou le « contenu »… il n’est pas de texte qui, pour advenir aux yeux du lecteur, puisse se départir de sa livrée graphique. C’est une vieille histoire que celle qu’entretiennent le texte et « l’image du texte ». Une histoire faite de rencontres et de déchirements. Pour avoir transformé l’ancestral antagonisme sensitivo-moteur « face-langage » et « main-graphie » en un espace de rencontre possible, l’écriture annonçait déjà la couleur ; à en croire Leroi-Gourhan, en elle pouvaient se joindre la parole et le geste [4] [4]André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, « Technique et… . Héritière de cette rencontre, l’image du texte a cependant souffert de l’ostracisme idéologique dans lequel notre culture logocentrique a relégué toute manifestation ayant trait à l’image [5] [5]Anne-Marie Christin, L’image écrite ou la déraison graphique,… , à la matière ou au corps. Mais les faits sont têtus : sans support et sans matière, sans « dessin », il n’est pas plus de texte que d’écriture – fût-elle la trace fugitive de la lumière irisant l’écran [6] [6]Voir Emmanuel Souchier, « L’écrit d’écran. Pratiques d’écriture… . Dès lors, comment les sciences humaines pourraient-elles faire abstraction de ce qui est ontologiquement lié au texte, lequel constitue leur objet d’analyse 

Partie Média #

Mais ce n’est pas fini. Avec l’invention spectaculaire de l’ordinateur, toute la scène des média s’est trouvée changée, une fois de plus et de façon dramatique. Depuis cinquante ans, c’est-à-dire depuis Turing, von Neumann et Shannon, nous vivons dans une culture qui ne fait plus la moindre différence entre son et lumière. Tout ce qui est traité et emmagasiné dans les registres internes d’un ordinateur n’existe que sous forme d’octet (puisque les mots plus justes de bit ou byte paraissent défendus en français)

Comme dans la culture grecque dont l’alphabet vocalique (n’en déplaise à mon ami mort Jacques Derrida) figurait à la fois pour les sons du langage, les chiffres des nombres et les intervalles de la musique, la digitalisation a unifié ou plutôt aplati la totalité de nos codes. Cet événement capital et presque incontournable est difficile à penser. Il ne suffit pas de le différencier des mass media traditionnels ou de le célébrer comme une mise en réseau globale reliant les consommateurs entre eux. Plutôt, c’est le statut du savoir même qui a changé. Tout ce qui est connu, construit ou enregistré, fût-ce un livre, une voiture, un film ou un disque, existe sous trois formes simultanées: en hardware, en software et parfois en netware, c’est-à-dire entre nous. Grâce au programme en source ouverte qui m’a permis d’écrire ce discours, je dispose de quelques milliers de lettres, grecques, russes, arabes, de l’hébreu et ainsi de suite. Tout se passe comme si une récursion gigantesque avait ressuscité toutes les cultures et leurs codes, pour leur donner une forme qui n’est ni matérielle ni immatérielle au sens métaphysique.

En vérité, ce qu’on transpose sous forme binaire ou digitale n’est jamais qu’une couche physico-chimique, une surface dont nos sciences ont conscience.

Malgré tout ce que McLuhan au Canada ou Virilio en France ont déjà accompli, l’histoire globale des techniques de média reste à écrire. Si les conjectures à l’étude desquelles j’ai dédié une bonne part de ma vie ont quelque raison, cette histoire universelle est coextensive de l’être humain. Cet être humain, vous savez, « qui va tous les matins à la recherche du bonheur. »

Et alors, la tâche de la pensée? Refaire, remonter, retracer toujours le fil d’Ariane qui nous a menés des chants d’Homère aux ordinateurs actuels et prochains. En d’autres mots: caché sous les « média techniques » bien que les provoquant dans tous les sens, il y a autre chose, un patois incontournable, un murmure du terroir qui échappe à son algorithmisation finale: « la langue mienne », comme disait Lacan, ou plutôt, pour conclure avec Heidegger, « la maison de l’être », en Allemand « das Haus des Seins ». Qu’est-ce que la poésie, la première-née des média techniques ? Elle ne cherche pas l’éternité chrétienne, mais toujours Homère. Elle le veut perpétuer. Pensez à la Sicile d’antan, un haut midi passé, pensez à la tâche du poète: « Ces nymphes, je les veux perpétuer. » [fin]

(Kittler, 1 Son et Lumière : prononcé par Friedrich Kittler [en français] en ouverture d’un colloque sur l’œuvre audio-visuelle à l’auditorium de la Bibliothèque nationale de France à Paris, le 17 )


According to Kittler, ‘a medium archives things, transmits things or processes things’. (Friedrich Kitler, quoted by Galloway, The Interface Effect, p. 13.)

comme pour les media archeologist, les intermédialistes accordent beaucoup d’importance à la question de la pratique.

The concept of hypermediacy evokes the ‘hypermedia’ described by Ted Nelson in his famous 1965 article ‘A File Structure for the Complex, the Changing and the Indeterminate’.39 Nel- son uses the term in conjunction with ‘hypertext’, a word he also coined. He pointed to the then-novel fact that the computer makes non-linear document management possible by hyperlinking content. That capability endowed media with an additional, vitally important dimension: they could now assume mutable structures that changed shape with every reading. To illustrate the point, Nelson cited the example of non-linear arrangements of film recordings that make them browsable in multiple dimensions, rather than the two dimensions of linear sequencing. Bolter and Grusin’s hypermediacy is governed by the same logic. (media do not p.16)

Kittler à l’origine de la « German media theory school » qui n’est pas tant une école qu’une corrélation entre des perspectives anglo-saxonnes et américaines et des courants philsophiques à l’insta du postructuralisme français.

garder en mémoire uniquement Kittler comme seul investigateur de l’école berlinoise des médias est réducteur et exclue d’autres penseurs de l’époque.

Comme souligné par JUssi Parikka :

In other words, the label ‘German’ is a sort of misinterpretation, and even relating Kittler’s work to a ‘Berlin-school of media theory’ would neglect a lot of institutional and academic detail. Kittler definitely is not, and never was, the only media theorist in town. Yet, despite continuing inaccuracies in terms of such generalizations as ‘German media theory’, it is clear that Kittler’s writings, which stemmed from his background in literature studies had a huge influence in terms of how international – and especially Anglo-American – media theory considers systems of writing, storage and communication as material networks. As a historical constellation, German media theory especially in its mix of enthusiasm for close-reading of technological systems and high theory, can be understood ad a critical reaction to the Marxist analyses of media by the Frankfurt school, and, on an international scale, as a desire to differentiate from British cultural studies […] (Parrika p. 66)

Kittler est très proche de la perspective poststructuraliste littéraire, puisant ses intonations dans les travaux de Foucault, Derrida, et Lacan. Faisant parti de la génération de médiologue qui tournèrent le postructuralisme et sa philosophie vers une théorie des médias pour délimiter au final une niche dans le champ disciplinaire.

Kittler « first renegade Germanist to teach computer programming » (Winthrop-Young, 2011, p. 74)

Il y a ne division entre le cas de l’Allemagne et des études allemandes et l’« ancienne europe » comme aurait pu le dire Kittler

l’apport de kittler est le suivant : (lecture de parrika, p. 68)

  • étude des vieux médias comme la littérature comme un système médiatique pour la transmission, la mise en relation, et l’institionalisation d’information
  • perspectives sur la façon dont le pouvoir fonctionne à l’époque des médias technologiques

perspective presque archéologique, parce qu’intérêt aux conditions de la connaissance, et généalogiques (intérêt matérialiste)

mix entre foucault archéologie des conditions de production de la connaissance, macluhanien avec le centre du média, et une perspective d’histoire littéraire.

In other words, as Kittler explicates later in his Optical Media lectures (from the late 1990s), it is the engineering communication theory of Claude Shannon (1916-2001) from the 1940s that provides the tem- plate for teaching how media work. In other words, not meaning, not representation, not any imaginary of media that is conditioned by the Media Theory and New Materialism 69 social, but the act of communication in its physical distributing and effective channelling of signals stands at the core of media, claims Kittler. Communication can hence be methodologically understood through the elements of the Shannon model of: data source, sender, signal, receiver, addressee(see image 5.2). In other words, the process of coding, signal processing and decoding becomes of higher impor- tance in this model, in which Kittler (2010: 44, cf. 1990: 370) under- lines that, ‘in contrast to traditional philosophy and literary studies, Shannon’s model does not ask about the being for whom the message connotes or denotes meaning, but rather it ignores connotation and denotation altogether in order to clarify the internal mechanism of communication instead’. (Parikka, p. 68-69)

la définition de discourse network offerte à la fin de l’ouvrage :

‘The term discourse network, as God revealed it to the paranoid cognition of Senate President Schreber, can also designate the network of technologies and institu- tions that allow a given culture to select, store and process relevant data.’ (p. 369)

Parce qu’elle entreprend la relation, la perspective du média de Kittler n’est pas tant basée sur la substance.

Dans ces termes, le pouvoir n’est pas tant l’affaire de lieux d’informations (la prison, la fabrique en ligne avec la pensée de Foucault ou Deleuze) mais de pratiques en action, de relation et donc également d’imaginaires : [exemple] Bibli constantinople

sur le déterminisme de kittler :

media determine our situation, which – in spite or beacuse of it – deserves a description (1999, XXXIX)

Nietzsche dans lettre de février 1882, cité par Kittler, 1999, p. 200 :

Our writing tools are also working on our thoughts.

Hence, what we track here as ‘media archaeol- ogy’ — and the expansion of the concept — is of relevance for what could now be called, for want of a better term, ‘new media studies’ which takes as its driving force the realization of the importance of concrete software and hardware processes and platforms in media studies. It is thus no accident that the more recent wave of new media scholars in the US as well are saying that their work is not ‘about information society, but about the real machines that live within that society’ (Galloway 2004: 17). (parikka, p. 85)

sur le scribe débile :

Ce n’est pas sans raisons que pendant trois siècles, apprendre à écrire définit l’initiation par excellence à une société capitaliste et conquérante. C’est sa pratique initiatrice fondamentale. (certeau 201)

réaction à un principe du nouveau, qui tend à dire la révolution technologique des médias, les intermédialistes ont pensé davantage des phénomènes de récurrences et de continuité.

media either store things, transmit things, or process things (kittler cité par galloway, interface effect, p. 13)

Comme le rappelle Samuel Archibald, « texte » est un « terme dérivé du latin texere, par lequel plusieurs langues indo-européennes ont opéré une association figée entre l’écriture et le tissu, l’acte de tisser ou de tramer. » (2009, 204). Le texte est donc une écriture organisée, ou mieux une série de relations tissées entre des éléments scripturaux indépendants.

But the notion of mediality recasts our notion of literature in another sense. As soon as we conceive of literature as medially instantiated, then we must view its meaning as the product of a selection and rarefaction. All media of transmission require a material channel, and the characteristic of every material channel is that, beyond–and, as it were, against–the infomation it carries, it produces noise and nonsense. What we call literature, in other words, stands in an essential (and again, historically variable) relation to a non-meaning, which it must exclude. It is defined not by what it means, but by the difference between meaning and non-meaning, information and noise, that its medial possibilities set infot place. This difference, obviously, is inacesseible to hermeneutics. It is the privileged locus, however, of post-hermeneutic thought. (DN, Foreword, p. XV)

L’avant-propos à l’ouvrage de Kittler par D. E. Wellebery se situe sur quelques uns de ces points à l’encontre de ce que proposait en réalité le médiologue. Les formules dépréciative « non-sense » ou encore « noise » achèvent de creuser une tranchée entre ce qui serait un art (la littérature) et une matérialité qui s’incarnerait à nos yeux comme le média. Cette perspective est intéressante en ce qu’elle décrit en effet une tension dans l’objet d’art qui évoque aussi la question de la reproductibilité de Benjamin, l’objet se situant entre un sacré et un médiocre de sa reproduction. L’idée du réseau de discours est justement une réponse à la pensée de Benjamin : pour Kittler, il faut même radicaliser la proposition de Benjamin de considérer que le cinéma produit de la dispersion qui fait rempart à la concentration bourgeoise. Selon Kittler, c’est l’ensemble des discours produits qui changent les modes culturels parce qu’ils deviennent justement à partir de 1900 différents. Et dans les médias des années 1900, le film n’a pas la primauté de révolutionner l’art ou la littérature : c’est un média parmi d’autres qui, justement, produisent les même effets et changements de paradigmes culturels : l’image utilisée est révélatrices de l’intensité du phénomène que Kittler souhaite traduire : il parle en effet de fuite des idées au sens psychiatrique du terme. Relatant les expérimentations du psychiatre viennois Stransky dont les sujets d’expérimentations (mêlant collègues et patients) étaient invités à parler dans le tube d’un phonographe (avec un débis rapide et volubile). Ce que le psychiatre observe de cette expérience est que tous les sujets finissent par prononcer des phrases qui ne sont plus chargées de sens ou qui ne se soucient plus de signifier. L’obligation d’un débis et d’une production, là est le non-sens de la littérature.

L’accroche, certainement assumée comme insolente, de Wellebery retiendra tout de même la présence de deux régimes de sens dans l’objet littéraire, ainsi que le besoin d’une nouvelle méthode d’analyse, d’un dépassement de l’analyse instanciée officielle pour capter la densité d’un art.

Le système d’écriture de 1900 est un jeu de dés avec des unités discrètes ordonnées de façon sérielle. Kittler

Parce que la réflexion de Kittler se pose à la lumière de l’héritage de Foucault et de son concept de discours, le terme anglais discourse a certainement été retenu. Il reste que le terme Aufschreibesystem provient initiallement d’une expression utilisé par le juriste allemand Daniel Paul Schreber qu’il décrit comme « the network of technologies and institutions that allow a given culture to select, store, and process relevant data. » (DN, p. 369) Un élément essentiel de la démonstration de Kittler est cependant perdu en ce que la distinction entre les deux, média et expression, est artificielle d’une part et que de l’autre dire que le sens, l’information, la note juste se situent du côté de l’expression littéraire est en réalité arbitraire. Toute l’information est déterminée par le média, qui au-delà de causer du bruit dans une réalisation qui n’en aurait pas, lui donne son sens. Notre littérature (et même en réalité notre écriture) n’a jamais été sans le non-sens et le bruit que Wellebery attribue au média. C’est pourquoi le deuxième temps de l’écriture du premier chapitre se consacre à l’étude du média.

A a written trace digital inscription is invisible to the naked eye, but it is not instrumentally undetectable or physically immaterial. Saying so is not a theoretical proposition but a discernible fact, born of the observable behavior of some 8.5 million terabytes of storage capacity brought to market in one year alone. (kirschencaum, new media, p. 176)

GFT sort du « mode texte » pour aller vers des éléments d’une trilogie médiologique : lettre, image, son.

(avec Boole dans Investigations of the Laws of Thought, 1854, les 0 et 1 renvoyaient à l’absence ou la présence, maintenant avec les travaux d’axiomatisation de David Hilbert, ils ne renvoient à rien d’autre qu’eux mêmes)

tautologie technicienne

A rose is a rose is a rose is a rose : résultante poétique d’un principe logique à partir de la sérialisation du calcul.

Ceux qui l’ont eu pour enseignant se souviennent du credo qu’il inculquait : nul ne devrait pouvoir se dire théoricien de médias qui n’aurait jamais soudé et brasé quelque circuit électrique. (Alloa, p. 18)

Ce que Kittler déplore dans les études des médias et de la communication, c’est que celles-ci ne sont souvent que des continuations par d’autres moyens des sciences humaines, qui n’ont pas toujours pris la mesure de la ruptura radicale produite par les opérations de discrétisation. Car si les appareils se succèdent et ne se ressemblent pas, et que rien ne semble plus obsolète qu’un dispositif technique, ses opérations le sont beaucoup moins : on n’est jamais revenus en arrière sur la découverte d’une nouvelle opération technique. William Burroughs disait que l’homme occidental s’externalise sous forme de gadget. Mais derrière cette complaisance narcissique, il y a une réalité infiniment plus angoissante : en contemplant ces appareillages muets, l’humain découvre que son temps de péremption est plus bref que celui des objets qu’il a mis au monde ; (Alloa p. 21)

KIttler renverse la perspective des anthropologues des médias : l’individu est un appendice des machines, « Rien n’existe des individus, sinon ce que les médias enregistrent et transmettent. »

le message qu’est le média n’est pas un message sémantique, les aspects sémantiques d’une communication ne sont pas pertinents pour le problème technique (Shannon et Weaver, 1948, 1949, p. 3)

KIttler met en place d’autre a-priori : des apriori médial (Medienapriori)

Les médias déterminent notre situation. Et cependant, ou précisément pour cette raison, cette situation doit être décrite. (GFT, p. 29)

[ajout expérience encodage texte dans une image de Goldsmith] l’image et le calligramme le média est un récit d’images

le message qu’est le média n’est pas un message sémantique, les aspects sémantiques d’une communication ne sont pas pertinents pour le problème technique (Shannon et Weaver, 1948, 1949, p. 3)

artifice

Plus loin, Junod affirme que l’opacité est ce qui permet de “préserver la perceptibilité de l’artifice”.49

Le thème de la valeur de l’artifice comme caractéristique spécifique de l’art, repris par le romantisme et transmis au symbolisme puis au formalisme russe, est présent tout au long du [XIXe] siècle et son développement conduit aux théories de la théâtralité […], de la littérarité […], de la picturalité […].50

Comme McLuhan dans son travail sur le média, Kittler réoriente un discours, majoritairement humaniste pour son cas, vers un objet théorique (le média) compris comme un dispositif culturel et non comme le véhicule d’un discours qui contiendrait toutes les clefs pour la compréhension de notre existence en tant que sujet. Le sujet humain pour Kittler n’est pas à comprendre par le contenant, qui serait la nostalgie d’une écriture qu’il ne produit, mais par les systèmes qui eux écrivent : les discourse network ne sont donc pas des productions intertextuelles humaines mais bien des apparata technologiques qui déterminent les relations d’écriture.

l’informatique appelle la simulation et le simulacre. L’auteur dessine les contours de ces notions grâce à quelques exemples et en déduit des conséquences pour l’utilisateur. Simulacre, par exemple, que la page affichée à l’écran, alors que son existence « réelle » est toute autre (ce ne sont que des codes binaires) : je décide (à l’écran) de sauter une ligne, de justifier les paragraphes … Mais ce n’est pas tout. Du simulacre naît la simulation. « D’une part, nous travaillons sur un document qui est un simulacre et notre travail est une action sur le simulacre ; cette situation de travail implique une relation à l’écrire où le regard agit comme puissance majeure, qui fait couple avec le simulacre dans l’action de la simulation. De cette apparente transparence naît l’impression que la machine et le cerveau “se comprennent”. » (p. 399.) D’autre part, ce que produisent l’écran, puis l’imprimante, ressemble au résultat que l’on trouve dans les livres, les journaux : il est alors possible, postule Clarisse Herrenschmidt, de distinguer deux types d’auteurs. D’un côté, ceux qui se laissent séduire par le simulacre, ceux qui succombent à « la belle apparence rapidement obtenue : tout est si vite si beau » (p. 399). De l’autre, ceux qui sont happés par la simulation, qui succombent à l’emprise de la retouche infinie. Et la question est loin d’être triviale, car si l’usage d’un ordinateur est à la portée de tous, « par la porte du simulacre et de la simulation, l’informatique divise les utilisateurs selon leur culture » (p. 400), car corriger, c’est savoir.

s’articule avec le passage progressif opéré dans le milieu des années 2000 vers une reconfiguration de la réalité du média : de l’intermédialité médiatique (média) à l’intermédialité postmédiatique (la médiation) jusqu’à l’intermédialité excommunicationnelle (l’irrémédiable).

Parce que la science ne consiste pas seulement à savoir ce qu’on doit ou peut faire, mais aussi à savoir ce qu’on pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire. Voilà pour quoi je disais aujourd’hui au maître verrier que le savant se doit en quelque sorte de cacher les secrets qu’il découvre, pour que d’autres n’en fassent pas mauvais usage, mais il faut les découvrir, et cette bibliothèque me paraît plutôt un endroit où les secrets restent à couvert. (nom de la rose)

La science ne consiste pas seulement à savoir ce qu’on doit ou peut faire, mais aussi à savoir ce qu’on pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire.”

Guillaume de Baskerville

[Le Livre de Poche 1982 - p.128]

La Bibliothèque se défend toute seule, insondable comme la vérité qu’elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu’elle enserre. Labyrinthe spirituel, c’est aussi un labyrinthe terrestre. Vous pourriez entrer et vous ne pourriez plus sortir. (nom de la rose)

Adso `ala fin du film : Elle fut le seul amour terrestre de ma vie, et pourtant je ne savais, et jamais je ne sus son nom.

voix off (Claude Rich pour la version française), Le Nom de la rose (1986), écrit par Andrew Birkin, Gérard Brach, Howard Franklin et Alain Godard

Μοῦσα φίλα, τίνι τάνδε φέρεις πάγκαρπον ἀοιδάν;

ἢ τίς ὁ καὶ τεύξας ὑμνοθετᾶν στέφανον;

ἄνυσε μὲν Μελέαγρος, ἀριζάλῳ δὲ Διοκλεῖ

μναμόσυνον ταύταν ἐξεπόνησε χάριν,

πολλὰ μὲν ἐμπλέξας Ἀνύτης κρίνα, πολλὰ δὲ Μοιροῦς

λείρια, καὶ Σαπφοῦς βαιὰ μέν, ἀλλὰ ῥόδα:

νάρκισσόν τε τορῶν Μελανιππίδου ἔγκυον ὕμνων,

καὶ νέον οἰνάνθης κλῆμα Σιμωνίδεω:

σὺν δ᾽ ἀναμὶξ πλέξας μυρόπνουν εὐάνθεμον ἶριν

Νοσσίδος, ἧς δέλτοις κηρὸν ἔτηξεν Ἔρως:

τῇ δ᾽ ἅμα καὶ σάμψυχον ἀφ᾽ ἡδυπνόοιο Ῥιανοῦ,

καὶ γλυκὺν Ἠρίννης παρθενόχρωτα κρόκον,

Ἀλκαίου τε λάληθρον ἐν ὑμνοπόλοις ὑάκινθον,

καὶ Σαμίου δάφνης κλῶνα μελαμπέταλον

(Anthologie grecque, livre IV, épigramme 1)

Muse aimée, à qui apportes-tu tous ces fruits réunis dans un chant ? qui donc, pourrais-je dire encore, a tressé cette couronne de poètes ? Celui qui l’a fait, c’est Méléagre ; et c’est à l’illustre Dioclès qu’il adresse ce souvenir, c’est pour lui qu’il a composé cette magnifique offrande. Il y a entrelacé beaucoup de lis rouges d’Anytê, beaucoup de lis blancs de Mœro ; de Sappho, peu de choses, mais ce sont des roses ; puis, le narcisse de Mélanippide, fécond en hymnes harmonieux, et les jeunes sarments de la vigne de Simonide. Il y a inséré, pêle-mêle, le bel iris embaumé de Nossis, dont les tablettes de cire furent amollies par Éros, ainsi que la marjolaine odorante de Rhianos, et le doux safran d’Érinna, fleur au teint virginal, et l’hyacinthe d’Alcée, à qui les poètes reconnaissent le don de la parole, et les rameux du laurier de Samios, avec leur feuillage noir. (traduction à partir de l’édition de Waltz)

Elle n’eust pas plutost pris le fuseau, que, comme elle estoit fort vive, un peu estourdie, et que d’ailleurs l’arrest des fées l’ordonnoit ainsi, elle s’en perça la main et tomba évanouie. (La belle au bois dormant Perrault)


La proposition du média comme une extension humaine de McLuhan, « extensions de certains facultés humains – qu’elles soient psychiques ou physiques » (medium message, p. 26), résonne alors avec une plus claire arrogance humaniste. Penser le média comme extension, corporelle et sensorielle dans la continuité de la thèse de la projection des organes de Kapp (qui faisait du télescope une lentille occulaire décuplée et du câblage électrique une extension du système nerveux, du réseau de circulation urbain une prolongation du système sanguin) est un pas vers l’idée transhumaniste d’une réparation des failles et manques de l’humain par la technique : ce qui comporte la double anthropocentralité, 1. glorification de la capacité humaine à dépasser sa propre condition par la technique ; 2. inadéquation de l’humain d’origine par la nature.

Ce que l’on nomme média, par convenance ou habitus, est moins une extension, comme un miroir tendu à une supériorité d’agentivité et d’inventivité, qu’un ensemble de caractéristiques que nous distinguons par la théorie et qui émergent à la suite de relations, rencontres, mues. Le média retrouve ici les mues qu’il semblait avoir épuisé en début de partie.

se retrouve dans la notion de conjonctures médiatrices

elle incluent le non-humain tout en conservant un sens fort avec ce qui pourrait relever plus précisemment de la sociologie des médias [**] (dès le début de la pensée intermédiale, et dès aussi le début des Media Studies, la question humaine et la notion de l’individu (usager ou producteur) occupaient une place centrale).

Sur les new media :

Empirically, new media are subject to many of the same conditions as “old media”. As Hayles called attention to above, for instance, new media always remain subject to conditions of materiality and embodiment, and it would be wrong to see them as “dematerialized” in any absolute sense (on this, see also Reading 2014). Focusing on only such conditions, however, might cause us to stress continuity at the expense of discontinuity, and to reduce new media to “old media”. What this would cause us to overlook, in turn, are the ways new media are empirically different from “old media”. As Hansen [New philosophy for nwe media 2000, 21] called attention to above, for instance, new media are networked in more obvious ways than old media, and they involve digital rather than analogical content (on this, see also Galloway and Thacker, 2007 ; Gere 2008). (Smith 69)

le risque est de perdre la continuité entre les temps des médias

considérée comme une exceptionnal technologies


ajout sur tradition germanophone media studies

kittler un chercheur parmi d’autres

As a historical constellation, German media theory, especially in its mix with enthusiasm for close-reading of technological systems and high theory, can be understoof as a critical reaction to the Marxist analyses of media by the Frankfurt school, and, on an international scale, as a desire to differentiate from British cultural studies – a point that Geoffrey Winthrop-YOung (2006:88;2011) articulates well. (Media archeology, Jussy Parikka, p. 66)

si l’on revient à la déprise de l’écriture par Kittler, il y a aussi une déprise politique et géographique : l’écriture n’existe plus dans l’espace-temps que nous pouvons percevoir, mais dans la mémoire machine et, pour cette raison, nous n’y avons plus accès.

More specifically, this new state for media analysis is outlined in the first lines of Kittler’s (1995) software article: texts do not exist any more in time and space that we human beings can perceive, but only in computer memory and, because of that, we no longer have direct access to writing. Due to complexity and high-tech demands, even the building of such machines is no longer understandable with old notions of skill or handcraft, but takes place through Computer- Aided Design, which, furthermore, points to the complexity of the hardware and software environments in which we live. It takes one to build one. Even so, Kittler states in the text that software does not exist, which as a provocative claim suggests the other side of his argument, which stems from the complexity of the structures inside computers. Writing technologies are to be understood no longer through natural languages, but through software languages and programs such as our word-processing ones — during Kittler’s writing WordPerfect, but nowadays, more or less, simply Word. Yet, such software programming language turned into applications and pro- grams requires a further layer of operating systems, which themselves, continues Kittler, are to be understood only in relation to the funda- mental input and output operations governed through BIOS — the first piece of software that exists and allows the operating system to be bootstrapped into full swing in specific hardware settings. Hence, ‘In principle, this kind of descent from software to hardware, from higher to lower levels of observation, could be continued over more and more decades. All code operations, despite their metaphoric faculties such as “call” or “return”, come down to absolutely local string manipulations and that is, I am afraid, to signifiers of voltage differences.’ (parikka, p. 80)

les dernières années ont vu un regain d’intérêt pour la matière, notamment dans les théories des médias, autant que sur les questions de processus, de posthumain et de non-humain.

The various brands of new materialism are not reducible to the material- ism of Marxist theories of the political economy of production forces in their historical development, and they are interested in the inten- sive materiality of bodies in motion and defined by movement moving (evident in the work of Erin Manning and Brian Massumi); the abstract materialism that draws from science-and-art collaboration (for example Luciana Parisi’s writings on architecture and embodi- ment); political physiology that looks for connections between the ‘social and the somatic’ (John Protevi); radical empiricism of the wireless experience (Adrian Mackenzie); the writings on science by Manuel Delanda, Donna Haraway and Karen Barad; material feminists such as Rosi Braidotti, Elizabeth Grosz and others; and of course, for example, Bruno Latour’s work that has had a significant influence — in addition to other theorist-philosophers such as Gilles Deleuze — on a rethinking of materiality (see Bennett 2010). Partly, this turn to materiality can be seen to correct the perceived immate- riality brought by digital culture, and by what postmodern theories flagged as the abstraction and immaterialization of cultural reality through a new kind of primacy of the sign, from money to simula- tory techniques. Such ideas were most visible in the work of Jean Baudrillard. Indeed, modern processes of abstraction and demate- rialization can be understood to be having effects as a crisis of the phenomenological, experiencing human body, and also to demand a different vocabulary that would take into account the new forms of materialities of the technical media age (Brown 2010). (parikka, p. 84)

Partie page #

Structure et sens sont certainement ce qui permet dans leurs enchevêtrements de comprendre la page comme ce qui participe du fait littéraire avant que le geste d’inscription ne l’ait atteint. Ses caractéristiques, « odours », l’ensemble de ses éléments non-verbaux constituent « a message » ( Citation: , , p. 9 (). How the Page Matters. University of Toronto Press. ) . En réaction notamment aux discours annonçant la disparition de la culture du codex avec la révolution numérique, un ensemble d’études que l’on peut nommer comme les pensées de la page émergent justement depuis environ une dizaine d’années pour décrypter, via une approche textuelle, ce paysage de la lettre ( Citation: , (). How the Page Matters. University of Toronto Press. ; Citation: , (). The Matter of the Page: Essays in Search of Ancient and Medieval Authors. University of Wisconsin Press. ) . Il ne s’agit pas ici, comme cela a été le cas dans les premières recherches de ce courant, de revaloriser une révolution de l’imprimé par rapport à une nouvelle révolution, comme un combat de coqs entre supports, mais de comprendre comme une culture numérique fait évoluer la page (et plus généralement la culture imprimée à laquelle on l’a rattaché).

Le passage du volumen au codex

Kittler est en réaction à un infinitisme de l’herméneutique

dans le contexte : à Francfort, triomphe du procéduralisme avec la publication de la Théorie de l’agir communicationnel de Jurgen Habermas 1981 (comme rappelé par Emmanuel Alloa) : idée que l’herméneutique peut tout interpréter.

Kittler refuse une idée du sens comme humain, trop humain, pour invoquer un autre procéduralisme, celui des opérateurs techniques, indifférents au problème de la signification tout en constituant pourtant le fondement véritable de toute civilisation.

Il ne s’agit plus de « lire entre les lignes (l’activité favorite des herméneutes), mais […] lire ce que personne n’a jamais rédigé. » (Alloa, p. 8)

La page Web n’est pas tant une résurgence du volumen qu’elle est une ouverture du codex à une linéarité continue. Ce qui demeure dans la page Web est un rapport de structuration, bien plus profond que ce qu’avait déjà institué le codex, en tant que la page se divise en classe, en espaces délimités.

page matter : The page had already survived the print revolution of a half-millennium ago. This, perhaps, seems less surprising, since the printing press conserved the form of the codex—it only changed the method of copying. Print would, how- ever, over time, appear to stabilize an ambiguity in the meaning of “page” in the era of the handwritten codex, when the term could designate either a leaf, or one side of a leaf. Since the page-breaks in a printed edition are the same across copies, the utility of numbering pages (chiefly for reference) soon became ob- vious, with printers initially preferring to count leaves but eventually settling on sides of leaves: page one is thus the first side of the first numbered leaf, and so on. In truth, this did not finally settle the matter; even today, if we were to accuse someone of ripping a page out of a book, it would never occur to us to specify that the theft was, in fact, of two pages.But let us go back more than a millennium earlier, to the page’s most re- markable transition of all: that from roll to codex. Applied to the book-roll, the Latin pagina (whence our word “page”) corresponds to the Greek selis and des- ignates a column of writing. In a quality product, this need not have anything to do with the individual sheets (Greek, koll¯emata, Latin, schidae or scidae) of papyrus that were carefully glued together to make a roll, since columns crossed these without notice.13 The codex, of course, could not allow the same—a column could not wrap, left to right, around the edge of a leaf or across the binding without evident discomfort—but some early codices do preserve the column’s basic form, fitting two or three onto each side of the leaf.14 The pagina, though, soon stretched to fill its new environs, and by the early Middle Ages, the multicolumned page is the exception, and pagina presumably had come to mean only what it has meant ever since: “page.”15 This shift in the meaning of pagina may look, at first, like an important change, but it actually marks a rather astounding continuity. Let us first note that, beyond the designation of a “column” in a book-roll, other ancient uses of pagina correspond to what we ourselves would call a “page.”16 The word is cognate with pango, which means “to fix by driving in,” as in boundary stones or the trees of a planned grove. Pagina could depend on the second of these:Latin uses other agricultural terms, like exarare, for writing, and the phrase pangere versus, probably “to plant some verses,” i.e., to write them (in wax) is common.17 But it probably suggests instead the first: a pagina is a bounded space set out for writing—a leaf in a waxed tablet, a single sheet of papyrus or parchment, or a column in a book-roll.18 Garden or enclosure, the page is, ironically enough, from its very origin, a plot available for plots (to play on our own not unrelated double sense of the word “plot”).19 More to the point, the column of the book-roll is not the pagina avant la page; it is simply a slightly strange episode in the long history of the page as a bounded space. In other words, the roll too has pages.(7-8) ( Citation: , (). The Matter of the Page: Essays in Search of Ancient and Medieval Authors. University of Wisconsin Press. )

L’interface, définie comme une « form of relation […] between two or more distinct entities » fabriquée à partir du « coupling of the processes of holding apart and drawing together » ( Citation: , , p. 4 (). Interface. The MIT Press. ) devient un espace de jeu sur les qualités du média, notamment entre opacité et transparence, design et intrusion. Ce lieu du numérique est celui d’une relation qui couple humain et non-humain, machine et utilisateur ( Citation: & , , p. 51 & (). Media Do Not Exist: Performativity and Mediating Conjunctures. Institute of Network Cultures. Retrieved from https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/22937 ) par des fonctionnalités médiatrices et génératives.

Pour l’index thématique #

  • main
  • matiere
  • machine
  • media
  • fabrique
  • cyborg
  • configuration
  • support
  • homo faber
  • femme
  • texte

  1. Moses I. Finley (trad. Monique Alexandre, préf. Pierre Vidal-Naquet), Démocratie antique et Démocratie moderne, Paris, Éditions Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot / Histoire » (no 35), 2003, 179 p. (ISBN 978-2-228-89751-8), chap. 3 (« Socrate et après Socrate »), p. 151. et Luc Brisson, « Introduction [de l’Apologie de Socrate] », dans Platon, Apologie de Socrate – Criton, Paris, Flammarion, coll. « GF » (no 848), 2017 (1re éd. 1997) (ISBN 978-2-0814-1602-4), p. 35. ↩︎

  2. La Nuée est justement un hommage aux Oiseaux d’Hitchcock en transposant la menace du régne des aves à celui des insectes. ↩︎

  3. Les créations de Terrence Malick observent toujours dans leurs images le ciel pour suivre les nuées. ↩︎

  4. Le projet sera analysé comme un cas d’étude dans la troisième section du présent chapitre. ↩︎

Note #

avant propos de l’intro #

pour dynamique collective

tu ne peux comprendre une chose que si tu l’as pensé

es chercheurs et les chercheuses en humanités numériques doivent savoir coder, dans le sens où il est nécessaire de décomposer les outils que nous utilisons comme l’explique Quinn Dombrowski (Citation: Dombrowski, 2022) Dombrowski, Q. (2022). Does Coding Matter for Doing Digital Humanities?. Dans The Bloomsbury handbook of the digital humanities. (pp. 137–145). Bloomsbury Academic. (partie 5.5.3 de la thèse d’Antoine)

Once I met a young professor of German literature, who addressed me during a lunch break at a conference. He told me, “Mr. Kittler, you are wrong. You always tell us that in order to understand the computer age one has to be able to program one’s own computer. This is silly,” he said, “Computers are like cars. You don’t have to understand the internal mechanics of a car in order to drive it. Look at me,” he said, “I am a professor of German literature without ever having writtenKhayyat / An Interview with Friedrich Kittler"15a poem.” And I told him that if this was the case, he was no scholar of German literature. text humility 14

Un jour, j’ai rencontré un jeune professeur de littérature allemande qui s’est approché de moi pendant la pause déjeuner d’une conférence. Il m’a dit : “Monsieur Kittler, vous vous trompez. Vous nous dites toujours que pour comprendre notre monde informatique, il faut être capable de programmer soi-même son ordinateur.C’est absurde”, a-t-il ajouté, “Les ordinateurs sont comme les voitures. Il n’est pas nécessaire de comprendre la mécanique interne d’une voiture pour la conduire. Regardez-moi, disait-il, je suis professeur de littérature allemande sans avoir jamais écrit un poème. Et je lui ai dit que si c’était le cas, il n’était pas un spécialiste de la littérature allemande.

Malgré le caractère technocrate de cette définition, le projet de Kittler est assurément tourné vers l’horizon et la cause littéraire. Développant une posture épistémologique, la réflexion du chercheur vise à réorienter – ou même détourner – le projet postructuraliste. Comme la défense pour l’ouverture des perspectives humanistes aux mobiliers de l’usine (Flusser), Kittler souhaite ouvrir l’analyse littéraire focalisée sur l’étude des structures du langages et de ses dynamiques intertextuelles aux entrailles de la machines pour en saisir les systèmes techniques et surtout leur implication sur notre conception du texte. Si il cite maintes fois l’article de Foucault « Qu’est ce qu’un auteur ? », c’est pour dépasser la conception du sujet ouverte par cette approche comme « fonction variable et complexe du discours » pour la poser comme composition média-technique du discours.

La réflexion de Kittler en ce sens ne condamne pas toutes possibilités de collaboration avec la machine. L’outil a une influence certaines sur son utilisateur (alors peut-être plus utilisé que utilisant), mais au-delà de la dystopique soumission aux logiciels, il demeure des « mécanismes de pouvoir/savoir qui définissent notre réalité quotidienne » (p. 82) que Kittler a justement cherché à exposer.

L’architecture des microprocesseurs est désormais réalisée par des logiciels fonctionnant eux-mêmes sur la base matérielle des architectures d’ordinateurs antérieurs.


Le média n’est pas non plus une nouvelle Eve qu’il s’agirait de renommer pour posséder.


Enfin Latour est incontournable en ce qui concerne la notion d’agentivité qu’il traduit directement par l’expression d’origine spinoziste «puissance d’agir», trouvant le premier terme horrible, mais aussi «pour détacher agency de l’intentionnalité et de la subjectivité humaine» (2015: 67)

ISSN : 2561-5807, Anthropen, Université Laval, 2020. Ceci est un texte en libre accès diffusé sous la licence CC-BY-NC-ND, https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ Citer cette entrée : Laplante, Julie (2021-02-02), Agentivité. Anthropen. http://doi.org/10.47854/NJFW6857 ces derniers et possiblement aussi de Spinoza lorsqu’il maintient un agent quelconque – peut-être un quasi-agent à l’instar des notions de quasi-sujet ou de quasi-objet qu’il emprunte à Michel Serres (1980) – pouvant posséder de la puissance d’agir. Latour s’en remet encore une fois à Serres qui avait noté un déplacement de l’ancienne forme d’agentivité des pouvoirs établis – «et pourtant la Terre se meut» – à une nouvelle forme de «et pourtant la Terre s’émeut» (1990: 86). Dans l’un et l’autre cas, Latour pose le problème dans le fait que l’on doit d’abord (dés)animer la Terre, pour alors devoir redistribuer les puissances d’agir; les chercheurs les plus intéressants à ses yeux étant ceux qui «se contentent simplement de ne pas lui retirer les puissances d’agir qu’elle possède» (2015: 95). C’est en cela qu’il diffère de Spinoza (1677) pour qui puissance d’agir est déjà force d’exister dans sa tendance actuelle relationnelle, et non question de possession; dans l’Éthique, il formule une distinction entre affectio, la façon dont les corps se mélangent et laissent des traces d’eux-mêmes les uns dans les autres, et affectus (passions ou affects) de corps qui augmentent (joie) ou diminuent (tristesse), bénéficient ou réduisent sa puissance d’agir (2002) [1677]: 82). Deleuze et Guattari précisent que, «aux rapports qui composent un individu, qui le décomposent ou le modifient, correspondent des intensités qui l’affectent, augmentant ou diminuant sa puissance d’agir, venant des parties extérieures ou de ses propres parties» (1980: 314). Ainsi, «[s]ur le plan de consistance, un corps se définit seulement par une longitude et une latitude: c’est-à-dire l’ensemble des éléments matériels qui lui appartiennent sous tels rapports de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteur (longitude); l’ensemble des affects intensifs dont il est capable, sous tel pouvoir ou degré de puissance (latitude)» (ibid.: 318). Cela revient à dire qu’il n’y a ni agent ni agentivité fixe. Latour note plutôt que vivre à l’ère de l’anthropocène implique que tous les agents partagent la même destinée de changement de forme, mais que la tâche politique cruciale est de distribuer cette agentivité aussi loin et de manière aussi différenciée que possible jusqu’à ce que les concepts de sujet et d’objet n’aient plus d’intérêt (2014: 17). C’est là qu’il conserve un certain privilège de distribution de l’agency à l’humain. Dans un positionnement quasi animé similaire à celui de Latour, on peut aussi inclure Jane Bennett (2010) et son «agentivité de l’agencement» qui voit dans le travail de Deleuze et Guattari (1980) une connexion entre l’agentivité humaine et certaines formes d’agentivité non humaine, mais qui affirme tout de même une sorte d’agentivité humaine intentionnelle distincte. Elle évoque le rôle actif des matérialités non humaines dans la vie publique en tant que vaste capacité pas-tout-à-fait humaine, une chose-pouvoir, ou actante, à laquelle elle dit tenter de donner une voix (Bennett 2010: 3). Ce faisant elle se fait porte-parole d’une vitalité intrinsèque au non-humain, conservant ainsi ce privilège humain de donner une voix à la matière. Strathern (1988, 1991) avait pour sa part déjà proposé une solution à ces résidus d’agentivité alloués de manière asymétrique par l’humain, en proposant une agentivité qui se distribue elle- même et qui n’a peut-être pas besoin de porte-parole non plus. En procurant une illustre démonstration au moyen des spores fongiques, laquelle dérange nos idées préconçues à la fois sur l’individu et sur la structure, Tsing (2014) propose aussi une compréhension de l’agentivité en termes de constants entrelacements plus ou moins effectifs et affectifs qui émergent selon leurs tendances.


dés-idéaliser et dés-esthétiser pour Kittler les pratiques poétiques pour les ramener à une concrétude matérielle.

les lettres ne sont pas innocentes.

l’appareil emprunté au contexte technique devient avec les théoriciens de l’idéologie comme Baudry un élément dépouillé de sa concrétude.


vampirisme de Kittler, reconnaissable qu’à l’aune de l’ère technique

[L]es canines de Dracula laissent les mêmes traces que la perforatrice sur du papier-ruban : deux morsures au cou, toujours au même endroit, avec un espacement invariable, aussi prévisible que la frappe de la machine. (Alloa p. 19 à partir de Kittler « Le Testament de Dracula, in 1900 mode d’emploir, 2010)


Cette « étrange chose » (Claude Lévi-Strauss, 1998, p. 352) qu’est l’écriture consiste à « transférer, faire passer la parole orale ou intérieure à la fixité des signes graphiques » (p. 11). Mais il y a plus : l’écriture est « un ensemble de signes dont la valeur peut être identifiée à juste titre par une autre personne que celle qui les traça. Il y a écriture quand, le scripteur absent, une autre personne peut lire et connaître le contenu du texte » (p. 75).

Comme le montre Herrenschmidt, l’écriture rend le langage visible mais par ses différentes manifestations instaure un rapport divers entre les choses du monde et celles du langages, à savoir le contexte.

« l’écriture s’est lentement introduite dans le contexte et l’a entamé, pointant la distance qui sépare les choses du langage des choses du monde » (p. 16).

Parmi les écritures montrées dans le cadre de cette thèse, elles n’auront pas toutes vocation à une lecture directement humaine, mais elles font toutes une incarnation d’un lien entre le monde et une perspective de recherche et création sur ce dernier.

[…] écrire. L’origine n’est plus ce qui se raconte, mais l’activité multiforme et murmurante de produire du texte et de produire la société comme texte. Le « progrès » est de type scripturaire. (certeau, 198-99)

On ne parlera pas tant du texte, « fragments ou matériaux linguisitiques [qui] sont traités (usinés, pourrait-on dire) dans cet espace [la page blanche] selon des méthodes explicitables et de manière à produire un ordre. Une suite d’opérations articulées (gestuelles et mentales) – littéralement c’est cela, écrire – trace sur la page les trajectoires qui dessinnent des mots, des phrases, finalement un système. Autrement dit, sur la page blanche, une pratique itinérante, progressive et régulée – une marche – compose l’artefact d’un autre « monde », non plus reçu mais fabriqué. Le modèle d’une raison productrice s’écrit sur le non-lieu du papier. SOus des formes multiples, ce texte bâti sur un espace propre est l’utopie fondamentale et généralisée de l’Occident moderne » (certeau, 199-200)

Dans son explication de l’écriture, comme une « pratique mythique “moderne”, De Certeau reprend une sortes de généalogie très concrète de la production littéraire : page blanche puis texte puis en vue de la [réalité] changer.

En somme l’écriture, ou « jeu scripturaire » (certeau 200), renvoit à la réalité qui s’est distingué pour la changer, la faire évoluer, la modifier.

menacant de voler le primat à l’humain (platon 2012, au IVe )parce que d’origine divine // nuée

La nuée n’est pas une célébration de l’origine divine de l’écriture

« dans sa dimension la plus technique, la moins conceptuelle, [elle] affirm[ait] l’universalité des humains en matière de culture écrite » (Traces de Jack Goody et al. 2012) Si pour Flusser la fabrique est ce qui fait la dignité de l’humain, pour Goody, l’écriture est ce qu’il y a de plus humain dans l’humain.

[L]a question de l’inscription posée dans le contexte numérique conduit à différencier plusieurs couches d’écriture (Cotte, 2011). D’abord, du point de vue du codage binaire propre du texte : on considère alors la couche de programmation (ou paquets de données numériques) qui stabilisent les différentes formes d’affichage du texte en tant que forme lisible, c’est le « niveau profond ». Ensuite, du point de vue de sa production/édition, le texte est supporté par un architexte logiciel qui le place dans un lieu déjà inscrit et sémiotique, un « niveau de surface ». Enfin, le troisième niveau est celui du texte, que Sylvie Leleu-Merviel désigne comme « niveau abstrait », ou plus précisément, comme une représentation abstraite du document (Leleu-Merviel, 2004). (Bonnacorsi 2012, 28)

on pourrait affirmer que chaque couche d’écriture est un texte.

On a parlé beaucoup beaucoup de couches, strates dans l’écriture numérique, mais l’écriture a toujours était épaisse.

La troisième révolution graphique a commencé entre 1936 et 1948 avec les débuts de l’écriture informatique, puis en 1969 avec l’écriture réticulaire. L’écriture informatique débute par les travaux d’Alan Turing ; elle ne s’intéresse d’abord qu’aux nombres et aux calculs pour passer au traitement, avec les mêmes machines (on est loin de la machine à écrire du type Remington), de toutes sortes de langues, graphiques, dessins, sons… « L’ordinateur est une machine électronique à programmes enregistrés, qui fonctionne de façon séquentielle, en une succession d’états physiques, selon le passage ou l’absence du courant électrique. » (p. 393.) L’ordinateur traduit les données en nombres ; les nombres eux-mêmes sont traduits en base 2, grâce au passage ou à l’absence de courant électrique, ce qui constitue les bits (binary digits). Comme le rappelle l’auteur avec humour, tout utilisateur d’un ordinateur avec un simple traitement de texte travaille avec un bureau du chiffre : nous sommes tous dans la lignée des héros de John Le Carré.

Ces ombres, réunies en une même silhouette, loin de contenir l’angoisse d’un littéraire dans ses propres rouages dans tous les manteaux qu’elle peut revêtir, accompagneront notre étude avec l’enthousiasme d’assister à un apocalyptique moment de l’écriture. Pour décrypter ce qu’elles impliquent, en quoi elles se nouent autour de nos certitudes pour en faire sentir encore davantage la limites de modèles révélant leurs propres inaptitudes, faiblesses et manques, je propose ici une image qui, si elle a ses propres manquements, a le mérite d’enceindre une enquête de l’écriture comme un paysage, s’étendant bien au-delà de tout cadre pouvant être institué par les mots.


Les images auront toujours l’envers tranchant de mener l’esprit à vagabonder dans des analogies qui trahissent la matière, le réel. Le propre de l’image est justement celui-ci, avouer un désir irrépréssible de sortie, hors d’un contexte présent mais également hors d’une condition, plus proche des nuées.

De la dangeorisité des images, il sera également question dans le cours de cette réflexion. De leur utilité pour mettre en formes multiples des notions sinon difficilement explicables ou se révélant sèches sous la dent de l’esprit.

La nuée #

Terme déjà inscrit dans le corps littéraire, la nuée peut bien sûr évoquer la comédie grecque d’Aristophane (V^e^ siècle av. J.-C.), critique virulente de la figure socratique et de son autorité philosophique.

La création d’Aristophane est déjà intéressante parce qu’elle évoque une réalité de l’écriture, son impact dans le monde réel, soit les perturbations concrètes de l’écriture. Aux dires de Platon comme de d’autres auteurs contemporains, Les Nuées sont en partie responsable du procès et de l’exécution de Socrate1

[analyse]

[déploiement]

La nuée nous permet d’annoncer une enquête de l’écriture comme matière en tentant d’éviter les vertiges de l’essentialisation qui la mènerait à rebours à regresser vers un concept abstrait.

S’il faut toujours se méfier des images, ou des expériences de pensées, par la propension qu’elles ont d’appeler les détournements et les syllogismes, je tiens à établir la perspective matérialiste dans l’utilisation du terme.

[reformulation]

Si la nuée (de nubes en latin, soit le pluriel de nube ou nuage) peut rapidemment être apparenté à un élément lointain, principalement aérien, et vaporeux, donc proche d’une immatérielle présence, pour les besoins de l’étude ici, la nuée sera déterminé comme une formation matérielle. Cette étymologie implique déjà une pluralité constituante qui permettra de garder en tête que si l’on parle de nuée au singulier, elle émane d’un collectif, d’un ensemble. Qu’elle soit formation nébuleuse, conspiration, multitude, la nuée écartera ici l’un de ses sens secondaires, celui d’une abstraction de choses vagues et chimérique, pour convoquer une réalité concrète.

La nuée est ce qui nous surplombe, et c’est justement la dimension quelque peu inquiétante ou hostile qu’il m’intéresse ici de retranscrire dans notre rapport à l’écriture. Elle est ce qui peut nous traverser avec brutalité comme les oiseaux d’Hitchcock ou les sauterelles de Philippot2 ou fascination 3.

La restitution du mouvement à la nuée souhaite se faire par l’entriprise technique de recherche et création. C’est dans l’outil que tient la paume que se fige l’épaisseur de l’écriture qui souhaite tout de même faire état d’une réalité qui ne semble pas pouvoir se saisir autrement que par une certaine violence de l’écrasement.

Cependant, avec l’espoir de palier cet écueil de l’aune, la version html proposera de reconfigurer les différentes parties pour composer un propose arrangement de la carte de l’écriture, et, potentiellement, générer une version imprimable de cette lecture choisie défiant une linéarité déterminée d’avance.

L’écriture souhaite s’épaissir de multiples strates autant techniques que métaphoriques, oscillant entre plusieurs langages, principes techniques mais également entre plusieurs imaginaires, qui n’en sont pas moins imaginaires :

Ces imaginaires se retrouveront indexés tout comme les notions et concepts selon un principe de sémantisation de l’écriture qui permettra de renouer avec un principe de constellation de la nuée. Noeud de vipère rendu lointain dans la verticalité, la nuée est une formation dont l’étrangeté n’empêche pas une cartographie.

Dans mes approches de la littérature numérique comme phénomène culturel, je me suis moi-même étonnée de remarquer que je citais davantage de texte pré-numériques que de textes nativement numériques.

Le problème des images #

Bien entendu, j’entends crier les paniques matérialistes, les images et structures analogiques ont elles-même leurs diverses dérives, ne solutionnant pas une question en la résumant mais charriant de nouvelles problématiques.

L’abstraction débattue elle se love dans les images et sans aucun doute dans la nuée, dont le second sens est celui de cet espace, flou, fluide, où naissent les idées. Il serait bien orgueilleux de clamer renverser et raser du territoire de la nuée l’épine de l’abstraction pour la remettre sous terre, en terre, la ramener à sa propre matérialité. Elle demeurera toujours l’épée de Damoclès que l’on tient soit même au bout d’une corde.

voir flusser

Les images et imaginaires ont ceci de problématiques qu’elles appartiennent aux valeurs récursives de nos esprits : à titre d’exemple de topos, Kittler cite notamment les sirènes « where the same issue is taken up again and again at regular intervals but with different connotations and results » (Armitage 2006, p. 203). Les sirènes passent des nymphes grecques séductrices, aux monstres du haut christianisme jusqu’au moyen-âge et jusqu’au sirènes du XIX e siècle qui en donne une traduction technique et sonore, un dispositif à son strident.

Dans cette exemple la sirène est autant un ensemble culturel qu’une technologisation de ce même imaginaire. une chose comme un dispositif qui crie alerte.

la nuée autant un esepace inateignable pour l’humain qu’un mouvement d’ailes

l’épaisseur autant une caractéristique de composition qu’une caractéristique mentale.


Transposé à l’écran et ses multiples visages, la question du deal avec le texte que décrit McPherson (extrait ci-dessus) s’est principalement posée via l’instance de l’image, comprise comme perception des phénomènes de représentations et de constructions du texte. Le texte dont nous héritons, au gré de la multiplicité et de la diversité de ses conceptions (approches intertextuelles, antipoétiques, se reconnaissant d’un avant-gardisme ou d’un poststructuralisme), nous permet moins de saisir ce qu’il est véritablement, son émergence et ses fonctionnements, que les motifs saillants dont se sont emparées ces théories littéraires. Courbes typographiques, poétiques des espaces blancs (Christin 2000), harmonies ou saturations des styles de mises en page, le texte numérique est un évènement régi désormais par de nouvelles caractéristiques plastiques que sont la lumière, surface et mouvement :

Anne-Marie Christin définit cet événement du texte numérique par l’évocation de plusieurs caractéristiques formelles et plastiques : la surface, la lumière, le mouvement. L’occupation de la surface fait signe vers une « profondeur » et repose sur une dynamique de montré/caché. L’attente de l’apparition/affichage peut produire autant de textes morcelés, inachevés, corrompus et détériorés, illisibles (par la machine, par l’humain). (Bonaccorsi 2012, p. 190)

La quête de l’imitation se poursuit dans un nouveau jeu de rôle entre transposition d’un principe d’écriture d’un système à un autre et effets de continuité dissimulant en réalité un changement plus profond qu’une transition de support. La structuration de la page blanche du traitement de texte, le bruit du papier que l’on tourne dans le vide des liseuses, le principe d’annotation en marge, tous ces états du textes héritiers d’un modèle imprimé (et du format livre), lorsque transposés ou remédiés à l’écran, font l’effet d’un spectacle entre disparitions et apparitions : l’écran joue au papier pour reconduire un rapport au texte et trompe pour quelques temps la lectrice. Tout en révélant ses capacités d’imitation ou de remédiation, il détourne ses propres caractéristiques plastiques. Métamorphose souple, il fait image comme écran aux potentialités, des deals du texte qui pourraient être passés hors d’une tradition institutionnelle et littéraire. Dans cette étrange transaction parcourue d’a priori et de méfiances techniques, le texte est un « air ou une impression de texte », il est une image au sens de représentation ou d’effigie dont la nature concrète échappe de plus aux littéraires bien qu’il demeure un composé d’écriture en tant que tel. Ce temps de l’écriture s’intéressera aux phénomènes d’imaginaires du texte-machine et développera un principe d’image technique du texte.

À contre courant de la perspective du texte numérique comme image d’un texte passé, l’équipe de Vectors, dans la fondation de leur revue/laboratoire, a pris le parti de ne pas traiter le texte comme une instance du domaine de l’image, soit de ne pas faire ce qu’ils nomment comme une « image du texte » en prenant en compte les éléments principalement visuels de sa composition (typographie, police, mise en page), mais de plutôt considérer le texte comme une instance du code, soit de gérer le texte depuis une perspective machine. Comme dans le labyrinthe oulipien, le texte technique est une architecture à partir de modalités (poétiques ou médiales) qui cadrent mais qui limitent (si elles ne la déterminent pas) l’écriture. Or, dans ces deux approches demeure l’éternelle division de strates textuelles : machine, poétique, image et imaginaire. Si les résultats finaux de Vectors comme nombreuses des créations oulipiennes s’avèrent des produits hautement visuels et semblent pouvoir être compris comme des compositions graphiques, mon intérêt vis-à-vis de leur projet s’attache davantage ici à la distinction faite entre le régime de l’image et celui du code. Ne serait-ce pas là la résurgence d’une distinction bien plus vertigineuse ? Soit la « rhétorique de l’immatérialité qui oppose forme et matière, ou contenu et contenant, en présupposant qu’il y ait d’un côté quelque chose de pur, immatériel, noble et précieux et de l’autre son incarnation, impure, matérielle, imparfaite, vile et sans importance » (Vitali-Rosati, Éloge du dysfonctionnement). Cette opposition résonne avec les antinomies fond et forme, réalisation manuelle et conceptualisation, technique et image. Au cœur de ces déclinaisons se cristalise un système de valeur récurrent : le hiatus sens/matière est en parallèle du féminin/masculin selon un système qui valorise l’un (l’homme qui pense et dicte le savoir) et dévalorise l’autre (la secrétaire qui transcrit le savoir) [Vitali-Rosati & al., Pensée et collectif dans la matérialité de nos écritures (article à venir) ; @mellet_manifeste_2021]. Ou serait-ce là l’entrée d’un nouveau personnage dans ce jeu de pouvoir : le fond, la forme et la technique ? Ne peux-t-on joindre les deux/trois dans la réalisation d’un texte ? Soit par exemple considérer une image du texte qui serait une image technique et plus largement penser le texte comme un écosystème dont les strates dialogues constamment comme artificiellement. La distinction entre dimension du visible et réalité technique, et l’engagement pour au profit d’une réalité technique du texte en réaction à une approche vernaculaire de l’écran qu’est l’image du texte, est problématique parce qu’elle ne résout pas la question du texte numérique comme fantôme d’un texte passé et le laisse même à son errance.

Le fait littéraire #

recherche-création

https://www.youtube.com/watch?v=Ygne72-4zyo

[ajouter Autopsie Turcotte]

Plan d’une non-linéarité #

Il y a dans cet extrait certainement cristalisés l’ensemble des éléments qui vont établir les différentes lentilles de nos focales sur l’écriture.

Chaque entrée dans la nuée peut être choisie. Pour des raisons de compréhension, de visibilité dans la masse d’une facette, chaque entrée début avec un déboulonnage de la notion qui correspond à une dissection de la notion même.

importance d’une perception non linéaire

tout comme il est primordial pour ma pensée de se situer dans un hors-temps, qui renie pas l’importance des contextes historiques mais s’en nourrit pour établir de multiples concordances et continuités entre des phénomènes qui se retranscrivent au travers de pratiques culturelles, il est important de proposer une perspective non-linéaire de cette thèse.

ce que Kittler appelle une “recursive” et qui peut autant faire référence au topoi

Refusant pour le seul cas le bel imaginaire de la ligne d’Ingold et son défilement aux travers des temps, voyez davantage cette thèse comme une main, dont la paume peut tenir ensemble tous les doigts comme les éléments d’une même architecture épistémologique. agencez les doigts comme il vous semble, le pouce au-dessus de l’index ou le majeur au de tous, c’est un éclatement que l’on a en main qui seul permet dans ce qui reste une image structurelle de combattre l’écrasement causé par la mise à plat d’une écriture qui aimerait idéalement penser son épaisseur.

post-humain #

L’analyse des pratiques de l’écriture mène comme un cours d’eau à une approche post-humaniste de la littérature que nous définirons pour l’heure ainsi :

By “posthumanist” I mean to signal the crucial recognition that nonhumans play an important role in natural/cultural practices, including everyday social practices, scientific practices, and practices that do not include humans. But also, beyond this, my use of “posthumanism” marks a refusal to take the distinction between “human” and “nonhuman” for granted, and to found analyses on this presumably fixed and inherent set of categories. Any such hardwiring precludes a genealogical investigation into the practices through which “humans” and “nonhumans” are delineated and differentially constituted. A posthumanist performative account worth its salt must also avoid cementing the nature-culture dichotomy into its foundations, thereby enabling a genealogical analysis of how these crucial distinctions are materially and discursively produced. (2007, 32)


démence de mots qui s’oublient les uns des autres

générateurs de démence

L’hypothèse de recherche et création n’est donc en soi pas révolutionnaire puisque ça a déjà été dit et loin de prétendre à clôre l’enquête, cet écrit souhaite simplement y participer dans le lieu de la littérature. Lier les pensées des médias à cette question de matières d’écritures et faire dialoguer dans une approche conceptuelle de la littérature les réalités des processus d’écriture avec les problématiques d’abstraction et d’essentialisation du texte, là est (peut-être) une originalité de ce qui s’écrit.

écriture automatique et essouflement

La façon dont les écrivains ont vécu le chemin de fer, cette extraordinaire économie du travail musculaire, est indéniablement importante, du point de vue de l’histoire de la littérature. (introduction de la thèse d’habilitation de Kittler, qui donnera le livre discourse network, préface tapuscrite de la thèse Aufschreibensysteme 1800-1900, université de Fribourg, préface non reprise dans l’édition du livre mais citée dans documentes publiées dans le numéro spécial de la Zeitschrift für Medienwissenschaft 6/1, 2012, p. 117)

les discours constituent les effets collatéraux des médias techniques d’inscription, archivage, mise en circulation.

c’est le standard digital qui opère la réduction de l’infini ; ce qu’un sujet enregistre dans tout ce qui l’entoure dépend non pas de discours sociétaux qui le conditionnent, mais d’un principe de raréfaction établi par les appareils eux-mêmes. La vérité est un effet produit par quelques lignes de code. (Alloa, p. 13) à partir de Kittler. « Spiele des Wahren und des Falschen. Zum zehnten Todestag des französischne Philosophen Michel Foucault. » Short Cuts, 2002, p. 36-37

idée que l’influence est palpable.

Prémisses de l’âge des machines. — La presse, la machine, le chemin de fer, le télégraphe sont des prémisses dont personne n’a encore osé tirer la conclusion qui viendra dans mille ans. (voyageyr et son ombre 278)

Horace (-65, -8) auteur du renommé « verba volant, scripta manent » (« les paroles s’envolent, les écrits restent »).

[…] on trouvera un certain contentement visuel et philologique à démontrer que la littérature de la machine `aécrire débuta en 1882 avec un poème de Friedrich Nietzsche, qui aurait pu aussi bien s’intituler À propos de la machine à écrire et de sa relation à l’écriture… (GFT 342 en référence à la monographie de Holmes À propos de la machine à écrire et de sa relation au crime dans Doyle The complete Sherlock Holmes p. 199)

Le seuil de l’écriture #

[@kittler_discourse_1990]

[ajout]

idée de l’abstraction de l’écriture

Cette introduction adresse quelques questions autour de l’écriture qui, comme toutes bonnes névroses, corrodent les certitudes littéraires : à l’image d’une thérapie, la thèse a moins vocation à résoudre ces interrogations qu’à les déployer pour saisir une épaisseur de l’écriture : moins sujet d’étude que réel support d’une mise à l’étude de nos propres considérations, représentations et convictions sur ce qui constitue la mâne d’une littérature hors de la tradition orale.

En 1860, cinq ans avant la boule à écrire mécanique de Malling Hansen, qui fut la première machine à écrire pouvant être produite en série, les Lettres d’amour mal employées de Keller affirmaient encore l’illusion de la poésie elle-même : l’amour n’a que l’impossible alternative de « parler avec l’encre noire » ou « de laisser parler le sang rouge » (Keller, Dis Missbrauchten Liebesbriefe, p. 376 dans Die Leute von Seldwyla 1961). (Alloa, p. 55)

En 1882 enfin, l’imprimerie de Copenhague C. Ferslew associa la sphère écrivante et les femmes comme médium destiné à remédier à la difficulté consistant en ce que ses « compositrices-typographes consacraient beaucoup plus de temps à déchiffrer les textes manuscrits qu’à composer effectivement le texte » (Stümpel, p. 8) (GFT, p. 334-5)


au centre du memex, était l’angoisse d’organiser qui doit être commune à tous les projets en HN :

A revolution must be wrought in the ways in which we make, store, and consult the record of accomplishment. […] It is not just a problem for the librairis, althought that is important. Rather, the problem is how creative men think, and what can be done to help them think. It is a problem of how the great mass of materials shall be handled so that the individual can draw from it what he needs – instantly, correctly, and with utter freedom. (bush, 147)


comme Drucker, Pretucci, MOsiron qui ont exploré la dynamique visuelle de l’écriture dans différents contextes, des manifestations épigraphiques sur les monuments, jusqu’aux instances typographiques sur le papier (Drucker, The Visible Word, 4; Petrucci, Public Lettering; and Morison, Politics and Script. In general, see Gutjahr and Benton, Illuminating Letters)

Questions #

Partie Fabrique #

De humani corporis fabrica libri septem (À propos de la fabrique du corps humain en sept livresn 1) est un traité d’anatomie humaine que l’on doit au médecin et anatomiste brabançon Andreas Vesalius (André Vésale). Il a été rédigé de 1539 à 1542, publié à Bâle en 1543, par Johannes Oporinus et réédité en 1555.

l a été traduit en anglais et en français par le même mot « structure », mais qui ne rend pas compte de la richesse du terme latin. Selon Jackie Pigeaud, Vésale utilise le terme fabrica au sens de Cicéron, dans De natura deorum (livre II). Dans la configuration (figuris) des êtres vivants, Cicéron admire la fabrica des parties et des membres : « Tout ce qui est renfermé dans l’intérieur du corps, est né et placé de telle sorte que rien de cela ne soit en trop ; il n’est rien qui ne soit nécessaire à la vie »6.

Vésale aurait choisi le latin fabrica de Cicéron qui rend parfaitement compte du grec kataskeuè de Galien, désignant à la fois une fabrication et son résultat. Le corps humain est le résultat d’une fabrication, celle de la Nature qui agit avec une volonté et des intentions. Pour Vésale, le corps humain est l’œuvre d’un sage artisan habile et talentueux. Cet artisan peut s’appeler Deus, Creator ou Natura6.


« Tout art met en jeu un type particulier d’exposition. » (p. 64) Ruffel parle plus particulièrement de la sortie du livre : qui relève selon lui d’une politique d’exposition.


Dans le prolongement de ces analyses, Anthony Grafton répond à l’imposant travail d’Elizabeth Eisenstein pour préciser que cette révolution est plutôt une évolution lente sur différents plans (Grafton, A. (1980). The Importance of Being Printed. Journal of Interdisciplinary History, 11(2). 265. https://doi.org/10.2307/203783). Il souligne notamment le fait que certains points sont injustement amplifiés et ne donnent pas une bonne représentation de la réalité. Par exemple le fait que les lieux d’édition-impression du seizième siècle n’étaient pas des salons de discussion intellectuels, en raison du bruit qui y régnait et de leur saleté, ou encore que ces dispositifs de production n’ont pas immédiatement changé les modes d’écriture des auteurs et des autrices. La production du savoir a été profondément modifié avec l’invention technique de l’impression typographique qui introduit une mécanisation avec la typographie et permet d’entrevoir une industrialisation en cours, à laquelle le livre et l’édition ont participé. https://t.qtrnm.net/chapitre-01/#112-une-histoire-de-la-technique-depuis-le-livre


pour la question de la représentation, référence à Marx (volume 1 du capital donc un marx sur la fin) qui différencie l’abeille (la meilleure) de l’architecte (le pire) parce que l’architecte, lui se représente la maison avant de la construire. Cette réflexion est bien entendu à relativiser : « even the worst of architects has build his house in his head before he builds it in wax » donc où la production est une image dans la pensée qui doit être réalisé dans la matière « production begins with an image in the mind wich is then realized in the material » // différent du Marx jeune avait une perception différente, avec un regard phénomélogique où la production est un « I am », on produit sa vie et la production vient avant la consommation –> il s’agit de comprendre le sens de la production idée de réinsérer dans le mouvement et l’idée de la pratique vivante tout ce qui peut paraître préalable ou extérieur, définir la pratique humaine comme une écologie/économie des élements qu’elle met en rapport - écologie des pratiques humaines : faire un état de l’art de ces questions qui sont traitées et en train d’être pensées actuellement ou depuis aussi la réflexion sur les supports plus anciennes // sémiophobe (qu’est Ingold) (contraire à un sémiophile de Monsieur Philippe Descola) : désaccord qui se cristalise autour de la question « is it or is it not possible for us as living beings to perceive our environment directly ? […] or can we only related to the environment trough the mediations signs ? […]] is that relation to the environment based on presence or on interpretation ? » (Ingold, manu des idées) Ingold favor presence, car comme ça nous pouvons être disponibles aux autres êtres vivants (répondre, prendre soin, et interagir et apprendre) car « with interpretation, the world is always an absent presence, the sign is standing for something in the world so the world is always retrieting from us. » distanciation donc on ne peut jamais en faire une expérience directe (influence par la psychologie écologique de Gibson - nous montre, au-delà des faiblesse ou erreurs de sa réflexion par ailleurs, comment la perception directe du monde pouvait fonctionner)

Die Kombination von Geist und Mensch ist ohne Belang (für frankophone Ohren: impertinent) bei des Analyse eines Wissens, das alle Leute haben, ohne das noch einmal wissen zu müsser. (KITKIT 9 in humilité [je crois])

La combinaison de l’esprit et de l’homme n’est pas pertinente (impertinente !11) pour analyser un savoir que tout le monde possède sans avoir besoin de le savoir une fois de plus.

Et s’il est vrai que, peut-être n’y a-t-il rien de nouveau à dire sur l’écriture depuis les pages du Phèdre, reste néanmoins le sentiment qu’il est nécessaire de continuer à écrire. ( Citation: , (). Qu’est-ce que l’écriture numérique ?. Corela. Cognition, représentation, langage(HS-33). https://doi.org/10.4000/corela.11759 )

Partie Machine #

[Ma] machine est délicate comme un petit chien et pose de nombreux problèmes – elle est aussi source de quelque divertissement. Mais maintenant, mes amis doivent m’inventer une machine à lire : autrement, je ne serais que l’ombre de moi-même et je ne pourrais plus jamais me procurer de nourritures intellectuelles satisfaisantes. Mieux encore : j’ai besoin d’une jeune personne près de moi, assez intelligente et éduquée, pour pouvoir travailler avec moi. Je serai prêt à m’engager dans les liens d’un mariage de deux ans rien que pour cela. ( Citation: , , p. 180 (). Correspondance III : Janvier 1875 - Décembre 1879. Gallimard. )

Entre-temps, j’ai à la maison la remarquable Mme Röder-Wiederhold ; elle supporte et tolère « comme un ange » mon horrible « antidémocratisme » – je lui dicte en effet quelques heures par jour mes pensées sur les Européens d’aujourd’hui et de demain ; mais je crains que, baptisée comme elle l’est du sang de 1848, elle ne sorte un jour « de ses gonds » et quitte Sils-Maria. (Lettre de juin 1885 in ( Citation: , , p. 158 (). Correspondance III : Janvier 1875 - Décembre 1879. Gallimard. ) )

Contrairement à la numérisation, procédé qui relève de l’automatisation, de la reproduction, l’adaptation appelle une réflexion, et une modification du contenu en fonction du médium cible. Ainsi, comment présenter sur tablette Composition No. 1 de Marc Saporta, récit initialement publié en 1962 et consistant en 150 feuillets non reliés, lisible dans n’importe quel ordre ? Le livre d’artiste de Tom Phillips A Humument1 change-t-il de statut lorsqu’on le découvre sur iPad ? Enfin, le court roman de Mark Z. Danielewski, The Fifty Year Sword (2006), distribué sous diverses formes, du tirage limité à 1000 exemplaires à l’édition à large tirage, à la couverture piquetée de trous, en passant par une édition de luxe dans un coffret en bois, est-il aisément transposable au format numérique ? (Come Martin, 2021 sp)

l’inverse marche aussi, le problème n’est pas la numérisation mais le fait incontournable que tout texte est lié à un support dont les caractéristiques matérielles le contingente.

La réflexion posée par Martin, est problématique pour plusieurs points : d’abord cette matérialité de l’imprimé n’est pas opposable au numérique puisqu’elle découle d’une édition qui n’implique pas la presse, les copistes ni les scriptorium, mais bien les logiciels, les outils éditeurs de textes. Ensuite parce que ces projets ne sont en fait pas pensés pour le support écran dans la mesure où ils sont des déconstruction du papier. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas de déconstruction de l’écran possible, cela veut simplement dire que la déconstruction n’implique pas les mêmes caractéristiques plastiques à détourner.


Se faire l’intermédiaire,
Comme Bon face à la machine qui écrit automatiquement ou Don Quichotte face aux géants imaginaires, il s’agit de porter une vision du monde qui teste les limites du réel.


Laisser le sens à l’entendement, c’est également, dans une perspective post-humaniste, permettre l’idée d’une intelligence externe aux individus et même au principe d’individu en tant que tel, ce qui, pour Lévy, est déjà entre les lignes du De anima d’Aristote (III, 4) : il en résulte un principe d’intelligence collective (lévy) qui est toujours en acte, toujours en train de se faire.


voir anders, sur l’impossibilité de la perception (para sur 79 technique moderne), voir série podcast france culture


As Espen J. Aarseth observed in one of the foun- dational texts of game studies,2 information technology did not make the cybertext possible; cybertexts existed before computers and cybertextual thinking dates back several millennia

In support of this assertion, Aarseth shows how the famous Chinese book of changes, the I Ching, which dates back to the Zhou dynasty (1027-256 BC), was already a cybertext.


[ajout]

Le roman de Marc Saporta est le plus ancien de ces trois livres objets, ainsi que le plus résolument tactile. Précisons dès à présent qu’il ne sera pas question ici de l’édition française originelle de 1962, mais de sa réédition en langue anglaise en 2011 par Visual Editions, aussi bien sous forme imprimée qu’en tant qu’application utilisable sur tablettes. Sous forme imprimée, il s’agit d’une boîte contenant 150 feuillets2, lisibles dans l’ordre désiré par le lecteur. Au verso de chacun de ces feuillets figure une sorte de paysage topographique et typographique, généré par ordinateur à partir du texte du recto. Nous présentons ces versos comme paysages, car ils sont définis comme tels par l’éditeur, mais il n’est pas nécessaire d’y adhérer : ainsi un journaliste de The Independent les décrit comme « des bandes de neige télévisuelle, ou du sable en train de s’écouler » (Gibbs 2011, notre traduction). Libre au lecteur, donc, de voir dans ces images générées par une technologie numérique une représentation du monde analogue ou non.

l’écrivain Jonathan Coe déclare ainsi dans le Guardian que « la version de Composition No. 1 par Visual Editions est un bel artefact […] Le simple fait de tenir la boîte dans vos mains vous procure un frisson sensuel. À une époque où tant d’éditeurs paniquent en pensant à l’ascension des formats numériques, voilà un objet dont la beauté visuelle et tactile ne peut tout simplement pas être reproduite numériquement » (Coe 2011, notre traduction). Cet « artefact » a pourtant été porté au format numérique ; mais Coe a peut-être raison d’évoquer la sensualité de la manipulation de l’objet physique, sensualité qui passe donc par les yeux, mais aussi et peut-être avant tout par les mains.

La pensée, dès lors qu’elle est automatisée, cesse de devenir une activité essentiellement humaine.


Unoriginalité #

L’automatisme des machines littéraires, parce que la valeur poétique est déplacée de la production à la chaîne de production, pose autant la question d’une auctorialité indélimitable ou inhumaine ou hybrique que celle de l’originalité. Ce que l’on appellera écriture automatique ou automatisée n’est en fait pas l’invention des surréalistes qu’elle revient aux ingénieurs qui l’ont implémenté dans les principes de sismogramme et de phonogramme.

La question d’un évolution de l’histoire littéraire est ainsi profondément liée aux développements techniques des machines, et n’en est même peut-être qu’une annexe.


L’auteur est alors un faiseur et la machine l’assiste pour saisir ce que ses sens ne peuvent percevoir ou totalement cerner.

L’ordinateur sert de brouillon et sert à “composer” le texte. Par exemple, l’auteur crée une liste de personnages et de situations et demande à l’ordinateur de les combiner de façon progressive selon des affinités. L’auteur choisit donc de travailler sur une matière qui quantitativement le dépasse et que la machine lui permet de dominer. (Oulipo: atlas…, p300 par Fournel)

[ajout] goldsmith


Modèle poétique #

Dès le début des machines littéraires, générateurs de poèmes ou de lignes automatiques, le principe poétique est déplacé : ce n’est plus la production qui construit le fait littéraire mais bien le modèle dont la production résulte.

premier générateur de poème


lien à la matière

Un guide de 1943 à l’intention des cadres, intitulé « Vous allez engager des femmes » [You’re Going to Hire Women], affirmait : « Les femmes peuvent être formées pour faire n’importe quel travail, mais n’oubliez pas qu’une femme n’est pas un homme ; une femme est un subs- titut, comme du plastique à la place du métal. » (Bennes p. 27)


Exemple : INdex, Mundaneum, Klara von Neumann

Klara von Neumann, femme du mathématicien et physicien John von Neumann, collaboratrice ou cobaye

Jusqu’en 1945 environ, computer désignait un être humain, presque toujours une femme, qui effectuait des calculs manuels avec des calculatrices de bureau Marchant, Friden ou Monroe, et plus tard, avec des machines à cartes perforées IBM. Après cette date, le terme a été de plus en plus utilisé en référence aux machines, et les femmes que l’on appelait auparavant des computers sont devenues des « opératrices » [ope- rators]. À l’époque de cette transition, comme le note l’écrivain scientifique David Alan Grier3, les compu- ters étaient souvent appelés « les filles » [girls]. L’uni- versité de Pennsylvanie a embauché des « filles » en informatique ; le mathématicien Oswald Veblen, qui avait autrefois dirigé une équipe d’hommes informati- ciens, utilisait le terme « filles » ; George Stibitz, cher- cheur aux Bell Labs, a commencé à classer les projets de calcul en « années-filles » d’effort. Dans un article de 1944 intitulé « Carrières pour les filles », l’astro- nome L. J. Comrie déclarait que : « [les filles] peuvent devenir compétentes et rendre de bons services [en tant qu’ordinateurs scientifiques] au cours de l’année précédant leur entrée dans la vie conjugale et devenir des expertes des comptes de la maison ! » (Bennes p. 19)


voir les 6 de l’ENIAC, 6 femmes à l’origine du premier ordinateur polyvalent commandé par l’armée américaine à la fin des années 1940 pour accélérer les calculs relatifs aux armes. (ordinateur a été utilisé pour la conception des premières bombes atomiques)


En affirmant que « les premiers computers électro- niques étaient des usines d’information électronique, et que les computers féminins étaient leurs premiers ouvrier·ères », l’historien de l’informatique Nathan Ensmenger montre clairement que l’omniprésence des femmes dans les débuts de l’informatique était intentionnelle plutôt que fortuite. Au début de l’in- formatique, la conception du matériel [hardware] était considérée comme un travail d’hommes, tandis que l’exploitation des ordinateurs était considérée comme une forme moindre de travail, non qualifié, que même les femmes pouvaient faire. Ce point de vue a persisté jusque dans les années 1960, période à laquelle la pro- grammation a commencé à perçue comme un travail scientifique d’importance critique et où les scienti- fiques masculins ont entrepris d’écarter les program- meuses du domaine (Bennes p. 24)

25 Pourtant, pour faire leur travail, les opératrices de l’ENIAC devaient être familières avec son matériel. Elles devaient comprendre comment la machine fonc- tionnait pour pouvoir la faire fonctionner. Pour cette raison, elles avaient une relation très pratique avec l’ordinateur. Elles planifiaient les configurations, elles trouvaient comment faire tenir les séquences d’opé- rations mathématiques requises dans la minuscule mémoire inscriptible de l’ENIAC. Mais comme les opératrices n’écrivaient généralement pas d’articles, ne rédigeaient pas de manuels techniques et ne don- naient pas de conférences, elles n’avaient pas le même statut ni la même visibilité que les scientifiques et ingé- nieurs masculins associés à l’ENIAC. (p. 25)


Depuis plusieurs années (Bennes dit 5 ans mais c’est plus), on s’intéresse aux oubliées, et les petites mains popent un peu partout. (film hollywood sur les mathématiciennes afro-américaines de la NASA pendant la course à l’espace, aka Les figures de l’ombre 2016) ou autres

Mettre en lumière, rappeler, reconnaitre, valoriser,

Bennes identifie deux problèmes majeurs dans cette entreprise :

Ces femmes n’ont jamais été cachées. Elles étaient des collègues salariées, membres actifs de diverses équipes de projet, des employées de départements universitaires, parfois des femmes qui dirigeaient leur propre entreprise. Le fait qu’elles aient été négligées dans de nombreux récits historiques est, comme l’a dit l’historienne des technologies Mar Hicks, « un phénomène caractéristique plutôt qu’une erreur accidentelle » [a feature, not a bug], un signe du sexisme dans l’histoire comme dans l’informatique. La théoricienne de la culture visuelle Ariella Azou- lay a également souligné qu’un problème majeur des histoires alternatives est qu’elles proposent « certaines choses comme des “histoires cachées” à découvrir [qui ne sont pas] des choses ou des histoires cachées mais plutôt des secrets de polichinelle connus bien au-delà des archives et de la grammaire inventée pour main- tenir leurs utilisations de façon ordonnée » (Bennes p.15-16)

Le problème ici est celui de la figure c’est pourquoi je pense qu’il est préférable de changer la perspective

// jeu imitation Turing, premiere conjoncture

Problématiques #

on a moins besoin d’outils libres que de liberté

Espoir au début du numérique de pouvoir changer un rapport de force, remodifier depuis la base des rapports d’échanges // cyborg

loupé : internet et le web sont principalement américain et les GAFAM reproduisent un principe d’invisibles doigts qui tissent nos rapports au monde

Mais : penser déjà le savoir comme collaboration, tenter de comprendre moins qui pense ? mais comment cela pense ?

// changement perspective de Turing et Kittler

Le problème de la valorisation, de la reconnaissance est que l’on laisse dans une caste d’exception un ensemble d’individu qui au-delà d’être nées femmes, ont surtout eu un travail et ont fourni des résultats comme tout autre personne, et certaine de ces femmes ont contribué à une entreprise de destruction en fournissant des données pour expérimenter diverses bombes : il ne doit y avoir donc ni glorification ni reconnaissance mais une remodélisation


pendant la Seconde Guerre mondiale, des éléments tels que les tableaux de tir de missiles balis- tiques et les analyses de tirs expérimentaux de fusées devaient être calculés manuellement, principalement par des femmes calculatrices : des calculs qui néces- sitaient un grand nombre de personnes et prenaient un temps considérable.


Le problème est donc moins celui de reformer des mythes et des romans, que de questionner un modèle à la base.

sa libido sciendi – un désir de connaître comme outil de domination sur les femmes tel que l’a bien étudié Caroline de Mulder –

// réflexion de Crystal Bennes sur la possibilité d’une histoire féministe de l’informatique moderne

// Meme posture que Sadie Plant dans son texte Zero + Ones consacré à Ada Lovelace et a un valeur importante en cyberféminisme : il ne s’agit pas de produire une historiographie féministe en laissant la méthode inchangée, en se contentant de remplacer des figures masculines par des figures féminines ou en simplement ajoutant des figures féminines.

// Comme la réflexion de McPherson : la banque des données littéraires masculine : ajout n’est pas inclusion.

Cela demande de faire table rase

Bennes choisit d’attirer l’attention sur les structures qui ont empêché et qui empêchent encore une histoire féministe de l’informatique : c’est pour développer un rapport critique sur une recherche rapide de la rédemption : on ne règle pas une tradition épistémologique en une génération

// My mother was a computer

nous sommes nous mêmes des générations qui sont aux prises avec un patriarcat, notre féminisme n’existe pas dans un monde séparé, il est dans le même écosystème.


sur le sexisme technique

pour le cas du texte de Bennes : Pour traduire ce texte, nous avons eu recours à un outil de traduction automatisée, qui nous a le plus souvent proposé des mots masculins pour les rôles et métiers exercés par des femmes, témoignant ironiquement de la prégnance des stéréotypes de genre dont traite Crystal Bennes.


ouverture sur les failles entre les petites mains #

// choix de la perspective féministe

mais il y a aussi une histoire coloniale à considérer qui est d’autant plus vive aujourd’hui, et on ne peut pas complètement les comparer ni les distinguer tout à fait.


Casilli - « Il n’y a pas d’intelligence artificielle, il n’y a que le travail du clic de quelqu’un d’autre »

Casilli étudie le travail sur les plateformes (digital platform labor) depuis 2010, ayant participé à populariser en France des notions comme digital labor, travailleurs du clic, ou encore gig economy (économie des petits boulots). vise en particulier les activités “invisibles”, non rémunérées des producteurs de données - donc disons l’ensemble majorité de la société. et il s’intéresse aussi au micro-travail : « travail de préparation, vérification et, parfois, d’imitation des intelligences artificielles qui est à la base de l’essor actuel des algorithmes. »

L’articulation entre gig economy et digital labor se fait selon lui par un principe de capitalisme dans les plateformes numériques : défini comme suit « système économique basé sur la production de profit et qui cherche à limiter la masse salariale des entreprises à travers des structures particulières : les plateformes numériques. » Donc les plateformes sont à la fois marché et entreprise, donc hybrides. Le fonctionnement algorithmique de ces espaces mangent des données et les données nécessaires sont produites à la main par les utilisateurs même de ces plateformes, soit par un travail vivant. (exemple les tags sur les photos insta = aide l’algo du moteur de recherche à reconnaître les différents objets = entraînement de l’ia)

Casilli mentionne un exemple intéressant pour la question de la secrétaire :

Prenons l’exemple de Google et son système de synthèse vocale Duplex AI, une intelligence artificielle capable de prendre un rendez-vous à la place de l’utilisateur. Duplex pouvait, soi-disant, passer des appels à un coiffeur ou un dentiste en imitant la voix de l’utilisateur. Lorsque le PDG de Google l’a présenté en 2018, c’était éblouissant. Mais on s’est vite rendu compte qu’il y avait des humains derrière, qui se faisaient passer pour une IA qui, à son tour, imitait un être humain. Le système était présenté comme de la « supervision en temps réel » de l’IA (real time supervision). Google prétendait que ces humains qui se faisaient passer par une IA en assuraient en réalité un entraînement en temps réel.

Travailleurs du clic est une catégorie très large : des personnes en arrière des plateformes jusqu’aux utilisateurs de réseaux sociaux.

Les recherches qu’il fait dans le cadre du DiPLab (commencées en 2017) se concentrent sur les premiers microtravailleurs : dans des pays d’Afrique, et d’Amérique du Suf.

C’est une économie globale, mondialisée, qui reproduit une ensemble d’inégalités et de disparités sociales héritées de grandes dynamiques telles que le colonialisme et l’impérialisme des siècles passés.

Cette catégorie a pris la continuité des vendeurs de rue et des femmes de ménage (statut de subalternes dont la réalité de l’exploitation s’est accrue avec la crise sanitaire où le nombres d’inscrits par plateformes a parfois augmenté de 30%)

L’opacité du fonctionnement des algorithmes (dans la gestion des flux de travail notamment) demeure autant opaque pour l’utilisateur final que l’ouvrier et participe à invisibiliser des présences au travail.

[…] pour avoir plus de transparence, il faut comprendre comment le modèle mathématique de la plateforme fonctionne. C’est là que les luttes sociales résonnent avec les activités de recherche scientifique et deviennent complémentaires. […] Il faut analyser leurs composantes techniques [celles des algorithmes propriétaires] autant que les logiques socio-économiques qui les déterminent. Quelles sont les forces sociales en présence dans le service. Recherche et développement de Google ou dans un laboratoire de design ? Quelles sont les logiques professionnelles, les idéologies ou les démarches administratives qui pèsent sur des décisions scientifiques ? Par-delà ses paramètres, c’est aussi ça, un algorithme. Les travailleurs ne pourront pas avoir une vision d’ensemble de son fonctionnement tant qu’il n’y aura pas une vision claire de ses éléments constitutifs, sociaux et techniques. Certains choix de conception des plateformes sont introduits pour établir une asymétrie de pouvoir entre travailleurs et management.

En cause aussi, je rajoute, un modèle de production - idée et représentation qui place le travailleur dans l’ombre de la pensée.

[…] derrière tout automate se cachent une foule de tâcherons.

les ingénieurs qui produisent le systèmes techniques, les développeurs, les professionnels reconnus du secteur technologique sont aussi appelés les « sublimes ». pour signifier une élite, dotée d’un pouvoir de prescription culturelle mais également d’un véritable pouvoir politique.

En réalité, il y a un même destin entre les différentes couches que cristalise l’objet produit.

Tant que ces deux groupes [travailleurs des plateformes et sublimes] se considéreront comme situés des deux côtés de la barricade – du côté des travailleurs du numérique et des consommateurs, ou du côté du profit et du management –, tant que ce clivage persistera, nous serons face à un problème de structuration de nos luttes.

C’est pour cela qu’il est aujourd’hui encore impossible de créer un front commun, une conscience de classe, même partielle, autour du travail des plateformes. Le clivage entre sublimes du code et tâcherons du clic commence avec la dénégation de l’existence même de ces derniers. Je me rappelle d’échanges ahurissants avec des ingénieurs il y a quelques années : lorsque je soulignais l’importance d’étudier les microtravailleurs, ils parlaient de « petits indiens » sans importance qui « passaient derrière les ingénieurs », comme une voiture-balai, une fois leur travail terminé. C’est un discours très chargé, teinté d’un mépris de classe indéniable.

cette expérience de Casilli montre qu’il y a quelque d’intrinsèque à un modèle de production et d’ailleurs il semble parvenir à la même conclusion :

Le problème de compréhension entre ces deux catégories de travailleurs du numérique est, à mon sens, entretenu par un élément exogène, à savoir le métarécit de l’automatisation complète. En philosophie, un métarécit est un cadre théorique qui explique des événements historiques par le biais d’un idéal transcendant avec pour objectif de légitimer un ordre politique. Or, celui de l’automatisation complète est le dernier de ces grands métarécits.

// rappel des accélérationnistes de gauche qui appellent « la machine qui va faire le boulot à la place des travailleurs » pour se débarasser d’un esclavage salarité

derrière l’opposition humain et non-humain et machine, il y a la peur d’un grand remplacement de l’humain par les machines, qui est un écho fort de l’univers de l’extrême droite identitaire, et une notion héritée de d’une idéologie faschiste.


« La machine à écrire n’est en réalité rien d’autre qu’une presse à imprimer en miniature » (Streichter p. 7 1919) Elle contribue à la meilleure visualisation possible des textes par la double spatialisation de l’écriture – sur le clavier d’abord, puis sur le papier blanc. Et dès que, selon la prophétie de Benjamin, des « systèmes avec des polices d’écritures variables » (par exemple la machine à écrire à boule ou l’imprimante thermique) seront disponibles, « l’exactitude des formations typographiques entrera directement dans la conception » des « livres ». « L’écriture pénètre toujours plus profondément dans la zone graphique de son imagéité nouvelle et excentrique. » (Benjamin sens unique, p. 98 et 95 traduction modifiée gft)

l’interface permet de définir comment l’humain va interagir avec la machine, un peu comme la mise en place du jeu de l’imitation : c’est à la fois une réalité physique (avec des inputs et outputs comme le clavier, la souris, etc.) et une réalité métaphorique utilisée pour conceptualiser l’organisation des données de l’ordinateur (Manovich in Chung, Fisher 2016)

avec l’arrivée d’internet, ordinateur plus seulement un outil mais une « universal media machine, which could be used not only to author, but also to store, distribute, and access all media » (Manovich 2016, p. 37)

les données culturelles sont désormais en jeu

le changement qui a lieu pour manovich est également impactant pour l’interface : il ne s’agit plus seulement de définir l’interface d’une machine mais l’interface d’une culture numérique et en fait culture actuelle.

Si en 1979, Genette proposera le terme d’« architexte » comme modèle intellectuel permettant de comprendre les conditions d’écriture, ou l’« ensemble des catégories générales… dont relève chaque texte singulier », ce modèle demeure une conception théorique, où d’ailleurs les conditions d’écriture ne sont pas considérées au rang de conditions d’existence. L’architexte a aujourd’hui évolué pour désigner dans la machine numérique comme le modèle « qui vient s’incarner dans le logiciel », des « formes écrites actives avec lesquelles on va écrire » [Jeanneret, Souchier].

Les médias informatisés sont des machines à suggérer. Ils suggèrent, dans un double sens : selon l’étymologie, cette écriture plastique mais régie par les architextes gère par en-dessous la propagation des formes à travers lesquelles les divers pratiques historiques des sociétés peuvent être saisies par l’archive, qui les collecte, les transforme, les légitime, les publicise, les refoule ; selon le sens courant du terme, la création constante de nouvelles formes écrites suggère des possibilités d’expression et de pratique, elle rend possible des interprétations, des appropriations, des reprises. (Tardy, Jeanneret, p. 214)

Davantage que des machines à suggérer comme l’énoncent Tardy et Jeanneret, les médias littéraires (informatisés ou non) sont des déterminations de l’écriture et c’est en ce sens que la question du média fera l’objet d’une réflexion dans la deuxième section du chapitre. La pensée de l’architexte numérique est cependant intéressante à cet étape de notre étude en ce qu’elle se fonde sur le principe de plastigramme plutôt que sur celui de stéréotype. Si le stéréotype (stéréos : compact, tupos : empreinte) est une association d’élément qui va reproduire de la même manière une inscription, le plastigramme (plassô : façonner, gramma : écriture) reproduit par la transformation : parce qu’il impose un modèle différent de l’écriture, il ne produit un régime différent de l’écriture.

ordinateur

De fait, contrairement à ce qu’on pense, l’ordinateur comme machine physique ne manipule pas du numérique, mais bien des configurations électriques[4]. [ De fait, ces chiffres 0 et 1 se retrouvent presque uniquement dans le langage dit « machine » lesquels seront par compilation reliés a des configurations électriques spécifiques. Ce sont ces dernières que l’ordinateur comme machine physique manipulera. Les langages de programmation de haut niveau ne contiennent que rarement ces symboles. (Meunier 2014)

Cette appellation de « numérique » pour parler d’un système manipulant des symboles est cependant problématique. En effet, ces deux symboles ne désignent pas nécessairement des nombres c’est-à-dire des entités dans l’univers numérique comme cela est habituellement le cas en mathématique. Ils désignent, dans un langage de programmation machine que des configurations électriques. Or ce que manipulera concrètement un ordinateur ne seront pas ces symboles eux-mêmes, mais les configurations électriques elles-mêmes que ces deux symboles, 0 et 1, encodent.

Par ailleurs le choix du terme numérique n’est pas sans conséquence théorique. En effet, il laisse supposer que ces symboles eux-mêmes, 0 et 1, garantissent que les fonctions qui les manipuleront possèdent la propriété d’être computable. Une telle supposition, comme nous le verrons, va à l’encontre du concept même de computation. Ce n’est pas parce qu’un intrant est représenté par des symboles par 0 et 1 que le traitement fonctionnel qui pourrait lui être appliqué serait computationnel. Une telle remarque nous mène directement à notre deuxième question : quelle est la nature de la computationnalité ?


pour machine :

(marcelle crihn)

le sens est dans l’interprétation

problème physique avec la machine de la sphère :

la machine à écrire est depuis ma dernière carte inutisilisable ; le climat est en effet maussade et nuageux, et donc humide : le ruban coloré est systématiquement humide et collant, de telle sorte que les touches restent bloquées et l’écriture ne peut plus se voir du tout. Vraiment ! (lettre du 27 mars 1882 à Elisabeth Nietzsche, III-1, . 188)

La machine écrit pourtant, et l’écriture qui n’est « rien d’autre que la matérialité de son médium » (GFT 343)

lien entre la perforation de la peau par le vampire et l’écrit qui fonctionne par perforation

à l,image du modèle de Peter Mitterhofer, machine de en bois de 1866

Quatrième cas. Henry James, écrivain et frère du grand bienfaiteur de Münsterberg, adapta en 1907 « sur Remington » son style romanesque célèbre mais attaché au papier. Il engagea Theodora Bosanquet, fille du philosophe, qui avait auparavant travaillé dans les bureaux de Whitehall à un Rapport de la Commission royale sur l’érosion côtière et avait appris à taper à la machine à la demande de James. Après un entretien d’embauche, où il se révéla être « un Napoléon attentionné », la production de romans put débuter. La Remington accompagnée de son opératrice « déménagea dans sa chambre à coucher » et « produisit tous les textes de James – bien plus efficacement et avec moins d’interruptions que ne pouvait le faire l’écriture manuscrite ». Rapidement, un arc réflexe se forma : les phrases ne venaient plus à l’esprit de l’écrivain qu’au cliquetis de la machine. « Pendant quatorze jours, pendant lesquels la Remington fut en réparation, il dicta à une machine Oliver avec une gêne évidente, et trouva que parler à quelque chose qui ne produisait aucun bruit de réponse était une gêne presque rédhibitoire. » (Bosanquet, Henry James at Work. p. 245,248) gft p. 356

[apparté : Pas sure que le néologisme soit nécessaire –> « l’équivalent numérique de l’interprète, au sens musical ou théâtral du terme. L’interprète est précisément celui qui lit (lecteur) le texte ou la partition, et qui la joue (acteur) » (Rageul 2009, 68). C’est l’interaction qui produit le sens, une interaction dont le « lectateur » prend conscience par la main, et donc par le corps, une lecture tout aussi intime que le feuilletage d’un imprimé, qui là encore ne se fait plus seulement au rythme du regard, mais aussi à celui du toucher. ]

La différenciation technique de l’optique, de l’acoustique et de l’écriture, qui autour de 1880 fait exploser le monopole de stockage de l’écriture imprimée, rend celui que l’on appelle « être humain » fabricable. Son essence déborde sur des appareils. Les machines s’emparent des fonctions du systèmes nerveux central et non plus seulement des fonctions musculaires comme c’était le cas des machines précédentes. C’est seulement avec cette différenciation – et non pas dès la machine à vapeur ou le chemin de fer – que s’instaure une séparation claire entre la matière et l’information, entre le réel et le symbolique. (Alloa, p. 57)

0—-

Kittler interprète ainsi le test de turing :

la machine à écrire de Turing est primitive selon Kittler :

Tout ce sur quoi elle s’appuie est une bande qui constitue en même temps son programme et ses données, son input et son output. Turing a réduit l’habituelle feuille de machine à écrire à cette étroite bande. Mais les économies vont encore plus loin : sa machine n’a pas besoin des nombreux et redondants lettres, chiffres et signes du clavier d’une machine à écrire ; elle n’utilise qu’un signe et son absence, 1 et 0. La machine peut lire cette information binaire ou plus précisément (selon le vocabulaire technique de Turing) la scanner. Elle peut alors faire avancer le ruban une case vers la droite ou vers la gauche, ou pas du tout. Elle travaille en conséquence de façon aussi saccadée (c’est-à-dire discrète) que les machines à écrire, qui contrairement à l’écriture manuscrite disposent non seulement de caractères d’imprimerie mais aussi de touches de retour arrière et d’espace. […] Le modèle mathématique de 1936 n’est cependant plus une hermaphrodite entre la machine et l’outil. Comme système de feed-back il dépasse toutes les Remington. Le signe lu sur la bande, ou son absence, déterminent en effet l’étape suivante, qui est une écriture : selon ce qui est lu, la machine conserve le signe ou l’efface, ou à l’inverse laisse une case vide, ou y inscrit le signe, etc. C’est tout. Mais aucun ordinateur construit depuis ou qui pourrait l’être ne peut faire plus.

Si le régime de l’écriture est transposé dans le roulement de la discrétisation, l’écriture à l’écran n’est pas le résultat d’un encodage mais d’un désencodage : la machine s’inverse, en ce que la présence des signes reconnaissables résulte de bits interprété par la machine. Le numérique conçu comme structure logique d’information, comme ensembles d’objets culturels, n’est en somme que ça, que de l’écriture prise dans un système où elle s’interprète et se calcule sur elle-même.

Si toutes les technologies (photographie, cinéma, livre), parce qu’elles sont des architectures de l’information spécifiques à des configurations matérielles propres, affectent l’environnement culturel humain : jusqu’au cas du miméographe, qui semble pourtant anecdotique dans l’histoire des machines de publication, mais qui a été à l’origine d’un phénomène culture à part entière.

            encre au stencil
            polycopie pochoir
            décalque stéariné
            tirage limité à 200

Objet représentatif d’une révolution industrielle qui amena le développement des lieux d’enseignement et une nouvelle impulsion dans l’économie des instances d’édition (développement de maisons d’édition non-parisiennes et spécialisation disciplinaire de maisons d’édition), le Duplicateur à pochoir d’Edison (1894), appelé aussi miméo ou miméographe, est l’implémentation du principe de presse portative : sa commercialisation au début des années 1900 est à l’origine de l’émergence de plusieurs éditions alternatives, marginales et parfois dissidentes en Amérique du Nord (les communautés « miméo » et le mouvement des fanzines) mais aussi en Europe et en URSS (où elles seront également interdites par le pouvoir en place).


La définition du labyrinthe pourrait, au vu des exercices proposés désormais dans les enseignements de création littéraire, concerner la littérature en général : popularisée et ayant déjà une tradition (dans la fable, le théâtre, ou les règles des genres littéraires qui sont déjà des formes de contraintes de rédaction visant tant à éveiller la créativité qu’à lui offrir un cadre officiel ( Citation: , (). La contrainte et la règle. Poétique, 140(4). 455–465. https://doi.org/10.3917/poeti.140.0455 ) ), le principe de contrainte est un ressort et un imaginaire de l’écriture qui traduit la question posée en amont.


le tambour magnétique capable de stocker plus de 16 000 mots de 32 bits, représentant environ 16 000 nombres à dix chiffres, ce qui permettait l’exécution de calculs complexes, d’analyses statistiques détaillées ou de tâches de gestion administrative étendues.


En 1975, Braffort propose à Queneau une version des CMMP où le hasard de la machine (ou celui qu’on y projette) vaut comme méthode de création à la différence où le principe combinatoire n’est plus du fait de la lecture mais aux mains de la machine. Dans le processus, la machine fait figure de compilateur antique. Loin de poser la question de savoir si une machine peut être un bon compilateur ou est simplement un scribe débile (une démonstration de supériorité entre humain et non-humain), il s’agit de penser le principe de compilation qui se fait selon un même phénomène d’arbitraire : que ce soit par goût, culture, croyances ou caprices, l’aléatoire est toujours partie prenante d’une méthode (même si cette dernière a été établie selon des critères thématiques, stylistiques ou syntaxiques).


Paul Fournel neutralise ce chevauchement lorsqu’il limite le hasard à un instrument de sondage, un outil pour assister l’auteur ou la lectrice dans leur édition et leur parcours du texte.

L’ordinateur, lui, opère une sélection dans le corpus à partir de la longueur du nom du « lecteur » et du temps qu’il met à le dactylographier sur le terminal puis édite le sonnet qui porte la double signature de Queneau et de son lecteur (Fournel 1981, 299).


[L]es êtres humains ne sont peut-être que des machines à penser, à écrire et à parler (Nietzsche)

Dès ses premiers mots, CMMP semble nous annoncer que nous, humains, ne pourrons pas apprécier le texte machinique à sa juste valeur, soit comme une machine pourra l’apprécier. Au gré de la distinction humain et non-humain, c’est le principe de concordance qui s’expose ici selon lequel l’appréciation ne peut transgresser les natures. Distinction forte entre humain et non-humain qui fonde une destinée tragique, d’autant plus terrible qu’aujourd’hui, depuis les industrialisations et numérisations de l’écrit, ce sont physiquement des machines qui écrivent sur/sous nos doigts. Cela nous condamne donc à ne jamais tout à fait comprendre, prendre en nous, et juger à une juste valeur le travail de ces rouages divers qui s’évertuent dans l’ombres sous notre commandement inconscient, au travers de requêtes dont nous prenons la complexité pour du heureux hasard.

[Ê]tre remplacés par des machines, c’est-à-dire d’être implémentés dans le réel. ( Citation: , , p. 311 (). Gramophone, film, typewriter. les Presses du réel. )

Si cette idée peut désespérer sur notre condition humaine et toute possibilité d’humanisme de par son ton quelque peu apocalyptique, elle demeure vraie et fausse en même temps : fausse parce que la distinction humain/non-humain qui se love en creux n’est en fait pas véritablement fondée et à prendre comme une certaine ironie du sort d’une théorie adressée par l’auteur. En effet, si l’humain considère la machine dans cet angle binaire du non-humain/humain, pour se définir par principe de supériorité ou par complexe de propriété, elle ne pourra jamais apprécier les productions écrites de la machine et ce, même s’il s’agit d’une forme aussi noble que le sonnet. Vraie parce qu’il faut y percevoir une invitation à aller au-delà du texte classique, la valeur de l’écriture par la machine ne se situe pas dans le dosage de sa production, on sait et le nombre infinie de CMMP est là pour nous le rappeler, qu’une machine peut produire, plus et plus vite qu’une petite main, non, la valeur de cette littérature-machine est à voir et chercher ailleurs : justement dans le modèle dont l’incarnation est le témoignage qu’humain et non-humain ne sont pas distinguable. C’est un livre machine qui conte sans l’auteur et l’auteur lui-même ne nous parle pas sinon au travers de cette interface papier-machine. Dans cette perspective, contrairement à ce qui est retenu à son égard, CMMP est peut-être le livre le plus lisible à exister, non en termes de potentialités poétiques, mais en termes de fonctionnement dans la mesure où le livre affiche sans pudeur, sans complexité technique, son principe machinique.

En 1882 se substituèrent aux êtres humains, à leurs pensées et à la figure de l’auteur, deux sexes, le texte et un outil d’écriture aveugle. ( Citation: , , p. 334 (). Gramophone, film, typewriter. les Presses du réel. )

Partenaire, l’homme devient, en reprenant une image d’Asimov, l’organe reproducteur de la machine, comme l’abeille du monde végétal, lui permettant de se féconder et de prendre sans cesse de nouvelles formes ( Citation: , , p. 67 (). Understanding Media: The Extensions of Man. McGraw-Hill. ) .

L’imaginaire de la reproduction, dont les changements de modalités comme de position sont autant d’alertes chez les trois auteurs, n’est certes pas anodine tant elle témoigne d’une crainte bien plus profonde : perdre la mesure de son jaillissement scripturaire, c’est perdre une place dominante dans la chaîne, c’est perdre la face du père d’origine au profit d’une nouvelle entité, plus féminine, qu’est la matrice.

La désintermédiation entre humain et non-humain, présente dans la perte de la main-mise du faire (Heidegger, Flusser) autant que dans la main-basse de la secrétaire sur l’espace de production de la création littéraire, a en réalité toujours été : jusque dans la première configuration du jeu de l’imitation puisque l’interrogation est affaire de médiation technique.

In order that tones of voice may not help the interrogator the answers should be written, or better still, typewritten. The ideal arrangement is to have a teleprinter communicating between the two rooms. Alternatively the question and answers can be repeated by an intermediary. ( Citation: , (). Computing Machinery and Intelligence. Mind, LIX(236). 433–460. https://doi.org/10.1093/mind/LIX.236.433 )

L’éternel intermédiaire discret fait du principe de nature humaine une simulation par la machine. Il n’a au fond jamais été question de déterminer un marqueur de différenciation des natures mais de révéler l’illusion propre à tous humain (puisque l’interrogateur peut être « of either sex ») de se dire capable de faire la distinction et sa destiné à pouvoir être trompé éternellement (la question « Can machines think? » se transforme ainsi en « Will the interrogator decide wrongly as often when the game is played like this as he does when the game is played between a man and a woman? »).

n her comprehensive survey of the status of the body in the Western philosophic tradition, Elizabeth Grosz has shown that there is a persistent tendency to assign to women the burden of corporeality, leaving men free to imagine themselves as disembodied minds—an observation that has been familiar to feminists at least since Simone de Beauvoir. 13 Even philosophers as sympathetic to embodiment as Maurice Merleau-Ponty and Mark Johnson are often blind to issues of gender, implicitly assuming the male body as the norm. The contrast between woman as embodied female and man as transcendent mind is everywhere at work in the comparison between Mary’s care for the female monster and Victor’s astonishing failure to anticipate any of the male creature’s corporeal needs, including the fact that making him seven feet tall might make it difficult for the monster to fit into human so- ciety. Whereas the disembodied text of the eighteenth century work went along with a parallel and reinforcing notion of the author as a disembodied face, in Jackson’s text the emphasis on body and corporeality goes along with an embodied author and equally material text. “The banished body is not female, necessarily, but it is feminine,” Jackson remarks. “That is, it is amor- phous, indirect, impure, diffuse, multiple, evasive. So is what we learned to call bad writing. Good writing is direct, effective, clean as a bleached bone. Flickering Connectivities in Shelley Jackson’s Patchwork Girl Bad writing is all flesh, and dirty flesh at that. . . . Hypertext is everything that for centuries has been damned by its association with the feminine” (“Stitch Bitch,” 534). (Mother, p. 155-56)

This muttering becomes discernible in Shelley Jackson’s playful linking of her name with Mary Shelley’s. The title screen of Jackson’s work performs this distributed authorship, for it says Patchwork Girl is “by Mary/Shelley & herself,” a designation that names Mary Shelley, Shelley Jackson, and the monster all as authors. (p. 157) [In a perhaps intentional irony, the Eastgate title screen inscribes Jackson’s name as the “authorized” signature, along with the usual warnings about copyright infringement, even though the entire thrust of Jackson’s text pushes against this view of a sole author who produces an original work.]

Among Patchwork Girl’s many subversions is its attack on the “originality” of the work. “In collage, writing is stripped of the pretense of originality,” Jackson writes. “One can be surprised by what one has to say in the forced intercourse between texts or the recombinant potential in one text, by other words that mutter inside the proper names” (“Stitch Bitch,” 537).

Le mur est donc bien plus poreux qu’on voudrait le croire, entamé par des principes de collaboration mais aussi des imaginaires littéraires comme cités précédemment qui, au-delà de déclarer une puissance de l’homme à s’augmenter lui-même ou a créer la femme, jouent à gratter la frontière entre humain et non-humain. comme une humanité ouverte :

Pour que l’humain soit humain, il doit être en relation avec ce qui est non-humain, avec ce qui certes est hors de lui, mais dans son prolongement, en vertu de son implication dans la vie. Cette relation avec ce qu’il n’est pas constitue l’être humain en tant qu’être vivant, de sorte que l’humain excède sa frontière dans l’effort même qui vise à l’établir. [@butler_defaire_2006, p. 25]

Explicitant les implications médiatiques de ses performances dans le cadre du projet #GraphPoem4, Tanasescu revient justement sur la distinction humain/non-humain pour proposer de la considérer « not so much as an enumeration but as a non-identifying co-incidence » (2022), une conjonture se référant au fait d’opérer comme l’un ou l’autre. Fait du discours ou de la prise en main, la distinction humain/non-humain est une imbrication qui est en réalité toujours déjà présente dans les écritures et cette perception permet d’observer les textes comme des environnements humain-machine (Candlin and Guins). Les créations qui livrent et scrutent d’un même regard leur fabrique chevauchant humain et non-humain fonctionnent comme des « evocative object » par les « things to think with » qu’ils libèrent (Sherry Turkle qtd. in Muller and Seck Langill).


La machine s’écrivant est une ruse d’images et de réalités techniques liées qui, à l’image d’Ulysse, s’adapte, soit imite le discours de l’hôte pour le mener là où il ne désirait pas aller, là où il n’est plus chez lui, hors de son humanité et en révéler l’illusion. L’écriture, si elle ne peut être le gage et le privilège d’une intelligence unique, est également une invention, ingénieuse parmi bien d’autres, qui aura permis de saisir un rapport de l’humain à ses propres miroirs que ce soit sous un aspect positif (moyen, expédient) ou négatif (ruse, artifice, machination).



Partie Matière #

Recette du Palimpseste : Medieval recipes describe how writing could be washed off in practice. According to an eleventh-century recipe from Tegernsee the parchment should be lixiviated in milk, after which it has to be sprinkled with flour and dried; in order to give it back its original glaze, the parchment must finally be polished with the aid of pumice and chalk4. Other recipes prescribe the use of a mixture of different products: unslaked lime, vitriol, and alum5; cheese, milk, unslaked lime, and juice of nettles6; lime, flour, water, and egg-shells; wine lees, vine ashes and water7. The ultimate results will have varied greatly, but in some of these recipes, the treatment to which the membranes have to be subjected, is so intrusive and so vigorous (in one recipe, for instance, the process is finalized by a second scraping) that it may be doubted whether any traces of ink s*urvived8.


La civilisation créée par les Grecs et les Romains fut la première de toutes les civilisations à petre fondée sur l’activité du lecteur ordinaire ; la première à être équipée des moyens d’une expression adéquate dans la parole inscrite ; la première à être capable de procurer une diffusion générale de la parole inscrite ; la première, en somme, à devenir lettrée dans le sens complet du terme et à nous transmettre sa littératie. (1982, p. 40)

L’adjectif lettré a été préféré comme le note l’éditeur de l’ouvrage au terme alphabétisé qui été utilisé jusqu’en 2000 du fait que la littératie, comme culture de l’écrit, est un concept qui s’applique à toutes les sociétés disposant d’une écriture.

sur les critiques de Goody, avec ce qui a été appelé « hypothèse littératienne » et son chauvinisme culturel, en insistant sur le caractère unique de l’alphabet, alors que l’auteure italienne a montré les 4-6 foyers d’apparition de l’écriture et cette même sublimation de l’alphabet se retrouve autant chez McLuhan que c’est Havelock

Pour olsen, les arguments cognitifs de la thèse littératienne de Goody et Watt (1968) doivent être compris comme métalinguistiques : « c’est-à-dire qu’ils pensent que les mots, en tant qu’entités conceptuelles distinctes pouvant être inventoriées et analysées, doivent leur existence à l’écriture » (p. 32)

Ce qu’il faut retenir de l’hypothèse littératienne et du Goody utilisable pour notre perspective, est comme le dit olsen (p. 37):

L’hypothèse littératienne consiste donc à poser qu’un système ou une tradition d’écriture n’est pas une pratique neutre.

comment un texte advient physiquement


Labour is the living fire that shapes the pattern; it is the transitoriness of thnigs, their temporality, their transformation by living time. (Carl Andre citant Marx Grundisse, “March/April Issue” [correspondence] Studion international, vol. 191, no 981 (May-June 1976) 311)

The category material has also been defined as natural or subaltern. Therefore, to act with the material and to be complicit means to investigate societal power relations. (Lange p. 14-15)


L’ordre des effets a remplacé l’ordre de la sémantique (à l’entrée du département de Bochum, où il enseigna entre 1987 et 1993, Kittler avait fait apposer l’écriteau « Zone affranchie de toute sémantique »). (Alloa p. 10)


mais en fait c’est pas vrai : il y a une catégorie et tout le reste

idée d’une unité contre une mutiplicité

c’est ce que tu dis c’est qu’il y a d’abord une frontière

Le fait numérique joue sans doute un rôle fondamental dans cette idée d’écriture non humaine. Il offre de multiples exemples de signes, traces et inscriptions techniques qui s’imposent comme du sens, mais qui échappent au contrôle des mécanismes de signification strictement humains. Ces écritures comportent à la fois la caractéristique de se présenter comme inscriptions de signes qui peuvent être considérés finalement comme une série de caractères ou plus précisément de lettres – simplement le résultat d’un encodage de lettres en bit : 1 lettre=8 bit, à savoir 1 byte – et la caractéristique d’être impossibles à écrire et à lire par des êtres humains. Un fichier binaire, un algorithme, une base de données sont ultimement des séries de caractères qu’un être humain peut visualiser sur un écran – ou imprimer sur une feuille de papier –, mais dont l’écriture et la lecture sont réservées aux machines.

l’écriture numérique n’est pas l’avènement de l’écriture inhumaine : « l’écriture est toujours inhumaine » (marcel écrit)

ce qui veut dire que l’assertion de Kittler n’implique pas un principe d’exclusivité : l’écriture n’est plus aux mains de l’humain mais elle a toujours été éternellement en dehors également.

L’écriture, au-delà de l’idéale abstraction que l’on a voulu en faire, est bel et bien périssable. Proust lui-même ne résistera pas à la roue du temps.

Le bien, pour un livre, c’est d’être lu. Un livre est fait de signes qui parlent d’autres signes, lesquels à leur tour parlent des choses. Sans un oeil qui le lit, un livre est porteur de signes qui ne produisent pas de concepts, et donc il est muet. (nom de la rose)


sur trace :

Anne-Marie Christin (1999) propose deux interprétations possibles de l’écriture : l’écriture comme trace ou l’écriture comme signe. La première – qu’elle associe aux noms de James Février, Ignace Jay Gelb, Leroi-Gourhan, Derrida, Carlo Ginzburg et qu’elle critique fortement – serait inspirée de la chasse (les traces laissées par les animaux) : la trace « est l’indice immanent, et d’autant plus nostalgique, d’une référence qui lui serait essentielle, mais dont elle ne pourrait que porter le deuil ». Il est évident que la notion de trace permet d’éloigner l’écriture de l’humain10 (dans son évaluation de ce texte, Liénard remarque que la notion de trace « est traitée efficacement, mais nous en discuterions peut-être plus précisément quelques éléments (comme la question de l’intentionnalité / non-intentionnalité) à partir des réflexions de Leleu-Merviel, Winkin ou encore Jeanneret et Galinon-Mélénec (dans l’Homme-trace, 2011, 2013, 2015 et 2017) qui peuvent permettre de consolider la perspective. » Galinon-Melenec (Galinon-Mélénec et Jeanneret 2011) montre notamment que la non-intentionalité de la trace n’est pas systématique et elle analyse des exemples où, au contraire, son intentionalité est manifeste – la trace des pas de l’homme sur la lune (Galinon-Mélénec et Jeanneret 2011, 16, cf. annotation)._). Comme l’affirment très bien Victor Petit et Serge Bouchardon :

    11 Petit et Bouchardon (2017). Cf annotation. Petit et Bouchardon proposent une distinction entre deux (...)

Le concept de trace, tout comme les multiples significations du mot chinois pour « écriture » (wen), témoigne d’une signification non humaine de l’écriture.11

12Il y a deux caractéristiques de la trace qui en font un concept intéressant pour appréhender l’écriture : en premier lieu, le fait qu’une trace n’est pas nécessairement produite par un être humain et en second lieu le fait qu’elle n’est jamais intentionnelle. Tout peut laisser des traces : un être humain, bien sûr, mais aussi un animal, une plante, ou encore un objet inanimé. Le sanglier laisse une trace qui peut être suivie par le chasseur, mais aussi une pierre, en tombant, peut laisser une trace. La trace finalement est la trace d’une action, ou d’un évènement. La trace, en second lieu, n’est pas volontaire, au contraire, elle est souvent quelque chose que l’on veut masquer. Louise Merzeau, en réfléchissant sur les traces numériques, souligne ce caractère inintentionnel :

    12 (Merzeau 2009). Cf. annotation

En milieu numérique, la trace est en deçà de tout cadrage méta-communicationnel. Nos actes produisent de l’information avant même qu’un message-cadre ne vienne les « intentionnaliser ».12

13La critique de Christin à cette notion se fonde justement sur la dissociation entre la trace et ce dont elle est la trace. La non-intentionalité de la trace finit par devenir une rupture nette. La trace n’est donc pas seulement la trace de personne, mais en plus elle ne renvoie à rien : ce qui la caractérise, « outre l’absence de son locuteur, [c’est] l’absence de ce qu’elle désigne » (1999, 32).

14On pourrait penser que l’écriture en tant que signe revendique avec force, en opposition à la trace, sa dimension humaine et intentionnelle. Mais ce n’est pas le cas dans la réflexion de Christin : le signe est quelque chose qui s’inscrit dans un ensemble de relations. En ce sens, et de façon presque contre-intuitive, la trace est dans un régime représentationnel, car elle parle de ce qui n’est plus là, tandis que le signe « est un événement inaugural, il participe d’une révélation » (1999, 32).

13 Lors d’une conférence disponible en ligne, le signataire de ce texte parlait de l’écriture selon Ch (...)

15Si la trace n’est pas nécessairement produite par un être humain, le signe n’est jamais produit par un être humain. Il est là, inscrit, il se laisse observer. Les signes sont les étoiles qui s’inscrivent sur le support ciel et qui s’imposent à l’observation. Ce sont les entrailles des animaux13 qui aussi imposent leur organisation, l’ensemble des relations entre plusieurs organes, tissus.

16Cette notion d’écriture comme signe est caractérisée par deux aspects fondamentaux : l’aspect matériel et l’aspect relationnel. L’écriture est toujours une inscription, donc matérielle. Et cette inscription est toujours en relation avec quelque chose d’autre.

une stigmergie entre les deux au sens de « dépendance étonnante qui lie la toile à l’araignée, où la structuration même de cette toile guide la façon dont elle se fera bâtir » (Dyens 2012, 13).

La French Theory pour Kittler n’a pas été à la hauteur de sa propre radicalité : elle a fait de l’écriture un concept encore trop métaphorique et donc métaphysique.

comment occuper les lieux de l’art en tant qu’écrivain ? Qu’est-ce que réaliser des performances d’écrivain et non de comédien ? Comment y produire des effets de littérature ? Qu’est-ce qui caractérise l’enquête littéraire, comment la parole des acteurs sociaux y est-elle recueillie puis transcrite, selon quel degré d’implication de l’auteur dans son objet, qu’est-ce que la littérature saisit en plus ou en moins de la réalité, qu’échoue-t-elle aussi à montrer ? ( Citation: , (). Une littérature contextuelle. Litterature, 160(4). 61–73. Retrieved from https://www.cairn.info/revue-litterature-2010-4-page-61.htm )

L’écriture est une inscription matérielle17. Elle est quelque chose qui se trouve materiellement quelque part. En ce sens, en effet, une lettre est de l’écriture au moment où cette lettre est inscrite. Le quelque part – le support – émerge, lui aussi, au moment de l’inscription. La feuille de papier est un support dans la mesure où il y a des lettres qui y sont inscrites. Le support n’est qu’un après-coup de l’écriture, car il n’y a pas de support vide – un support vide n’est tout simplement pas un support – et que, d’autre part, tout peut s’affirmer comme support dès qu’il y a quelque chose d’inscrit. Le ciel est un support dès que l’étoile s’y inscrit, l’intérieur d’un animal est un support dès que des entrailles s’y inscrivent, un disque magnétique est un support dès que des signaux électriques s’y inscrivent. (marcel écrit)

Erika Fülöp (2018) le souligne à propos du choix de Bon d’investir la plateforme Youtube pour « écrire » son vidéo journal. Si écrire en vidéo signifie – comme le dit Bon – « écrire plus fort »34 c’est aussi et surtout pour le réseau créé par la plateforme : « La logique de la plateforme de publication affecte donc le produit tout autant que l’outil de l’enregistrement et l’environnement numérique en général. »

sur humain - non -huamin

Regarder l’écriture en tant qu’artefact comporte sans doute des intérêts et avantages, ne serait-ce que sur un plan anthropologique ou sociologique. Mais cette écriture-artefact relève d’une interprétation du monde fondée sur un anthropocentrisme constitutif accompagné d’une série d’a priori métaphysiques : l’idée de sujet, l’idée du « je pense », l’idée de l’opposition entre symbolique et non symbolique ; ces idées permettent ensuite d’hypostasier la figure de l’être humain scripteur, producteur des signes qui font une écriture organisée en textes. (marcel écrit)

60Il n’y a pas un énonciateur et donc il n’est pas possible d’identifier plusieurs niveaux d’énonciation. L’écriture est originaire par rapport à l’énonciateur, ce qui signifie que les énonciateurs – et leur situation particulière – ne sont que des après-coups de l’écriture. L’éditorialisation essaie de prendre en compte les dynamiques scripturales desquelles il peut ensuite émerger des énonciateurs. Selon la théorie de l’énonciation éditoriale, il y aurait un auteur, un éditeur et d’autres instances qui contribueraient à la production du texte et à l’émergence de son sens. Selon la théorie de l’éditorialisation il y a des dynamiques scripturales qui font émerger des organisations spatiales desquelles émergent ensuite des éléments qu’on peut hypostasier en auteur, éditeur, support, architexte etc.

61Qui est par exemple l’énonciateur de ce texte ? Il n’y a pas de fonction d’énonciation unitaire et on ne peut pas non plus en différencier plusieurs (énonciation auctoriale, éditoriale, etc.). Le nom de l’auteur est une hypostase. Les noms cités sont d’autres hypostases. L’énonciateur est un ensemble hétérogène de dispositifs techniques – annotations, textes, liens, algorithmes de recherche, outils d’écriture, outils bibliographiques – qui font peut-être émerger des noms comme des après-coups. Le nom de l’auteur, des annotateurs, des éditeurs, ne sont que les après-coups cristallisés et hypostasiés des fonctions dynamiques de production de l’écriture et de l’organisation textuelle. (marcel écrit)

Materiality chez hayles

[F]or Hayles, information never “loses its body” (1999, 2), and even the intelligence of “cybernetic machines” has embodiment conditions; it is just that these are materially “very different” from those affecting human awareness (Hayles 2012 - How We think, 3, 17) » (Smith 62)

énonication édit 1998 : Quelle qu’en soit l’histoire, la situation ou le « contenu »… il n’est pas de texte qui, pour advenir aux yeux du lecteur, puisse se départir de sa livrée graphique. C’est une vieille histoire que celle qu’entretiennent le texte et « l’image du texte ». Une histoire faite de rencontres et de déchirements. Pour avoir transformé l’ancestral antagonisme sensitivo-moteur « face-langage » et « main-graphie » en un espace de rencontre possible, l’écriture annonçait déjà la couleur ; à en croire Leroi-Gourhan, en elle pouvaient se joindre la parole et le geste [4] [4]André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, « Technique et… . Héritière de cette rencontre, l’image du texte a cependant souffert de l’ostracisme idéologique dans lequel notre culture logocentrique a relégué toute manifestation ayant trait à l’image [5] [5]Anne-Marie Christin, L’image écrite ou la déraison graphique,… , à la matière ou au corps. Mais les faits sont têtus : sans support et sans matière, sans « dessin », il n’est pas plus de texte que d’écriture – fût-elle la trace fugitive de la lumière irisant l’écran [6] [6]Voir Emmanuel Souchier, « L’écrit d’écran. Pratiques d’écriture… . Dès lors, comment les sciences humaines pourraient-elles faire abstraction de ce qui est ontologiquement lié au texte, lequel constitue leur objet d’analyse 

Partie Média #

Mais ce n’est pas fini. Avec l’invention spectaculaire de l’ordinateur, toute la scène des média s’est trouvée changée, une fois de plus et de façon dramatique. Depuis cinquante ans, c’est-à-dire depuis Turing, von Neumann et Shannon, nous vivons dans une culture qui ne fait plus la moindre différence entre son et lumière. Tout ce qui est traité et emmagasiné dans les registres internes d’un ordinateur n’existe que sous forme d’octet (puisque les mots plus justes de bit ou byte paraissent défendus en français)

Comme dans la culture grecque dont l’alphabet vocalique (n’en déplaise à mon ami mort Jacques Derrida) figurait à la fois pour les sons du langage, les chiffres des nombres et les intervalles de la musique, la digitalisation a unifié ou plutôt aplati la totalité de nos codes. Cet événement capital et presque incontournable est difficile à penser. Il ne suffit pas de le différencier des mass media traditionnels ou de le célébrer comme une mise en réseau globale reliant les consommateurs entre eux. Plutôt, c’est le statut du savoir même qui a changé. Tout ce qui est connu, construit ou enregistré, fût-ce un livre, une voiture, un film ou un disque, existe sous trois formes simultanées: en hardware, en software et parfois en netware, c’est-à-dire entre nous. Grâce au programme en source ouverte qui m’a permis d’écrire ce discours, je dispose de quelques milliers de lettres, grecques, russes, arabes, de l’hébreu et ainsi de suite. Tout se passe comme si une récursion gigantesque avait ressuscité toutes les cultures et leurs codes, pour leur donner une forme qui n’est ni matérielle ni immatérielle au sens métaphysique.

En vérité, ce qu’on transpose sous forme binaire ou digitale n’est jamais qu’une couche physico-chimique, une surface dont nos sciences ont conscience.

Malgré tout ce que McLuhan au Canada ou Virilio en France ont déjà accompli, l’histoire globale des techniques de média reste à écrire. Si les conjectures à l’étude desquelles j’ai dédié une bonne part de ma vie ont quelque raison, cette histoire universelle est coextensive de l’être humain. Cet être humain, vous savez, « qui va tous les matins à la recherche du bonheur. »

Et alors, la tâche de la pensée? Refaire, remonter, retracer toujours le fil d’Ariane qui nous a menés des chants d’Homère aux ordinateurs actuels et prochains. En d’autres mots: caché sous les « média techniques » bien que les provoquant dans tous les sens, il y a autre chose, un patois incontournable, un murmure du terroir qui échappe à son algorithmisation finale: « la langue mienne », comme disait Lacan, ou plutôt, pour conclure avec Heidegger, « la maison de l’être », en Allemand « das Haus des Seins ». Qu’est-ce que la poésie, la première-née des média techniques ? Elle ne cherche pas l’éternité chrétienne, mais toujours Homère. Elle le veut perpétuer. Pensez à la Sicile d’antan, un haut midi passé, pensez à la tâche du poète: « Ces nymphes, je les veux perpétuer. » [fin]

(Kittler, 1 Son et Lumière : prononcé par Friedrich Kittler [en français] en ouverture d’un colloque sur l’œuvre audio-visuelle à l’auditorium de la Bibliothèque nationale de France à Paris, le 17 )


According to Kittler, ‘a medium archives things, transmits things or processes things’. (Friedrich Kitler, quoted by Galloway, The Interface Effect, p. 13.)

comme pour les media archeologist, les intermédialistes accordent beaucoup d’importance à la question de la pratique.

The concept of hypermediacy evokes the ‘hypermedia’ described by Ted Nelson in his famous 1965 article ‘A File Structure for the Complex, the Changing and the Indeterminate’.39 Nel- son uses the term in conjunction with ‘hypertext’, a word he also coined. He pointed to the then-novel fact that the computer makes non-linear document management possible by hyperlinking content. That capability endowed media with an additional, vitally important dimension: they could now assume mutable structures that changed shape with every reading. To illustrate the point, Nelson cited the example of non-linear arrangements of film recordings that make them browsable in multiple dimensions, rather than the two dimensions of linear sequencing. Bolter and Grusin’s hypermediacy is governed by the same logic. (media do not p.16)

Kittler à l’origine de la « German media theory school » qui n’est pas tant une école qu’une corrélation entre des perspectives anglo-saxonnes et américaines et des courants philsophiques à l’insta du postructuralisme français.

garder en mémoire uniquement Kittler comme seul investigateur de l’école berlinoise des médias est réducteur et exclue d’autres penseurs de l’époque.

Comme souligné par JUssi Parikka :

In other words, the label ‘German’ is a sort of misinterpretation, and even relating Kittler’s work to a ‘Berlin-school of media theory’ would neglect a lot of institutional and academic detail. Kittler definitely is not, and never was, the only media theorist in town. Yet, despite continuing inaccuracies in terms of such generalizations as ‘German media theory’, it is clear that Kittler’s writings, which stemmed from his background in literature studies had a huge influence in terms of how international – and especially Anglo-American – media theory considers systems of writing, storage and communication as material networks. As a historical constellation, German media theory especially in its mix of enthusiasm for close-reading of technological systems and high theory, can be understood ad a critical reaction to the Marxist analyses of media by the Frankfurt school, and, on an international scale, as a desire to differentiate from British cultural studies […] (Parrika p. 66)

Kittler est très proche de la perspective poststructuraliste littéraire, puisant ses intonations dans les travaux de Foucault, Derrida, et Lacan. Faisant parti de la génération de médiologue qui tournèrent le postructuralisme et sa philosophie vers une théorie des médias pour délimiter au final une niche dans le champ disciplinaire.

Kittler « first renegade Germanist to teach computer programming » (Winthrop-Young, 2011, p. 74)

Il y a ne division entre le cas de l’Allemagne et des études allemandes et l’« ancienne europe » comme aurait pu le dire Kittler

l’apport de kittler est le suivant : (lecture de parrika, p. 68)

perspective presque archéologique, parce qu’intérêt aux conditions de la connaissance, et généalogiques (intérêt matérialiste)

mix entre foucault archéologie des conditions de production de la connaissance, macluhanien avec le centre du média, et une perspective d’histoire littéraire.

In other words, as Kittler explicates later in his Optical Media lectures (from the late 1990s), it is the engineering communication theory of Claude Shannon (1916-2001) from the 1940s that provides the tem- plate for teaching how media work. In other words, not meaning, not representation, not any imaginary of media that is conditioned by the Media Theory and New Materialism 69 social, but the act of communication in its physical distributing and effective channelling of signals stands at the core of media, claims Kittler. Communication can hence be methodologically understood through the elements of the Shannon model of: data source, sender, signal, receiver, addressee(see image 5.2). In other words, the process of coding, signal processing and decoding becomes of higher impor- tance in this model, in which Kittler (2010: 44, cf. 1990: 370) under- lines that, ‘in contrast to traditional philosophy and literary studies, Shannon’s model does not ask about the being for whom the message connotes or denotes meaning, but rather it ignores connotation and denotation altogether in order to clarify the internal mechanism of communication instead’. (Parikka, p. 68-69)

la définition de discourse network offerte à la fin de l’ouvrage :

‘The term discourse network, as God revealed it to the paranoid cognition of Senate President Schreber, can also designate the network of technologies and institu- tions that allow a given culture to select, store and process relevant data.’ (p. 369)

Parce qu’elle entreprend la relation, la perspective du média de Kittler n’est pas tant basée sur la substance.

Dans ces termes, le pouvoir n’est pas tant l’affaire de lieux d’informations (la prison, la fabrique en ligne avec la pensée de Foucault ou Deleuze) mais de pratiques en action, de relation et donc également d’imaginaires : [exemple] Bibli constantinople

sur le déterminisme de kittler :

media determine our situation, which – in spite or beacuse of it – deserves a description (1999, XXXIX)

Nietzsche dans lettre de février 1882, cité par Kittler, 1999, p. 200 :

Our writing tools are also working on our thoughts.

Hence, what we track here as ‘media archaeol- ogy’ — and the expansion of the concept — is of relevance for what could now be called, for want of a better term, ‘new media studies’ which takes as its driving force the realization of the importance of concrete software and hardware processes and platforms in media studies. It is thus no accident that the more recent wave of new media scholars in the US as well are saying that their work is not ‘about information society, but about the real machines that live within that society’ (Galloway 2004: 17). (parikka, p. 85)

sur le scribe débile :

Ce n’est pas sans raisons que pendant trois siècles, apprendre à écrire définit l’initiation par excellence à une société capitaliste et conquérante. C’est sa pratique initiatrice fondamentale. (certeau 201)

réaction à un principe du nouveau, qui tend à dire la révolution technologique des médias, les intermédialistes ont pensé davantage des phénomènes de récurrences et de continuité.

media either store things, transmit things, or process things (kittler cité par galloway, interface effect, p. 13)

Comme le rappelle Samuel Archibald, « texte » est un « terme dérivé du latin texere, par lequel plusieurs langues indo-européennes ont opéré une association figée entre l’écriture et le tissu, l’acte de tisser ou de tramer. » (2009, 204). Le texte est donc une écriture organisée, ou mieux une série de relations tissées entre des éléments scripturaux indépendants.

But the notion of mediality recasts our notion of literature in another sense. As soon as we conceive of literature as medially instantiated, then we must view its meaning as the product of a selection and rarefaction. All media of transmission require a material channel, and the characteristic of every material channel is that, beyond–and, as it were, against–the infomation it carries, it produces noise and nonsense. What we call literature, in other words, stands in an essential (and again, historically variable) relation to a non-meaning, which it must exclude. It is defined not by what it means, but by the difference between meaning and non-meaning, information and noise, that its medial possibilities set infot place. This difference, obviously, is inacesseible to hermeneutics. It is the privileged locus, however, of post-hermeneutic thought. (DN, Foreword, p. XV)

L’avant-propos à l’ouvrage de Kittler par D. E. Wellebery se situe sur quelques uns de ces points à l’encontre de ce que proposait en réalité le médiologue. Les formules dépréciative « non-sense » ou encore « noise » achèvent de creuser une tranchée entre ce qui serait un art (la littérature) et une matérialité qui s’incarnerait à nos yeux comme le média. Cette perspective est intéressante en ce qu’elle décrit en effet une tension dans l’objet d’art qui évoque aussi la question de la reproductibilité de Benjamin, l’objet se situant entre un sacré et un médiocre de sa reproduction. L’idée du réseau de discours est justement une réponse à la pensée de Benjamin : pour Kittler, il faut même radicaliser la proposition de Benjamin de considérer que le cinéma produit de la dispersion qui fait rempart à la concentration bourgeoise. Selon Kittler, c’est l’ensemble des discours produits qui changent les modes culturels parce qu’ils deviennent justement à partir de 1900 différents. Et dans les médias des années 1900, le film n’a pas la primauté de révolutionner l’art ou la littérature : c’est un média parmi d’autres qui, justement, produisent les même effets et changements de paradigmes culturels : l’image utilisée est révélatrices de l’intensité du phénomène que Kittler souhaite traduire : il parle en effet de fuite des idées au sens psychiatrique du terme. Relatant les expérimentations du psychiatre viennois Stransky dont les sujets d’expérimentations (mêlant collègues et patients) étaient invités à parler dans le tube d’un phonographe (avec un débis rapide et volubile). Ce que le psychiatre observe de cette expérience est que tous les sujets finissent par prononcer des phrases qui ne sont plus chargées de sens ou qui ne se soucient plus de signifier. L’obligation d’un débis et d’une production, là est le non-sens de la littérature.

L’accroche, certainement assumée comme insolente, de Wellebery retiendra tout de même la présence de deux régimes de sens dans l’objet littéraire, ainsi que le besoin d’une nouvelle méthode d’analyse, d’un dépassement de l’analyse instanciée officielle pour capter la densité d’un art.

Le système d’écriture de 1900 est un jeu de dés avec des unités discrètes ordonnées de façon sérielle. Kittler

Parce que la réflexion de Kittler se pose à la lumière de l’héritage de Foucault et de son concept de discours, le terme anglais discourse a certainement été retenu. Il reste que le terme Aufschreibesystem provient initiallement d’une expression utilisé par le juriste allemand Daniel Paul Schreber qu’il décrit comme « the network of technologies and institutions that allow a given culture to select, store, and process relevant data. » (DN, p. 369) Un élément essentiel de la démonstration de Kittler est cependant perdu en ce que la distinction entre les deux, média et expression, est artificielle d’une part et que de l’autre dire que le sens, l’information, la note juste se situent du côté de l’expression littéraire est en réalité arbitraire. Toute l’information est déterminée par le média, qui au-delà de causer du bruit dans une réalisation qui n’en aurait pas, lui donne son sens. Notre littérature (et même en réalité notre écriture) n’a jamais été sans le non-sens et le bruit que Wellebery attribue au média. C’est pourquoi le deuxième temps de l’écriture du premier chapitre se consacre à l’étude du média.

A a written trace digital inscription is invisible to the naked eye, but it is not instrumentally undetectable or physically immaterial. Saying so is not a theoretical proposition but a discernible fact, born of the observable behavior of some 8.5 million terabytes of storage capacity brought to market in one year alone. (kirschencaum, new media, p. 176)

GFT sort du « mode texte » pour aller vers des éléments d’une trilogie médiologique : lettre, image, son.

(avec Boole dans Investigations of the Laws of Thought, 1854, les 0 et 1 renvoyaient à l’absence ou la présence, maintenant avec les travaux d’axiomatisation de David Hilbert, ils ne renvoient à rien d’autre qu’eux mêmes)

tautologie technicienne

A rose is a rose is a rose is a rose : résultante poétique d’un principe logique à partir de la sérialisation du calcul.

Ceux qui l’ont eu pour enseignant se souviennent du credo qu’il inculquait : nul ne devrait pouvoir se dire théoricien de médias qui n’aurait jamais soudé et brasé quelque circuit électrique. (Alloa, p. 18)

Ce que Kittler déplore dans les études des médias et de la communication, c’est que celles-ci ne sont souvent que des continuations par d’autres moyens des sciences humaines, qui n’ont pas toujours pris la mesure de la ruptura radicale produite par les opérations de discrétisation. Car si les appareils se succèdent et ne se ressemblent pas, et que rien ne semble plus obsolète qu’un dispositif technique, ses opérations le sont beaucoup moins : on n’est jamais revenus en arrière sur la découverte d’une nouvelle opération technique. William Burroughs disait que l’homme occidental s’externalise sous forme de gadget. Mais derrière cette complaisance narcissique, il y a une réalité infiniment plus angoissante : en contemplant ces appareillages muets, l’humain découvre que son temps de péremption est plus bref que celui des objets qu’il a mis au monde ; (Alloa p. 21)

KIttler renverse la perspective des anthropologues des médias : l’individu est un appendice des machines, « Rien n’existe des individus, sinon ce que les médias enregistrent et transmettent. »

le message qu’est le média n’est pas un message sémantique, les aspects sémantiques d’une communication ne sont pas pertinents pour le problème technique (Shannon et Weaver, 1948, 1949, p. 3)

KIttler met en place d’autre a-priori : des apriori médial (Medienapriori)

Les médias déterminent notre situation. Et cependant, ou précisément pour cette raison, cette situation doit être décrite. (GFT, p. 29)

[ajout expérience encodage texte dans une image de Goldsmith] l’image et le calligramme le média est un récit d’images

le message qu’est le média n’est pas un message sémantique, les aspects sémantiques d’une communication ne sont pas pertinents pour le problème technique (Shannon et Weaver, 1948, 1949, p. 3)

artifice

Plus loin, Junod affirme que l’opacité est ce qui permet de “préserver la perceptibilité de l’artifice”.49

Le thème de la valeur de l’artifice comme caractéristique spécifique de l’art, repris par le romantisme et transmis au symbolisme puis au formalisme russe, est présent tout au long du [XIXe] siècle et son développement conduit aux théories de la théâtralité […], de la littérarité […], de la picturalité […].50

Comme McLuhan dans son travail sur le média, Kittler réoriente un discours, majoritairement humaniste pour son cas, vers un objet théorique (le média) compris comme un dispositif culturel et non comme le véhicule d’un discours qui contiendrait toutes les clefs pour la compréhension de notre existence en tant que sujet. Le sujet humain pour Kittler n’est pas à comprendre par le contenant, qui serait la nostalgie d’une écriture qu’il ne produit, mais par les systèmes qui eux écrivent : les discourse network ne sont donc pas des productions intertextuelles humaines mais bien des apparata technologiques qui déterminent les relations d’écriture.

l’informatique appelle la simulation et le simulacre. L’auteur dessine les contours de ces notions grâce à quelques exemples et en déduit des conséquences pour l’utilisateur. Simulacre, par exemple, que la page affichée à l’écran, alors que son existence « réelle » est toute autre (ce ne sont que des codes binaires) : je décide (à l’écran) de sauter une ligne, de justifier les paragraphes … Mais ce n’est pas tout. Du simulacre naît la simulation. « D’une part, nous travaillons sur un document qui est un simulacre et notre travail est une action sur le simulacre ; cette situation de travail implique une relation à l’écrire où le regard agit comme puissance majeure, qui fait couple avec le simulacre dans l’action de la simulation. De cette apparente transparence naît l’impression que la machine et le cerveau “se comprennent”. » (p. 399.) D’autre part, ce que produisent l’écran, puis l’imprimante, ressemble au résultat que l’on trouve dans les livres, les journaux : il est alors possible, postule Clarisse Herrenschmidt, de distinguer deux types d’auteurs. D’un côté, ceux qui se laissent séduire par le simulacre, ceux qui succombent à « la belle apparence rapidement obtenue : tout est si vite si beau » (p. 399). De l’autre, ceux qui sont happés par la simulation, qui succombent à l’emprise de la retouche infinie. Et la question est loin d’être triviale, car si l’usage d’un ordinateur est à la portée de tous, « par la porte du simulacre et de la simulation, l’informatique divise les utilisateurs selon leur culture » (p. 400), car corriger, c’est savoir.

s’articule avec le passage progressif opéré dans le milieu des années 2000 vers une reconfiguration de la réalité du média : de l’intermédialité médiatique (média) à l’intermédialité postmédiatique (la médiation) jusqu’à l’intermédialité excommunicationnelle (l’irrémédiable).

Parce que la science ne consiste pas seulement à savoir ce qu’on doit ou peut faire, mais aussi à savoir ce qu’on pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire. Voilà pour quoi je disais aujourd’hui au maître verrier que le savant se doit en quelque sorte de cacher les secrets qu’il découvre, pour que d’autres n’en fassent pas mauvais usage, mais il faut les découvrir, et cette bibliothèque me paraît plutôt un endroit où les secrets restent à couvert. (nom de la rose)

La science ne consiste pas seulement à savoir ce qu’on doit ou peut faire, mais aussi à savoir ce qu’on pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire.”

Guillaume de Baskerville

[Le Livre de Poche 1982 - p.128]

La Bibliothèque se défend toute seule, insondable comme la vérité qu’elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu’elle enserre. Labyrinthe spirituel, c’est aussi un labyrinthe terrestre. Vous pourriez entrer et vous ne pourriez plus sortir. (nom de la rose)

Adso `ala fin du film : Elle fut le seul amour terrestre de ma vie, et pourtant je ne savais, et jamais je ne sus son nom.

voix off (Claude Rich pour la version française), Le Nom de la rose (1986), écrit par Andrew Birkin, Gérard Brach, Howard Franklin et Alain Godard

Μοῦσα φίλα, τίνι τάνδε φέρεις πάγκαρπον ἀοιδάν;

ἢ τίς ὁ καὶ τεύξας ὑμνοθετᾶν στέφανον;

ἄνυσε μὲν Μελέαγρος, ἀριζάλῳ δὲ Διοκλεῖ

μναμόσυνον ταύταν ἐξεπόνησε χάριν,

πολλὰ μὲν ἐμπλέξας Ἀνύτης κρίνα, πολλὰ δὲ Μοιροῦς

λείρια, καὶ Σαπφοῦς βαιὰ μέν, ἀλλὰ ῥόδα:

νάρκισσόν τε τορῶν Μελανιππίδου ἔγκυον ὕμνων,

καὶ νέον οἰνάνθης κλῆμα Σιμωνίδεω:

σὺν δ᾽ ἀναμὶξ πλέξας μυρόπνουν εὐάνθεμον ἶριν

Νοσσίδος, ἧς δέλτοις κηρὸν ἔτηξεν Ἔρως:

τῇ δ᾽ ἅμα καὶ σάμψυχον ἀφ᾽ ἡδυπνόοιο Ῥιανοῦ,

καὶ γλυκὺν Ἠρίννης παρθενόχρωτα κρόκον,

Ἀλκαίου τε λάληθρον ἐν ὑμνοπόλοις ὑάκινθον,

καὶ Σαμίου δάφνης κλῶνα μελαμπέταλον

(Anthologie grecque, livre IV, épigramme 1)

Muse aimée, à qui apportes-tu tous ces fruits réunis dans un chant ? qui donc, pourrais-je dire encore, a tressé cette couronne de poètes ? Celui qui l’a fait, c’est Méléagre ; et c’est à l’illustre Dioclès qu’il adresse ce souvenir, c’est pour lui qu’il a composé cette magnifique offrande. Il y a entrelacé beaucoup de lis rouges d’Anytê, beaucoup de lis blancs de Mœro ; de Sappho, peu de choses, mais ce sont des roses ; puis, le narcisse de Mélanippide, fécond en hymnes harmonieux, et les jeunes sarments de la vigne de Simonide. Il y a inséré, pêle-mêle, le bel iris embaumé de Nossis, dont les tablettes de cire furent amollies par Éros, ainsi que la marjolaine odorante de Rhianos, et le doux safran d’Érinna, fleur au teint virginal, et l’hyacinthe d’Alcée, à qui les poètes reconnaissent le don de la parole, et les rameux du laurier de Samios, avec leur feuillage noir. (traduction à partir de l’édition de Waltz)

Elle n’eust pas plutost pris le fuseau, que, comme elle estoit fort vive, un peu estourdie, et que d’ailleurs l’arrest des fées l’ordonnoit ainsi, elle s’en perça la main et tomba évanouie. (La belle au bois dormant Perrault)


La proposition du média comme une extension humaine de McLuhan, « extensions de certains facultés humains – qu’elles soient psychiques ou physiques » (medium message, p. 26), résonne alors avec une plus claire arrogance humaniste. Penser le média comme extension, corporelle et sensorielle dans la continuité de la thèse de la projection des organes de Kapp (qui faisait du télescope une lentille occulaire décuplée et du câblage électrique une extension du système nerveux, du réseau de circulation urbain une prolongation du système sanguin) est un pas vers l’idée transhumaniste d’une réparation des failles et manques de l’humain par la technique : ce qui comporte la double anthropocentralité, 1. glorification de la capacité humaine à dépasser sa propre condition par la technique ; 2. inadéquation de l’humain d’origine par la nature.

Ce que l’on nomme média, par convenance ou habitus, est moins une extension, comme un miroir tendu à une supériorité d’agentivité et d’inventivité, qu’un ensemble de caractéristiques que nous distinguons par la théorie et qui émergent à la suite de relations, rencontres, mues. Le média retrouve ici les mues qu’il semblait avoir épuisé en début de partie.

se retrouve dans la notion de conjonctures médiatrices

elle incluent le non-humain tout en conservant un sens fort avec ce qui pourrait relever plus précisemment de la sociologie des médias [**] (dès le début de la pensée intermédiale, et dès aussi le début des Media Studies, la question humaine et la notion de l’individu (usager ou producteur) occupaient une place centrale).

Sur les new media :

Empirically, new media are subject to many of the same conditions as “old media”. As Hayles called attention to above, for instance, new media always remain subject to conditions of materiality and embodiment, and it would be wrong to see them as “dematerialized” in any absolute sense (on this, see also Reading 2014). Focusing on only such conditions, however, might cause us to stress continuity at the expense of discontinuity, and to reduce new media to “old media”. What this would cause us to overlook, in turn, are the ways new media are empirically different from “old media”. As Hansen [New philosophy for nwe media 2000, 21] called attention to above, for instance, new media are networked in more obvious ways than old media, and they involve digital rather than analogical content (on this, see also Galloway and Thacker, 2007 ; Gere 2008). (Smith 69)

le risque est de perdre la continuité entre les temps des médias

considérée comme une exceptionnal technologies


ajout sur tradition germanophone media studies

kittler un chercheur parmi d’autres

As a historical constellation, German media theory, especially in its mix with enthusiasm for close-reading of technological systems and high theory, can be understoof as a critical reaction to the Marxist analyses of media by the Frankfurt school, and, on an international scale, as a desire to differentiate from British cultural studies – a point that Geoffrey Winthrop-YOung (2006:88;2011) articulates well. (Media archeology, Jussy Parikka, p. 66)

si l’on revient à la déprise de l’écriture par Kittler, il y a aussi une déprise politique et géographique : l’écriture n’existe plus dans l’espace-temps que nous pouvons percevoir, mais dans la mémoire machine et, pour cette raison, nous n’y avons plus accès.

More specifically, this new state for media analysis is outlined in the first lines of Kittler’s (1995) software article: texts do not exist any more in time and space that we human beings can perceive, but only in computer memory and, because of that, we no longer have direct access to writing. Due to complexity and high-tech demands, even the building of such machines is no longer understandable with old notions of skill or handcraft, but takes place through Computer- Aided Design, which, furthermore, points to the complexity of the hardware and software environments in which we live. It takes one to build one. Even so, Kittler states in the text that software does not exist, which as a provocative claim suggests the other side of his argument, which stems from the complexity of the structures inside computers. Writing technologies are to be understood no longer through natural languages, but through software languages and programs such as our word-processing ones — during Kittler’s writing WordPerfect, but nowadays, more or less, simply Word. Yet, such software programming language turned into applications and pro- grams requires a further layer of operating systems, which themselves, continues Kittler, are to be understood only in relation to the funda- mental input and output operations governed through BIOS — the first piece of software that exists and allows the operating system to be bootstrapped into full swing in specific hardware settings. Hence, ‘In principle, this kind of descent from software to hardware, from higher to lower levels of observation, could be continued over more and more decades. All code operations, despite their metaphoric faculties such as “call” or “return”, come down to absolutely local string manipulations and that is, I am afraid, to signifiers of voltage differences.’ (parikka, p. 80)

les dernières années ont vu un regain d’intérêt pour la matière, notamment dans les théories des médias, autant que sur les questions de processus, de posthumain et de non-humain.

The various brands of new materialism are not reducible to the material- ism of Marxist theories of the political economy of production forces in their historical development, and they are interested in the inten- sive materiality of bodies in motion and defined by movement moving (evident in the work of Erin Manning and Brian Massumi); the abstract materialism that draws from science-and-art collaboration (for example Luciana Parisi’s writings on architecture and embodi- ment); political physiology that looks for connections between the ‘social and the somatic’ (John Protevi); radical empiricism of the wireless experience (Adrian Mackenzie); the writings on science by Manuel Delanda, Donna Haraway and Karen Barad; material feminists such as Rosi Braidotti, Elizabeth Grosz and others; and of course, for example, Bruno Latour’s work that has had a significant influence — in addition to other theorist-philosophers such as Gilles Deleuze — on a rethinking of materiality (see Bennett 2010). Partly, this turn to materiality can be seen to correct the perceived immate- riality brought by digital culture, and by what postmodern theories flagged as the abstraction and immaterialization of cultural reality through a new kind of primacy of the sign, from money to simula- tory techniques. Such ideas were most visible in the work of Jean Baudrillard. Indeed, modern processes of abstraction and demate- rialization can be understood to be having effects as a crisis of the phenomenological, experiencing human body, and also to demand a different vocabulary that would take into account the new forms of materialities of the technical media age (Brown 2010). (parikka, p. 84)

Partie page #

Structure et sens sont certainement ce qui permet dans leurs enchevêtrements de comprendre la page comme ce qui participe du fait littéraire avant que le geste d’inscription ne l’ait atteint. Ses caractéristiques, « odours », l’ensemble de ses éléments non-verbaux constituent « a message » ( Citation: , , p. 9 (). How the Page Matters. University of Toronto Press. ) . En réaction notamment aux discours annonçant la disparition de la culture du codex avec la révolution numérique, un ensemble d’études que l’on peut nommer comme les pensées de la page émergent justement depuis environ une dizaine d’années pour décrypter, via une approche textuelle, ce paysage de la lettre ( Citation: , (). How the Page Matters. University of Toronto Press. ; Citation: , (). The Matter of the Page: Essays in Search of Ancient and Medieval Authors. University of Wisconsin Press. ) . Il ne s’agit pas ici, comme cela a été le cas dans les premières recherches de ce courant, de revaloriser une révolution de l’imprimé par rapport à une nouvelle révolution, comme un combat de coqs entre supports, mais de comprendre comme une culture numérique fait évoluer la page (et plus généralement la culture imprimée à laquelle on l’a rattaché).

Le passage du volumen au codex

Kittler est en réaction à un infinitisme de l’herméneutique

dans le contexte : à Francfort, triomphe du procéduralisme avec la publication de la Théorie de l’agir communicationnel de Jurgen Habermas 1981 (comme rappelé par Emmanuel Alloa) : idée que l’herméneutique peut tout interpréter.

Kittler refuse une idée du sens comme humain, trop humain, pour invoquer un autre procéduralisme, celui des opérateurs techniques, indifférents au problème de la signification tout en constituant pourtant le fondement véritable de toute civilisation.

Il ne s’agit plus de « lire entre les lignes (l’activité favorite des herméneutes), mais […] lire ce que personne n’a jamais rédigé. » (Alloa, p. 8)

La page Web n’est pas tant une résurgence du volumen qu’elle est une ouverture du codex à une linéarité continue. Ce qui demeure dans la page Web est un rapport de structuration, bien plus profond que ce qu’avait déjà institué le codex, en tant que la page se divise en classe, en espaces délimités.

page matter : The page had already survived the print revolution of a half-millennium ago. This, perhaps, seems less surprising, since the printing press conserved the form of the codex—it only changed the method of copying. Print would, how- ever, over time, appear to stabilize an ambiguity in the meaning of “page” in the era of the handwritten codex, when the term could designate either a leaf, or one side of a leaf. Since the page-breaks in a printed edition are the same across copies, the utility of numbering pages (chiefly for reference) soon became ob- vious, with printers initially preferring to count leaves but eventually settling on sides of leaves: page one is thus the first side of the first numbered leaf, and so on. In truth, this did not finally settle the matter; even today, if we were to accuse someone of ripping a page out of a book, it would never occur to us to specify that the theft was, in fact, of two pages.But let us go back more than a millennium earlier, to the page’s most re- markable transition of all: that from roll to codex. Applied to the book-roll, the Latin pagina (whence our word “page”) corresponds to the Greek selis and des- ignates a column of writing. In a quality product, this need not have anything to do with the individual sheets (Greek, koll¯emata, Latin, schidae or scidae) of papyrus that were carefully glued together to make a roll, since columns crossed these without notice.13 The codex, of course, could not allow the same—a column could not wrap, left to right, around the edge of a leaf or across the binding without evident discomfort—but some early codices do preserve the column’s basic form, fitting two or three onto each side of the leaf.14 The pagina, though, soon stretched to fill its new environs, and by the early Middle Ages, the multicolumned page is the exception, and pagina presumably had come to mean only what it has meant ever since: “page.”15 This shift in the meaning of pagina may look, at first, like an important change, but it actually marks a rather astounding continuity. Let us first note that, beyond the designation of a “column” in a book-roll, other ancient uses of pagina correspond to what we ourselves would call a “page.”16 The word is cognate with pango, which means “to fix by driving in,” as in boundary stones or the trees of a planned grove. Pagina could depend on the second of these:Latin uses other agricultural terms, like exarare, for writing, and the phrase pangere versus, probably “to plant some verses,” i.e., to write them (in wax) is common.17 But it probably suggests instead the first: a pagina is a bounded space set out for writing—a leaf in a waxed tablet, a single sheet of papyrus or parchment, or a column in a book-roll.18 Garden or enclosure, the page is, ironically enough, from its very origin, a plot available for plots (to play on our own not unrelated double sense of the word “plot”).19 More to the point, the column of the book-roll is not the pagina avant la page; it is simply a slightly strange episode in the long history of the page as a bounded space. In other words, the roll too has pages.(7-8) ( Citation: , (). The Matter of the Page: Essays in Search of Ancient and Medieval Authors. University of Wisconsin Press. )

L’interface, définie comme une « form of relation […] between two or more distinct entities » fabriquée à partir du « coupling of the processes of holding apart and drawing together » ( Citation: , , p. 4 (). Interface. The MIT Press. ) devient un espace de jeu sur les qualités du média, notamment entre opacité et transparence, design et intrusion. Ce lieu du numérique est celui d’une relation qui couple humain et non-humain, machine et utilisateur ( Citation: & , , p. 51 & (). Media Do Not Exist: Performativity and Mediating Conjunctures. Institute of Network Cultures. Retrieved from https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/22937 ) par des fonctionnalités médiatrices et génératives.

Pour l’index thématique #


  1. Moses I. Finley (trad. Monique Alexandre, préf. Pierre Vidal-Naquet), Démocratie antique et Démocratie moderne, Paris, Éditions Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot / Histoire » (no 35), 2003, 179 p. (ISBN 978-2-228-89751-8), chap. 3 (« Socrate et après Socrate »), p. 151. et Luc Brisson, « Introduction [de l’Apologie de Socrate] », dans Platon, Apologie de Socrate – Criton, Paris, Flammarion, coll. « GF » (no 848), 2017 (1re éd. 1997) (ISBN 978-2-0814-1602-4), p. 35. ↩︎

  2. La Nuée est justement un hommage aux Oiseaux d’Hitchcock en transposant la menace du régne des aves à celui des insectes. ↩︎

  3. Les créations de Terrence Malick observent toujours dans leurs images le ciel pour suivre les nuées. ↩︎

  4. Le projet sera analysé comme un cas d’étude dans la troisième section du présent chapitre. ↩︎